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Rencontre CULTURE DE L’AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES : HIER L’ATTRACTIVITÉ, ET DEMAIN ? le 27 septembre à Clermont-Ferrand

Attractivité et compétitivité sont devenues au tournant du siècle les maîtres mots d’une culture de l’aménagement qui s’est alignée sur la logique de marché. Dans l’économie monde, l’explosion des flux et le règne de la croissance, auxquels les territoires doivent contribuer, ceux-ci n’ont plus d’autres choix que d’attirer résidents, entreprises, investisseurs, créateurs, travailleurs pour sortir du lot et tirer leur épingle du jeu. Il faut capter les ressources humaines, financières, cognitives, culturelles pour se développer et créer de la richesse. C’est à l’aune de cette habileté, moyennant l’avènement de classements nationaux et internationaux mesurant leur performance et les distinguant, que se jauge la réussite des territoires.

En matière d’attractivité, où en est Clermont Métropole ? C’est la question traitée dans le cadre de la plateforme locale de Popsu Métropoles et dont les travaux seront mis en débat à l’occasion de cette rencontre. Pour élargir la perspective, d’autres productions issues du programme de recherche national et associant les agences d’urbanisme des réseaux FNAU et URBA4 seront également convoquées. Car l’attractivité, au moment où le changement global s’impose et souligne les excès d’un modèle de développement sans limite, semble peu à peu descendre de son piédestal. N’est-il pas temps de recomposer la culture de l’aménagement des territoires pour l’adapter à l’époque anthropocène, lutter contre les vulnérabilités qui s’affirment et inventer d’autres manières plus justes et écologiques de faire ville et territoire en privilégiant la qualité de vie, l’habitabilité, la résilience et l’hospitalité…

14h00 – L’attractivité de la métropole clermontoise, présentation des
résultats de la recherche menée dans le cadre de POPSU Métropoles

  • Jean-Charles Edouard, professeur de géographie, Université Clermont
    Auvergne et Hélène Mainet, professeure géographie et aménagement,
    Université Clermont Auvergne

14h45 – L’appréhension de l’attractivité dans les métropoles françaises

  • Nicolas Maisetti, directeur du programme Transitions, Plateforme
    d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU)
  • Xavier Desjardins, professeur d’urbanisme et d’aménagement de l’espace,
    Sorbonne Université et auteur de « La Métropole performative ?
    Échelles de la fabrique métropolitaine rouennaise »

15h15 – Vers un dépassement de l’attractivité comme premier principe
de l’aménagement des territoires : de l’attractivité à la Résilience et
à l’hospitalité, au bien-être et à l’habitabilité.

  • Magali Talandier, professeure en urbanisme et aménagement du
    territoire, Université Grenoble Alpes
  • Laurence Barthe, maître de conférences géographie et
    aménagement du territoire, Université de Toulouse-Jean-Jaurès
  • Jean-Yves Pineau, directeur Les Localos, Limoges

16h15 – Rafraîchissements

16h45 – Mise en perspective historique et culturelle

  • Pierre Cornu, professeur en histoire contemporaine et histoire des
    sciences, Université Clermont Auvergne
  • Stéphane Cordobes, directeur général de l’agence d’urbanisme
    Clermont Massif central

17h15 – Mise en perspective politique

  • Jean-Pierre Berger, 1er adjoint de la Ville de Saint Étienne et président de
    l’agence d’urbanisme Epures
  • Tony Bernard, Président de la communauté de communes Thiers Dore et
    Montagne
  • Grégory Bernard, conseiller métropolitain délégué et président de l’agence
    d’urbanisme Clermont Massif central
  • François Rage, 1er Vice-Président de Clermont Auvergne Métropole, en charge des Mobilités durables et président du SMTC

18h30 – Présentation officielle du programme de la 44ème Rencontre des agences d’urbanisme « No futures, no cultures, pas de réorientation écologique sans recomposition culturelle des territoires » et de la participation des acteurs locaux

  • Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la FNAU
  • Grégory Bernard, conseiller métropolitain délégué et président de l’AUCM

 

Adaptabilité et acceptabilité des territoires aux enjeux du Zéro Artificialisation Nette (ZAN)

Pourquoi et comment changer de modèle ?

Monsieur Philippe CHOPIN, préfet du Puy-de-Dôme ouvre cette journée en soulignant que le sol, patrimoine commun de la nation, constitue, comme l’eau et l’air, une ressource naturelle limitée et fragile. Il rappelle que le département du Puy-de-Dôme perd environ 1 ha par jour d’espaces naturels, agricoles ou forestiers. Le rythme actuel n’est donc pas soutenable. Pour inverser cette tendance, un changement de culture est nécessaire ; changer de paradigme et développer des modèles de territoires plus durables et résilients, telles sont les préoccupations nouvelles. 

Si les objectifs de lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols sont largement partagés, leur déclinaison opérationnelle est compliquée du fait :

  • Des schémas d’urbanisme traditionnels, liant trop souvent développement et extensions d’urbanisation ;
  • Des modèles économiques existants, reposant sur une disponibilité et un coût moindre des sols « nus » ;
  • Et des montages complexes et coûteux des opérations de reconstruction de la ville sur la ville.

Dès lors, de nombreuses questions se posent aux acteurs de l’aménagement, parmi lesquelles :

  • Comment écrire une trajectoire chiffrée de sobriété foncière tout en donnant du sens au projet de territoire ?
  • Comment démontrer que de vraies opportunités existent dans des aménagements moins consommateurs d’espaces, offrant un cadre de vie de qualité ?
  • De quelles ingénieries s’entourer, et quelles aides mobiliser, pour reconstruire la ville sur la ville ?

Face aux défis que représente le nécessaire changement de modèle d’aménagement et à la complexité des questions à traiter, il est important de réfléchir collectivement et d’échanger largement, en s’appuyant sur des cas concrets. 

 

Adaptabilité et robustesse : de quoi parle-t-on ?

Dans la continuité de l’ouverture de la journée par le préfet du Puy-de-Dôme, Olivier Hamant, biologiste et directeur de recherche à l’INRAE [2], nous alerte sur la perte de qualité du sol et apporte un éclairage riche sur les notions d’adaptabilité et de robustesse.

Tout projet devrait nourrir les trois santés : la santé de l’eau, la santé de la biomasse, et la santé des sols. Cette santé des milieux naturels est un déterminant essentiel pour nourrir la santé sociale, qui elle-même est indispensable pour nourrir la santé humaine.

Cette pyramide nous permet de comprendre pourquoi on investit dans les sols et dans le foncier. Elle rend la question socio-écologique intime.

Alors que notre société voue un culte à la performance, l’efficacité et l’optimisation, les sciences de la vie nous apprennent au contraire le rôle fondamental des erreurs, des lenteurs et des turbulences dans la construction du monde naturel. La nature ne cherche pas à être efficace, ni efficiente, mais à être adaptable. Elle vise la coopération, plutôt que la compétition. 

C’est la troisième voie du vivant [3] : transposer à nos sociétés le mode de fonctionnement de la nature. Pour cela il nous faut élargir les interactions, associer tout le monde, et créer de la coopération, de la circularité, de la robustesse et de l’adaptabilité. Au niveau des territoires cela veut dire élargir le spectre aux acteurs humains et non humains, cela suggère également davantage de décentralisation. C’est au niveau local que doivent se réfléchir et se prendre les décisions pour construire le monde robuste de demain. Finalement, la robustesse c’est vivre dans un monde fluctuant et turbulent où la vraie richesse vient des interactions et des capacités d’adaptabilité.

 

La sobriété : une approche intégrée

« La question du sens est une question centrale » complète Stéphane Cordobès, directeur de l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central. Il paraît difficile pour chacun de remettre en cause un système qui dure depuis 70 ans simplement parce qu’il faut répondre à une obligation légale. La seule manière de dépasser cette lecture consiste à s’interroger sur la raison pour laquelle le ZAN a été mis en place. A partir du moment où l’on comprend que le sol constitue une dimension-clé fondamentale de la vie des écosystèmes desquels nous dépendons, on passe du régime de l’obligation au régime de la nécessité. « Ne pas considérer les sols à leur juste contribution, au niveau de services qu’ils rendent, c’est effectivement aller droit dans le mur ». Ce constat peut vite donner le vertige. 

Alors comment passe-t-on du vertige à l’action ? Il n’existe pas une solution qui s’impose. Personne ne sait à quoi ressembleront les modèles d’aménagement que nous allons devoir inventer pour demain. Il ne va pas seulement falloir s’adapter mais être adaptables (confèrent les travaux d’Olivier Hamant). Il y a énormément à inventer et une véritable opportunité à être créatif. C’est assurément un défi majeur à relever pour les agences d’urbanisme et leurs adhérents. Aujourd’hui, nous sommes en réflexion sur les méthodes, les leviers, les outils à mobiliser, et cette réflexion ne peut se faire qu’en collaboration avec l’ensemble des acteurs de l’ingénierie (EPF, CAUE, CEREMA, services de l’Etat, etc.). 

La mesure de l’artificialisation et la préfiguration d’observatoires fonciers, l’adaptation des documents de planification aux nouvelles obligations, les travaux essentiels sur les centralités ou le repérage et la mobilisation du logement vacant et des friches sont autant d’exemples de boîtes à outils en construction sur les territoires pour atteindre la sobriété. Mais au-delà des dispositifs techniques, des besoins forts s’expriment en matière de sensibilisation, d’acculturation, d’apprentissage collectif. Ainsi, à titre d’exemple l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central a organisé avec Clermont Auvergne Métropole une formation-action sur l’urbanisme métropolitain face à l’urgence écologique et climatique qui a mobilisé de nombreux élus [4].

 

Les activités productives à l’aune de la sobriété foncière

Nicolas Gillio, chargé de mission appui socio-économique aux territoires au CEREMA, prend l’exemple particulier de l’économie pour questionner la mise en œuvre du changement de pratiques dans les territoires. En effet, l’activité économique représente autour de 25% des flux de consommation d’espace de ces 10 dernières années au niveau national comme régional. L’enjeu à agir sur le domaine économique est donc de taille. Les territoires se trouvent face à des injonctions contradictoires entre d’un côté une pénurie croissante en foncier économique disponible pour faire face aux besoins (notamment dans les territoires tendus), et de l’autre l’objectif de sobriété foncière. 

Une enquête menée en 2022 [5] auprès des intercommunalités et métropoles a permis de dresser un panorama des obstacles et leviers de sobriété foncière pour les activités économiques sur les territoires. Il en ressort que les collectivités font évoluer leurs pratiques en utilisant davantage les documents de planification, avec des opérations de recyclage foncier qui sont plus nombreuses mais encore trop rares, ou par la densification. Cependant, plus de la moitié des répondants (54 %) envisage toujours la consommation foncière comme un levier d’accroissement de leur foncier économique et les opérations de requalification restent sous-mobilisées ou très légères (aménagement de voiries, signalétique). 

Parmi les leviers à activer pour développer une gestion plus sobre du foncier économique Nicolas Gillio relève en particulier :

  • La connaissance du foncier : identifier son potentiel foncier pour organiser sa stratégie. 
  • L’action via les documents d’urbanisme :
  • Privilégier l’accueil d’activités qui sont sources d’externalités négatives (pollution, circulation de véhicules, risques industriels) dans les ZAE [6], et interdire le commerce de détail (Ex Pays de Lorient).
  • Contrôler la mutabilité des terrains par la délégation du Droit de Préemption Urbain dans les ZAE ou insertion de clauses dans les actes de cession de terrain (Ex Rives du Rhône).
  • L’utilisation d’outils de maîtrise du portage foncier : le bail à construction ou la création de foncières publiques.
  • Le dialogue avec les acteurs économiques et les entreprises pour les emmener sur des logiques de transition écologique : démarches d’écologie industrielle et territoriale, redirection écologique. 

 

La qualité des sols : un sujet majeur à investir pour les collectivités

Table ronde du club planification et territoires du 25 avril 2023. Crédit photo : AUCM.
De gauche à droite : Jérémy Mendes directeur de l’EPF Auvergne, Jean-Paul Capitan président du Pays entre Loire et Rhône, Béatrice Vessiller vice-présidente à la Métropole de Lyon, Grégory Bernard conseiller métropolitain délégué à Clermont Auvergne Métropole et président de l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central, Julien Lahaie directeur du syndicat mixte des rives du Rhône.

 

Les intervenants présents à la table ronde sont unanimes : la qualité du sol est un sujet nouveau sur lequel on manque encore d’expertise, notamment s’agissant des qualités éco-systémiques. Le sol ne doit plus être considéré comme un simple support inerte de production, mais comme un écosystème complexe avec un patrimoine biologique riche, à même de fournir des fonctions et des services pour les sociétés humaines : production alimentaire, atténuation des effets du changement climatique, dépollution, etc.

La qualité des sols joue un rôle fondamental dans la santé humaine. Se poser la question des intrants dans l’agriculture de proximité, de l’agronomie, apparaît essentiel. « C’est la politique foncière, la maîtrise du sol et de ce qu’on fait avec qui nous permettra de sécuriser la qualité de notre agriculture » indique Grégory Bernard (conseiller métropolitain délégué à Clermont Auvergne Métropole et président de l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central). La question qui se pose aujourd’hui est comment travailler la complémentarité des agricultures pour offrir un sol alimentaire au territoire selon Jean-Paul Capitan (président du Pays entre Loire et Rhône).

« Il faut qu’on embarque le monde agricole dans nos réflexions » suggère Béatrice Vesselier (vice-présidente à la Métropole de Lyon). C’est un challenge du SCoT en cours de révision dans l’agglomération lyonnaise. Une approche sol-paysage-résilience a été menée et montre que pour acclimater la ville au changement climatique il ne s’agit pas seulement de végétaliser les centres et les parties très denses, mais il faut aussi lutter contre les îlots de chaleur périphériques que sont les grandes monocultures. Il faut protéger les grandes ceintures vertes en boisant, plantant ces espaces.

La réinfiltration de l’eau de pluie sur ou à proximité des parcelles et la dépollution des sols urbains constituent également des enjeux majeurs. Il faut re-fertiliser sans aller chercher de la terre végétale dans les ceintures agricoles ou péri-urbaines. Il y a des techniques à éprouver et développer. 

La question des sols se joue aussi à l’échelle des projets. Pour Julien Lahaie (directeur du syndicat mixte des rives du Rhône) l’enjeu est d’avoir une approche multiscalaire à toutes les échelles, du quartier à la parcelle et d’embarquer l’ensemble des acteurs. Il faut bâtir des récits de territoire et porter un projet politique. Le syndicat mixte des Rives du Rhône a systématisé le mode projet obligatoire pour tous les opérateurs de projets de plus de 2 à 3 hectares, afin de co-construire le plus en amont possible. « C’est à travers des expérimentations, des projets, des initiatives habitantes ou associatives qu’on retrouve le lien entre l’humain et le sol » précise Julien Lahaie [7].

 

Construire différemment et revoir la fiscalité locale

Certes, la rareté de l’eau aide à conscientiser la question du sol, le sujet devient grand public. Mais pour autant le changement de modèle, de pratique, s’avère très compliqué. En témoignent les pressions des constructeurs exercées sur les collectivités pour continuer à pomper massivement de l’eau pour les chantiers alors que les nappes phréatiques sont à sec. « Le sol a plus de valeur parce qu’il est constructible que parce qu’il a une richesse écosystémique extraordinaire : aujourd’hui c’est encore ce modèle économique qui participe à faire la ville, on est dans ce paradoxe là » constate Béatrice Vesselier [8].

Il demeure bien moins coûteux de produire du neuf que de refaire la ville sur la ville. Un problème que la fiscalité peut contribuer à résoudre, s’accordent à dire les intervenants. Par exemple, les droits de mutation pourraient être abaissés dans l’ancien, mais cela suppose un soutien de la puissance nationale pour compenser les pertes de fiscalité locale.

« La fiscalité locale est au cœur des débats si on veut être vraiment vertueux. C’est l’impensé du Zéro Artificialisation Nette » énonce Grégory Bernard [9]. Ce sont les lois de défiscalisation qui orientent le système de production des logements dans notre pays et guident ainsi la production neuve de l’agglomération clermontoise. On se trouve alors très loin de la notion ressources – besoins.  Le logement devient un produit fiscal, financier. Il s’éloigne du besoin fondamental de se loger et de la notion d’habitat désirable. Si on orientait seulement une partie de ces aides sur la réhabilitation thermique des logements, les difficultés d’atteinte des objectifs de performance énergétique seraient largement réduites. 

« Il faut refaire confiance au local » ajoute Julien Lahaie [7]. Les sujets de fiscalité ne sont pas du tout les mêmes sur une station de montagne que sur une métropole. Des exemples inspirants existent, notamment à l’étranger, comme celui de la fiscalité pédologique.   

Jérémy Mendes [10] évoque également de nouveaux champs de réflexion comme le Bail Réel Solidaire [11], la minoration foncière, ou des synergies à trouver avec d’autres acteurs comme les SPL (sociétés publiques locales) et SEM (sociétés d’économie mixtes) qui viennent en aménageurs, aux côtés de la collectivité et de l’EPF (établissement public foncier) et où chacun doit trouver son meilleur rôle.

La réflexion sur le changement de modèle en matière d’habitat dans les territoires ruraux s’avère particulièrement complexe d’après Jean-Paul Capitan [12]. La densité des centres-bourgs ou villages doit être travaillée de manière à retrouver des aménités, des fonctions et usages adaptés à une vie familiale. Or pour cela il faut aérer, démolir, reconstruire, adapter les réseaux : cela nécessite des moyens que les communes rurales n’ont pas.

 

De nouveaux récits à imaginer ensemble pour réussir le défi de la sobriété

L’objectif de la sobriété foncière doit se discuter à grande échelle pour être pertinent, même s’il est parfois difficile d’organiser les solidarités territoriales. « Il y a ici un rôle à jouer pour les agences d’urbanisme » indique Grégory Bernard [9]. Car les agences sont les lieux du dialogue décomplexé, de l’interaction entre les territoires, sans qu’il y ait véritablement d’enjeux de pouvoir directs. Elles offrent un espace pour construire des complémentarités porteuses d’espoir et de projection sur la question de la sobriété foncière.

Il faut construire de nouveaux récits, faire preuve d’imagination, s’inspirer. La loi Climat et Résilience en mettant en place le ZAN incite les territoires à se réinventer. Il n’y a pas un modèle mais une multitude d’expériences et de façons d’appréhender la question de la sobriété foncière. Ce foisonnement est créateur et intéressant et finalement il existe beaucoup de discours positifs. Les élus et les citoyens d’aujourd’hui relèvent finalement les grands défis du 21ème siècle en questionnant les relations au territoire, au sol, au vivant et ce qu’est le vivre ensemble. Afin d’inscrire la sobriété foncière dans le temps long, l’échelle intercommunale apparaît incontournable. L’EPCI se repositionne comme un acteur incontournable de la planification, notamment au travers du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).

D’après Jean-Paul Capitan [12], il faut penser la sobriété foncière comme un outil de sauvegarde, il s’agit d’être artisan de l’intérêt général. « Pour faire démarrer un rêve sur nos territoires il faut passer à l’opérationnel, avec des accompagnements et une gouvernance adaptés, et mobiliser les habitants et les ressources locales : Le discours sur la méthode c’est bien, mais ce sont les actes qui permettent d’embarquer ». Il faut trouver une identité collective, multiplier les briques qui font sens pour les citoyens du territoire et renforcer le sentiment d’appartenance (plan paysage, Projet Alimentaire Territorial (PAT), click & collect avec les agriculteurs, etc.).

Les intervenants mettent en avant le besoin de coopération et de dialogue. C’est le processus qui donne le sens, le chemin emprunté collectivement plus que le résultat final. 

Guilhem Brun (directeur départemental de la Direction Départementale des territoires du Puy-de-Dôme) résume les échanges de la matinée autour de quatre idées clés :

  • Il existe, tout d’abord, un grand foisonnement d’initiatives et d’expériences menées sur les territoires en faveur de la sobriété foncière. 
  • Ce foisonnement conduit à considérer l’objectif du ZAN avec positivité, comme une opportunité pour faire autrement et construire différemment
  • Le processus de projet autour de la sobriété foncière oblige à créer des interactions et des coopérations entre acteurs, mais aussi entre humains et non humains
  • La légitimité pour agir est un prérequis pour changer de modèle. Les débats ouverts à l’occasion de cette journée du club régional Planification et territoires, confortent si cela était nécessaire, la légitimité à agir pour maintenir nos sols vivants.

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Vous pouvez retrouver le replay des interventions du matin, ainsi que de courtes interviews vidéo des intervenants des ateliers de l’après-midi (et leurs supports de présentation) sur la plateforme du réseau régional planif territoires : https://www.club-plui.logement.gouv.fr/le-reseau-auvergne-rhone-alpes-du-25-avril-2023-l-a829.html

Anticiper et accompagner les transitions industrielles

L’industrie érigée au rang de défi économique pour mieux accompagner le déploiement du tissu productif local

Le défi de l’industrie du futur nécessite une mise en mouvement et en stratégie de tous les acteurs impliqués pour rediriger les modèles productifs à l’aune des grandes mutations environnementales, économiques et sociales qui se jouent actuellement. Cette ambition s’est traduite en fin de matinée par la signature par les élus du Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne d’un Manifeste pour une stratégie industrielle territoriale. Ce premier acte d’engagement collectif marque l’ambition politique d’accompagner la transformation des bassins industriels existants au plus près de leurs spécificités. Il invite, dans une logique de complémentarité affirmée, à des coopérations susceptibles de répondre aux besoins de transformation des entreprises existantes et d’accueillir de nouveaux projets industriels s’inscrivant dans l’écosystème économique local tout en en préservant les ressources du territoire et en gagnant en efficacité énergétique.

Ecoutez l’interview de Frédéric BONNICHON, Président du Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne : 

 

Ecoutez l’interview de Dominique ADENOT, 1er Vice-Président du Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne référent sur l’économie :

Des acteurs engagés autour d’un contenu dans une démarche collective aux côtés des territoires

L’expérience de l’établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre souligne l’intérêt d’une telle démarche collective posant un cadre par de grands engagements pour permettre le dialogue et mobiliser les parties prenantes. Ce territoire a affirmé son caractère industriel et productif par la rédaction et la signature d’un Manifeste afin de rester en capacité d’accueillir et de conserver son tissu industriel et de proposer du foncier et de l’immobilier productif à des coûts raisonnés, y compris en milieu urbain. Si ce pôle économique majeur du Grand Paris peut sembler relever d’une toute autre réalité territoriale, il présente néanmoins de nombreuses similitudes avec le Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne : un territoire historiquement industriel mais qui n’était plus identifié en tant que tel à l’échelle régionale, un manque d’espaces pour les activités productives, des mutations urbaines et des besoins en logements entrant en concurrence avec les espaces et les projets industriels ou encore la volonté de se positionner comme territoire d’accueil de projets industriels. Sans gouvernance spécifique, le Manifeste se pose comme cadre d’intervention du territoire et de ses partenaires sur les actions à mettre en oeuvre pour créer les conditions favorables au maintien et au développement d’activités productives industrielles. Le travail engagé autour du Manifeste et la mobilisation de l’ensemble des acteurs et entreprises a permis au territoire de devenir visible dans sa composante industrielle à l’échelle régionale et ainsi d’être désigné Territoire d’Industrie. Il a également facilité la mise en oeuvre d’actions en permettant d’identifier des acteurs avec lesquels travailler.

Ecoutez l’interview de Muyinat OGBOYE-VAZIEUX, cheffe de mission immobilier productif et la cheffe de projet Territoire d’industrie de l’EPT Grand-Orly Seine Bièvre :

L’enjeu du maillage et de la coopération pour une formation au plus près des besoins territoriaux

L’événement s’est tenu au Hall 32, centre de promotion et de soutien aux industriels ouvert en 2019 autour de 3 axes de développement : la promotion de l’industrie et la recherche ou la création de vocations nouvelles auprès des jeunes générations, la montée en compétence par la formation initiale et continue et le soutien technique à travers l’accompagnement à la mise au point de nouveaux produits ou de procédés innovants via le prototypage. Pour anticiper et adapter les compétences aux besoins d’une industrie 4.0, le Hall 32 s’appuie sur la mise en réseau au travers de partenariats et de collaborations. Il héberge 3 pôles de compétitivité et échange régulièrement avec les industriels au travers de rencontres, de salons ou d’événements permettant d’identifier au plus près les besoins en formation. La veille technologique et pédagogique réalisée par les équipes, les interactions avec les équipes de laboratoires universitaires ou académiques, ainsi que la mise à disposition d’experts et de personnels par les industriels eux-mêmes permettent de calibrer et de faire évoluer les offres de formation. Afin de démultiplier son impact, le Hall 32 travaille à la création de partenariats avec les acteurs locaux de la formation continue et des établissements d’enseignement publics. Cette dynamique de maillage territorial à plus large échelle s’est récemment cristallisée autour du Campus des métiers et des qualifications d’excellence « Production industrielle de demain » visant à travailler en réseau et à trouver des relais au plus près de chaque bassin d’emploi. L’industrie souffre d’un déficit de connaissance de l’ensemble de ses métiers qui nécessite d’expliquer ce qu’elle est, pourquoi on en a besoin et comment continuer à produire. Cet enjeu nécessite une mobilisation des établissements d’enseignement, mais aussi des industriels et des acteurs publics pour permettre aux différents publics que sont les jeunes, les parents, les enseignants et les personnes sans emploi ou en reconversion, de se projeter. De nombreuses actions existent, mais leur manque de coordination tend à épuiser les énergies. Tout l’enjeu consiste à renforcer les écosystèmes industriels par un travail collectif et collaboratif.

Ecoutez l’interview de Yoann DHOME, directeur du Hall 32 :

Les zones d’activités comme outil territorial pour les transitions industrielles

Les zones industrielles sont confrontées à 4 grands défis, similaires à ceux rencontrés par les entreprises : transition écologique, 4ème révolution industrielle, progrès sociétal et raréfaction des ressources. Or, ils ne pourront être résolus uniquement par des solutions technologiques déployées individuellement, mais demandent de nouvelles pratiques et de nouvelles gouvernances. Or les zones d’activités, souvent peu désirables, sont encore trop souvent pensées comme des solutions simplistes à des problèmes complexes : approche figée sur la vente de foncier conduisant à des transferts d’entreprises locales mais à peu de créations d’emplois, beaucoup d’espaces non bâtis, faible qualité d’ensemble, bâti vieillissant, peu de services tant pour les entreprises que pour ses salariés, peu de cohérence entre les activités implantées ou encore peu de synergies entre les entreprises. Les zones d’activités de demain seront pourtant majoritairement celles d’aujourd’hui. Or elles n’ont pas été créées pour la 4ème révolution industrielle et leur évolution n’a jamais été modélisée. Elles ont vocation à devenir décarbonées, compactes, circulaires, sobres et vectrices de solutions résilientes. Pour y parvenir, trois leviers imbriqués : l’intensification, la qualité et la convergence des usages, soit faire plus avec, faire mieux et surtout faire ensemble. Les zones d’activités devraient se concevoir dans une logique de plateforme de services pour les entreprises comme pour les usagers dans des domaines tels que les fonctions supports, la formation, l’énergie ou encore la logistique. Il existe de nombreux exemples qui permettent d’imaginer un avenir plus radieux pour ces espaces essentiels aux territoires comme le développement de véritables écosystèmes locaux permettant de créer du lien entre les entreprises ou l’émergence de solutions collectives pour accompagner la transition écologique, notamment sur le volet énergétique. Il convient de dépasser la simple offre foncière pour s’intéresser à l’expérience usager et à la valeur ajoutée pour l’entreprise, ce qui demande un dialogue entre la collectivité et les porteurs de projets pour assurer la complémentarité avec le tissu économique existant et une réelle contribution pour le territoire au regard des défis qu’il doit relever.

Ecoutez l’interview de Jean-François VALLÈS, co-fondateur de Synopter : 

Des transitions à la redirection écologique de l’industrie locale

Le renouvellement de ses modèles, l’évolution de ses process ou encore son inscription dans un écosystème territorial intégré font de l’industrie un levier pour engager les territoires dans des trajectoires plus résilientes. Des initiatives concrètes ont déjà émergé sur le Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne, comme la mise en place pour la ville d’Issoire d’un réseau de chaleur alimenté par l’énergie dégagée par la fonderie du site industriel métallurgique de Constellium. Il permet d’alimenter depuis l’hiver 2022 plus d’une quarantaine de bâtiments publics, mais aussi des bailleurs sociaux à un coût compétitif. Couplé avec une chaudière biomasse, le réseau de chaleur atteint un taux d’énergie renouvelable et de récupération de plus de 90 %. En permettant d’économiser près de 4 900 tonnes de dioxyde de carbone, le réseau de chaleur témoigne de la façon dont une industrie résolue à évoluer constitue un atout pour engager le territoire sur de nouvelles trajectoires. Il constitue également un facteur d’attractivité pour les recrutements et pour les salariés en montrant que des projets concrets à dimension environnementale sont portés par l’entreprise. Par ailleurs, la structuration de l’écosystème territorial pour permettre les mutations qui s’imposent à l’industrie s’avère fondamentale. Prendre le virage de l’industrie du futur demande à l’entreprise de s’entourer des expertises nécessaires, notamment dans l’intégration des briques technologiques adaptées à leur profil. Constellium a développé un partenariat de proximité avec l’entreprise locale Braincube spécialisée dans l’accompagnement des processus de transformation industrielle. La récupération de données par le biais de machines plus connectées et la capacité à les traiter au travers de l’intelligence artificielle lui permet désormais de maîtriser sa consommation de ressources en temps réel et au plus près de ses besoins.

Ecoutez l’interview de Stéphane CORRE, directeur du site Constellium d’Issoire :

 

Ecoutez l’intégralité de la table ronde et des débats du workshop Industrie du futur (1h26) :

 

Rencontre régionale de la revitalisation des centralités : le temps du passage à l’acte !

Réinvestir les centralités : une opportunité dans un contexte de zéro artificialisation nette

De nombreux territoires voient leurs centralités confrontées à des fragilités comme l’érosion de leurs activités commerciales et la concentration des emplois dans les zones périphériques, le vieillissement, la dégradation et l’inadaptation de leur parc de logements ou encore la raréfaction des services et équipements de proximité. Afin de remédier à cela, nombre d’entre eux se sont engagés dans des programmes de revitalisation visant à recréer une dynamique positive et, ainsi, infléchir la perte de vitesse des centres villes et centres bourgs. Le pari consiste à mettre en place une stratégie globale comprenant l’habitat, les commerces et services, la mobilité et les espaces publics ou encore la santé, puis de définir un plan d’actions telles que la réhabilitation de logements, la reconversion de friches ou encore l’acquisition de foncier commercial. Cette stratégie d’ensemble, qui traite de manière transversale plusieurs thématiques, doit permettre d’améliorer le cadre de vie et de renforcer la fonction de centralité dans ces territoires. Ces dispositifs de revitalisation soutiennent fortement les collectivités, par de l’ingénierie et des financements spécifiques, ils sont donc des accélérateurs de projet.

Dans un contexte de sobriété foncière, la revitalisation des centralités joue un rôle majeur dans la lutte contre l’étalement urbain, en invitant à réinvestir les espaces déjà bâtis (friches, logements ou commerces vacants, dents creuses…). Ces dispositifs s’inscrivent donc également comme un moyen d’atteindre l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Ils représentent une opportunité pour les territoires de redécouvrir et d’adapter des modèles existants aux atouts incontestables pour mettre en œuvre leurs projets et innover dans la façon dont ceux-ci sont construits.

Passer à l’action : innover pour porter et financer son projet

Pour revitaliser leurs centralités, les territoires se voient souvent confrontés à la recherche de financements afin de pouvoir réaliser leurs programmes d’actions. Si les partenaires et subventions peuvent être multiples, il n’est pas toujours facile pour les chefs de projets de les identifier ou de les rencontrer, ceux-ci ne pouvant pas toujours se déplacer sur l’ensemble des communes concernées par les programmes “Action cœur de ville” ou “Petites villes de demain”. Pour faciliter cette prise de contacts entre élus, chefs de projets et partenaires financeurs, les DDT du Puy-de-Dôme et de l’Isère ont par exemple organisé, à l’occasion de leurs clubs de la revitalisation, respectifs, des speed-dating entre financeurs et chefs de projets “Petites villes de demain”. Ceux-ci devaient permettre sur un temps court de faciliter les prises de contacts et les premiers échanges entre territoires et financeurs, pour enclencher une dynamique dans le financement des actions.

D’autre part, ces aides ne suffisent pas toujours à financer la totalité d’un projet. Aussi, plusieurs territoires ou partenaires des démarches innovent. La commune de Belleville-en Beaujolais (69) a, par exemple, mis en place un mécénat territorial pour lever des fonds pour son projet de ville bioclimatique et positive en 2035. Ce mécénat se fait à la fois auprès des acteurs du monde économique et des habitants et prend la forme d’un fond de dotation à destination d’organismes à but non lucratif finançant des opérations sans bénéfice financier et d’intérêt général, en lien avec la métamorphose de la commune face aux changements climatiques. Ils ont ainsi proposé des projets comme la plantation d’arbres ou l’achat de vélos.

Les montages d’opérations peuvent aussi prendre des formes innovantes. A ce titre, la ville de Tarare a recherché un montage pour la requalification d’une ancienne usine, lui permettant de garantir la soutenabilité financière du projet. Ainsi, après signature d’une promesse de vente auprès du propriétaire privé actuel, la commune a engagé une procédure de dialogue compétitif auprès d’opérateurs privés. L’objectif est que les opérateurs démontrent la faisabilité du projet au vu de la programmation envisagée par la ville. Une fois l’opérateur sélectionné, la ville achètera le bien et le cédera à l’opérateur selon une procédure de cession à charges d’intérêt général pour s’assurer que ces derniers réalisent le programme prévu. Par la suite, les différents lots seront vendu en VEFA [3] aux preneurs qui auront à leur charge l’aménagement des espaces qu’ils auront acquis.

Passer à l’action : mettre en place une gouvernance multi-échelle, régulière et une animation auprès des habitants

Les projets de revitalisation des centralités s’inscrivent à la fois à l’échelle de la ville directement concernée par le dispositif, mais également à l’échelle de son intercommunalité pour être en adéquation avec la stratégie territoriale, notamment lorsque plusieurs communes d’une même intercommunalité sont engagées dans ce type de démarches. Une gouvernance comprenant les élus et techniciens permet de faire plus facilement avancer le projet, de garantir son articulation aux différentes échelles et de s’assurer le soutien des élus. Ainsi, la communauté de communes de Thiers Dore et Montagne (63) et la communauté d’agglomération de l’Ouest Rhodanien (69), ayant toutes les deux plusieurs communes impliquées dans les programmes “Petites villes de demain” et “Action cœur de ville”, ont mis en place une gouvernance dédiée à ces dispositifs. S’ils peuvent prendre plusieurs formes selon les territoires, ces modes de gouvernance visent la régularité des réunions et des temps d’échanges entre les communes impliquées dans ces dispositifs pour permettre l’articulation globale des projets de chaque commune. Cette gouvernance vient renforcer celle pouvant exister à l’échelle communale, mais aussi communautaire.

D’autre part, ces projets de revitalisation des centralités nécessitent d’impliquer les habitants dans la démarche pour permettre une meilleure acceptation du projet et en faciliter la réalisation. Pour mettre en œuvre cette animation auprès des habitants, les communes de Tullins et La Mure en Isère (38) ont fait le choix d’installer une maison de projet au cœur de leur centralité. Ces maisons de projets ont pour objectif de communiquer auprès des habitants sur les actions en cours ou à venir, de recueillir leurs remarques, suggestions et besoins et de les mettre en relation avec les élus ou les acteurs clés du projet. La limite de ce type de démarche est toutefois la capacité des communes à disposer de personnel pouvant tenir les permanences de ces espaces.

Finalement, au travers des retours d’expériences partagés lors de cette rencontre, on constate que les dispositifs de revitalisation constituent des opportunités d’expérimenter, d’innover, de rechercher de nouveaux modes de faire dans les territoires impliqués dans ces démarches, lesquels sont bien souvent confrontés au défi de mettre en œuvre ces projets de revitalisation dans un contexte de sobriété foncière et financière. Si les différentes initiatives partagées ne sont pas toutes reproductibles, elles apportent toutefois des éléments de réussite communs à ces projets que sont l’anticipation, la créativité ou encore l’implication des élus et des habitants. L’ AUCM continue d’accompagner les territoires impliqués dans ces démarches de transformation des centralités, à la fois en apportant son expertise de réalisation d’études dans le cadre des ORT de Clermont Auvergne Métropole et au travers d’un appui à l’animation des clubs départementaux de la revitalisation co-organisé avec la DDT 63, dont le prochain aura lieu à l’automne 2023. 

Les enjeux d’attractivité pour une métropole intermédiaire : le prisme clermontois

La notion d’attractivité nourrit des débats anciens, remis à l’agenda politique par le contexte de crise sanitaire et de crise climatique qui interroge les modèles de développement. Avec une mondialisation accrue et une métropolisation croissante, la mobilité des personnes, des capitaux et des biens s’est développée, renforçant la mise en relation – qui peut prendre la forme d’une mise en concurrence – des territoires. Quelle que soit l’échelle géographique considérée, les acteurs des territoires sont incités à définir leur stratégie de développement dans un contexte où l’installation des personnes et des moyens de production n’est jamais acquise.

L’attractivité est la résultante de deux approches. La première est d’ordre quantitatif et traite la question sous l’angle de l’attraction, autrement dit des flux de personnes ou de capitaux attirés par un territoire. La seconde approche est qualitative et aborde l’attractivité sous le prisme de l’attrait ou de l’attirance pour le territoire. Dans cette optique, il s’agit de comprendre ce qui est de nature à attirer des personnes ou des capitaux sur un territoire. Dans un contexte de mobilités croissantes et de demande sociale pour un meilleur cadre de vie, les enjeux de qualité de vie sont de plus en plus mis en avant dans les facteurs d’attractivité par les décideurs locaux. Un nouveau paradigme d’attractivité se met en place, non plus fondé exclusivement sur des don­nées quantitatives mais accordant une place impor­tante aux aspects qualitatifs. Le « bien » (bien-vivre, bien-être, bien-vieillir, bien-travailler, etc.) s’ajoute au « plus » et devient un argument de communica­tion et de positionnement de nombreux territoires.

Dans le cas de Clermont-Ferrand, le temps long, celui de la « capitale des Arvernes », inscrit le territoire dans une géographie profonde qui lui donne une base relationnelle ancienne et solide. Les évolutions politico-administratives récentes ne modifient pas fondamentalement le socle de l’in­fluence métropolitaine clermontoise, qui polarise bien au-delà de l’ancienne région Auvergne. Pour autant, ce rayonnement continu n’est pas synonyme de stabilité. Les choses changent, même de manière discrète et lente, et l’attractivité se transforme en attrait, en recherche de qualité de vie.

Les caractéristiques de l’attractivité clermontoise : une image à renforcer, un territoire à inventer

Une métropole discrète mais solide

La trajectoire métropolitaine clermontoise s’ancre dans des bases solides. Aire de polarisation des services hospitaliers et zone de rayonnement des établissements univer­sitaires contribuent à dessiner la carte actuelle de l’attractivité clermontoise à l’échelle nationale. La métropole attire habitants, patients, étudiants, sur une large aire spatiale incluant l’ancienne région Auvergne et débordant largement sur une partie du Massif central (comme le montre les zones de polarisation du centre hospitalier ou de l’université et des grandes écoles). Si les logiques de stabilité sont évi­dentes sur la durée, elles témoignent de l’ancrage territorial qui conforte la métropole clermontoise au sein de son système territorial.

 Les questions d’images : entre stéréotypes et changement d’échelles

Il y a eu un basculement dans l’idée que les acteurs se font de leur territoire : à la fois un changement d’image et un changement d’échelle. Pendant longtemps, les Clermontois ont eu une vision un peu étriquée, une forme d’auto-assignation à un déficit de légitimité, une crainte de perdre des habitants et des activités économiques. Les conceptions, parfois stéréotypées et fortement ancrées dans les imaginaires, de la capitale provinciale reculée et rurale, pour ne pas dire agricole, à « Michelin-Ville », masquent la réalité d’un tissu économique diversifié et d’une métropole que l’on peut décrire comme dynamique et accueillante. Clermont est dotée des équipements supérieurs mais elle reste accessible, au sens du temps et du coût : les prix du logement restent modérés et les étudiants peuvent se loger sans trop de difficultés ; les espaces productifs et récréatifs sont proches… Clermont Auvergne Métropole, c’est une ville, une agglomération et des espaces naturels qui les bordent et qui constituent un capital environnemental. Elle bénéficie finalement des avantages d’une métropole sans en avoir les externalités négatives.

Depuis quelques années, palmarès et baromètres divers montrent le changement d’image qui est en train de s’opérer, étayé par des indicateurs démo­graphiques et économiques. Clermont-Ferrand fait partie des métropoles nationales où le nombre de brevets déposés par les cadres des fonctions métropolitaines est le plus élevé, devant Saint-Étienne, Lyon et Toulouse [2]. Dans un autre registre, la métropole poursuit sa progression dans le palmarès des villes étudiantes, atteignant la 15e place en 2020-2021 grâce à la diversité de ses for­mations, à sa qualité de vie reconnue et à l’accessi­bilité financière [3]. Récemment, le réseau de conseil en immobilier d’entreprise Arthur Loyd a publié un « Baromètre de l’attractivité et du dynamisme des métropoles françaises » qui place Clermont- Ferrand en tête des métropoles intermédiaires françaises (200 000 à 500 000 habitants) les plus attractives et les plus dynamiques [4].

Le posi­tionnement de Clermont-Ferrand dans cet espace régional recomposé est celui d’une singularisation et d’un ancrage volontaire au Massif central. La démarche actuelle, portée par la ville et la métro­pole, de candidature comme capitale européenne de la culture pour 2028 est emblématique de ce positionnement territorial qui associe métropole et territoires voisins, attraction et attrait, affirmation d’une métropole culturelle et territoriale. La candi­dature « Clermont-Ferrand-Massif central 2028 » porte en effet explicitement l’ambition d’associer les territoires du Massif central à une dynamique cultu­relle et territoriale élargie et partagée. De plus, cette candidature témoigne de la volonté des élus de créer un effet sur le territoire, sur son attrait et son attractivité, comme un geste politique disruptif dont la finalité est aussi de faire connaître et reconnaître les atouts métropolitains de Clermont-Ferrand.

 La mise en œuvre de l’attractivité pour son territoire et avec les voisins

Dans le plan local d’urbanisme de la métropole, la place de l’attractivité est désormais explicite et l’ambition qualitative. Ce document affiche clai­rement l’ambition d’une métropole « attractive », mais également, et surtout, « attrayante ». Le terme même de « qualité de vie » associé à celui d’attractivité confirme cette volonté. Les mots clés associés à la plupart des actions envi­sagées vont dans le sens du qualitatif avec l’amé­lioration de l’existant et de la fonctionnalité des équipements, voire de leur renforcement. Plus encore, l’ensemble du document de 2021, fait la part belle à cette dimension « qualité de vie » présente dans de nombreux objectifs non dédiés à l’attracti­vité mais qui pourront favoriser l’attrait du territoire. Nous retrouvons ainsi les termes de « lieu d’échange et de partage », « bien commun », « bien-être », « qua­lité de l’habitat ». Si nombre de métropoles ou villes intermédiaires optent pour ce registre sémantique, les actions initiées par les élus clermontois permettent de constater une volonté de repositionnement, plus clair et plus offensif de leur part.

Un autre aspect essentiel concerne le positionnement des territoires voisins, dans leur rapport à l’attractivité. Globalement, les thématiques liées au caractère « attrayant » de ces territoires sont très présentes. Le cadre de vie, la qualité de vie, les atouts paysagers, patrimoniaux et culturels reviennent souvent, dans un contexte de prise en compte des fortes interrelations territoriales via les mobilités pendulaires. Les thématiques touristiques sont également souvent formulées en lien avec les autres territoires, dont la métropole, avec l’idée de coordonner une offre élargie pour renforcer l’attractivité exogène (diversité des offres entre tourisme de montagne, de nature, patrimonial et urbain). Les enjeux de prise en compte globale des inté­rêts territoriaux sont donc importants et parfois for­malisés à travers des objectifs d’accompagnement des dynamiques. « Au lieu de “subir” l’influence des grands territoires limitrophes, il s’agit plutôt d’accompagner et de tirer profit des “voisins” et de développer un travail en réseau ». Cet objec­tif stratégique illustre bien les actions à mettre en œuvre ou à renforcer pour coordonner davantage les nécessaires coopérations interterri­toriales. L’importance des thématiques déjà forte­ment intégrées par des schémas et des acteurs de coopération (transports, tourisme) montre le rôle des espaces et des instances de dialogue et de projet pour favoriser une culture de projet commun, à différentes échelles comme le Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération cler­montoise (SMTC-AC), l’Agence d’urbanisme et de développement Clermont Métropole ou encore le Pôle métropolitain Clermont-Vichy Auvergne qui rassemble 11 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à l’échelle du grand bassin de vie qui s’étend de Vichy à Brioude.

Les enseignements de l’exemple clermontois

La métropole clermontoise, au-delà de ses caracté­ristiques propres, illustre les évolutions récentes et les enjeux actuels des transitions métropolitaines, en particulier pour les métropoles intermédiaires, autour de thèmes clés que sont le basculement des fondements de l’attractivité, les nécessaires coopé­rations interterritoriales ou l’importance du récit territorial. À travers l’exemple clermontois, ce sont bien les problématiques actuelles de l’attractivité des métro­poles qui sont visibles, entre logiques exogènes et endogènes, injonctions de compétitivité et enjeux de la qualité et d’inclusion. Leur rôle d’entraîne­ment est variable, de même que les effets de redis­tribution sur les territoires voisins, et dépendant des caractéristiques productives et de la nature des liens tissés avec les territoires environnants.

L’exemple clermontois est représentatif des évo­lutions récentes de la prise en compte de la notion d’attractivité. Aux approches classiques et quantita­tives, largement basées sur des critères mesurables et des objectifs exogènes (faire venir des entre­prises, des emplois, des habitants), se combinent de plus en plus des approches basées sur l’attrait, des dimensions qualitatives et sur une part non mesu­rable liée à l’image. Les actions publiques intègrent ces différentes dimensions tant pour attirer que pour retenir. Clermont-Ferrand offre l’exemple d’une métropole qui pendant longtemps n’a pas cherché à être attractive, puis a cherché à l’être, et qui souhaite désormais être attirante en misant sur les aspects qualitatifs plus que quantitatifs. Rester abordable et accessible pour tous est un enjeu poli­tique dont les élus doivent se saisir. La prise en compte des transitions énergétique et écologique est également essentielle, tant la question de l’uti­lisation des ressources (foncières, paysagères) ou de l’accès à l’eau sont importantes pour des démarches qualitatives.

Dans un contexte règlementaire qui adjoint une mission de responsabilité des métropoles vis-à-vis des territoires qui les entourent, la question de la mise en œuvre de ces coopérations se pose. Elles doivent nécessairement être prises en compte dans les objectifs stratégiques des politiques métropoli­taines et dans celles des territoires voisins. La créa­tion de Clermont Auvergne Métropole est récente (2017), son périmètre est restreint (21 communes) et ne correspond pas, loin s’en faut, à son aire fonc­tionnelle du quotidien, sans parler de son aire de polarisation, via ses équipements et services, qui couvre un vaste espace régional (ancienne région Auvergne) qui déborde largement sur une grande partie du Massif central. Au-delà de l’effet institu­tionnel et des compétences, l’enjeu est celui d’une véritable gouvernance métropolitaine, associant la métropole et les territoires voisins, celui d’une « interterritorialité » qui placent les coopérations croisées, voulues et assumées, les projets, au cœur de synergies métropolitaines. Celles-ci restent encore largement à construire.

 Et Après ?

L’étape suivante, c’est de penser au-delà de l’attractivité, d’inventer un autre imaginaire politique, une invitation à faire les choses autrement, pour Clermont Auvergne Métropole et pour les autres. Quelle métropole désire-t-on pour se projeter dans un xxie siècle plus incertain, avec des crises politiques et environnementales fortes ?

La Récré-Action Avance ! Troisième rencontre : Comment sortir de notre addiction à l’automobile ?

QUESTIONNER NOS TRANSITIONS

Le thème de cette troisième séance est volontairement  provocateur : sortir de notre addiction à l’automobile ! Cette formulation assume le paradoxe dans lequel nous vivons : l’automobile reste le mode principal de déplacement, malgré les nuisances évidentes liées à son utilisation, et alors qu’il existe  des alternatives accessibles permettant la réduction de son usage. C’est un thème éminemment en lien avec le travail d’élaboration du PLU de la Métropole, puisque les choix réglementaires que nous faisons aujourd’hui façonnent les nouvelles réponses, en termes d’aménagement de l’espace, à ce besoin de mobilité pour lequel, aujourd’hui, la voiture est trop souvent privilégiée. 

Une trentaine d’élus et de techniciens des communes de la métropole clermontoise ont été amenés à réfléchir [1] sur la place de l’automobile et plus particulièrement aux  pratiques « d’autosolisme » (fait de circuler seul dans sa voiture), aujourd’hui très largement répandue. En effet, le secteur des transports est responsable d’environ 30% des émissions de gaz à effet de serre de la France et les voitures particulières en sont la principale cause [2]. Face au défi de la transition, dont l’atteinte du Zéro Émission Nette d’ici 2050, on ne peut que déplorer le fait que le secteur des transports a vu ses émissions s’accroître par rapport à 1990, alors que les autres secteurs (agriculture, résidentiel, industrie…) les ont réduites.

Ainsi, au travers de retours d’expériences, d’éclairages d’experts, et d’une prise de conscience via l’outil de la « fresque du renoncement », cette séance visait à éclairer sur la place de la voiture dans nos mobilités du quotidien et à s’interroger sur les conditions du changement, qui nécessite à la fois l’existence de services alternatifs et des changements culturels sur nos pratiques de mobilité.

DÉPENDANCE À LA VOITURE : OÙ EN SOMMES-NOUS ? 

Cette dépendance  à la voiture n’est pas simplement liée à des choix de mobilité, elle s’explique par des transformations urbaines et sociétales qui ont conduit, à partir des années 1960, à asseoir le développement des villes sur la démocratisation des véhicules individuels. Ainsi, le développement du tissu pavillonnaire dans une « ville » étalée, n’aurait jamais pu s’imaginer sans sa composante « mobilité », basée sur une expansion des usages de la voiture.

 En s’appuyant sur les données de l’enquête déplacements de 2012, qui va faire l’objet d’une actualisation très prochainement [3], des éléments d’état des lieux sur les choix des habitants de la métropole clermontoise en matière de mobilité ont été présentés. En 2012, il ressortait que près de 60% de la mobilité est assurée en voiture par les habitants de la métropole clermontoise, chiffre très proche de la moyenne nationale. Ce recours majoritaire à la voiture est une sorte de réflexe dès que la distance de déplacement dépasse un kilomètre, sous couvert de gain de temps et en minimisant les coûts d’usage. Au terme de cette présentation, il est démontré que l’usage de l’automobile “solo” est particulièrement marqué pour se rendre au travail, car on assiste à un éloignement croissant entre lieu d’habitat et lieu de travail, et où dans la décennie 2010, la pratique du covoiturage est restée marginale.

L’ACCOMPAGNEMENT AU CHANGEMENT, UN OUTIL COMPLÉMENTAIRE AU DÉVELOPPEMENT D’OFFRES ALTERNATIVES

Paul Merlin, intervenant d’Aix Marseille Provence Métropole, indique qu’en parallèle du développement de nouvelles offres de mobilité, comme le renforcement des transports collectifs, le développement du vélo, l’accompagnement de solutions de covoiturage, la Métropole a travaillé sur l’encouragement, la facilitation des ménages à changer leurs pratiques de mobilités.

Dès 2016, la Métropole aixoise a accompagné près de 300 habitants volontaires par des « Ambassadeurs de la mobilité ». Ceux-ci aidaient chaque personne à trouver des solutions alternatives à la voiture et correspondant à leurs besoins de mobilité. Si ce type d’expérience permet de tester des alternatives, et dans certains cas de changer durablement les choix de mobilité, ce dispositif nécessitait des ressources trop importantes pour atteindre un panel de population plus large. Ainsi, la Métropole a souhaité toucher un public plus nombreux, via de la communication engageante dans le cadre d’un jeu concours « grand public », organisé chaque année dans le cadre de la semaine de la mobilité, qui a permis à environ 3 000 personnes de tester des services alternatifs à la voiture. Au printemps 2023, en sus, un dispositif a été fléché sur les déplacements domicile-travail, qui comme ailleurs, sont marqués par une très forte prédominance des usages « solo » de la voiture.

 UN TEMPS LUDIQUE INTERPELLANT SUR LES USAGES DE LA VOITURE 

L’outil « fresque du renoncement », apporté par l’Agence, visait à faire réfléchir élus et techniciens sur la possibilité de réduire, voire d’abandonner, l’autosolisme. Pour y parvenir, il est unanimement mis en avant la question de la qualité des alternatives : des dessertes par les transports collectifs, du maillage en aménagement cyclable de l’extension des possibilités de télétravail.

Toutefois, d’après les participants, il ressort que le renoncement à la voiture « solo » reste perçu comme impossible pour certaines activités : achats volumineux et/ou lourds, accès aux urgences médicales, personnes âgées rencontrant des difficultés à marcher, personnes à mobilité réduite. Par ailleurs, pour certains métiers comme la livraison ou l’aide à domicile, il ne semble pas possible d’abandonner l’autosolisme.

Au terme de cette troisième séance, il apparaît que la dépendance à la voiture nécessite de proposer des solutions alternatives viables, dont certaines ne sont pas matures à ce jour, comme des systèmes de navettes autonomes ou de l’autopartage à grande échelle.

LE RENONCEMENT À L’AUTOSOLISME : UNE PERSPECTIVE QUI DEMANDE À ÊTRE FACILITÉE !

Mais, ce que met en avant Aix Marseille Provence Métropole, est que si le développement de services alternatifs à la voiture est un préalable au changement, le moindre recours à la voiture nécessite aussi des changements dans l’appréhension de chacun. Via les actions de management de la mobilité, l’ambition est d’accompagner l’individu dans l’abandon progressif du modèle du tout voiture, vers un nouveau modèle de mobilité plus sobre, plus économe et pour autant efficace. C’est ainsi que ce territoire a recherché à mieux faire connaître les alternatives au tout voiture avec le conseil assuré par les “Ambassadeurs de la mobilité” ou encore via un jeu concours visant à encourager les habitants dans la découverte de nouveaux modes.

 LES PROCHAINES TRANSFORMATIONS À ENGAGER

Le cycle Recré’Action se poursuivra par deux séances automnales. La première portera sur les équilibres à trouver avec  le rôle de l’humain dans la co-présence des vivants en ville. Dans un contexte de diminution de la biodiversité et d’épuisement des écosystèmes, la question de la place que nous condescendons, en tant qu’humain, à donner aux autres espèces vivantes dans nos environnements et des liens d’interdépendances entre les différents représentants du vivant que nous avons parfois tendance à négliger sera posée. La reconnexion à nous-même, à nos besoins fondamentaux, communs avec les autres espèces vivantes sera au cœur de cette prochaine séance. Comment assurer collectivement le futur heureux dans lequel tout vivant pourra respirer, boire et se nourrir ? Une séance conclusive sera ensuite proposée avec l’intitulé suivant : vers un urbanisme favorable à la santé et au bien vivre ? Rendez-vous au deuxième semestre 2023 !

Urbanisme culturel : comment les arts et la culture transforment la fabrique de la ville

La culture pour redonner sens à la fabrique des villes et territoires

Comment œuvrer à la construction d’un sens commun générant l’envie de faire et de se projeter collectivement ? Nous voilà contraints de produire et partager de nouveaux récits, pleinement imprégnés des territoires et de ceux qui les vivent, les habitent et les façonnent, d’offrir la possibilité de penser des territoires et des espaces en prise avec l’existant et tout ce que ce dernier porte en lui : le visible, comme les bâtiments, les routes, les places, mais aussi l’invisible : les mémoires, les représentations, les espoirs, les imaginaires…

L’appréhension du sensible s’additionne aux vues des acteurs traditionnels de la fabrique urbaine, (aménageurs, urbanistes, paysagistes…). Si la planification reste un élément incontournable de la fabrique urbaine, il est essentiel de donner du sens à ces plans en les envisageant dans une vision globale. Il ne s’agit pas simplement d’actes techniques mais bien de créer des conditions d’émergence de la cité, portée par ses citoyens. Qui mieux que la culture pour accompagner l’établissement de ces récits partagés ?

L’urbanisme culturel : un art du questionnement par le sensible

L’urbanisme culturel place les arts et la culture comme producteurs de valeur en eux-mêmes dans la fabrique urbaine. Nous ne parlons pas ici d’embellissement de l’espace public avec des œuvres d’arts mais bien de transcendance des frontières traditionnelles entre l’art, la culture et l’urbanisme pour façonner de nouvelles réalités urbaines en interrogeant réciproquement le rôle de l’art et de la culture dans la fabrique urbaine, ainsi que l’impact de ville sur la création artistique et culturelle. Par l’urbanisme culturel, l’exploration d’une grande diversité de sujets tels que la place de la voiture en ville, la configuration de l’espace public, le devenir des friches, l’attractivité de la ville ou la rénovation d’un quartier est possible.

Toutefois, il s’agit surtout de questionner et mener ces transformations par le biais de modes opératoires plus exploratoires, à la recherche de nouveaux possibles visant à fabriquer « avec » et non pas « pour » et prenant pleinement en compte les dimensions sensibles qui traversent et structurent la ville. En travaillant sur le sensible, les mémoires, les désirs et les craintes, l’urbanisme culturel permet d’offrir une nouvelle perspective pour la fabrique urbaine, prenant en compte non seulement l’extraordinaire mais aussi l’ordinaire et l’infra-ordinaire qui confèrent à la ville sa nature complexe, profonde et mouvante.

La diversité des possibilités d’intervention

L’urbanisme culturel peut prendre des formes multiples et émaner de divers initiateurs. La société civile identifie ainsi une problématique présente sur un territoire donné, dans le cadre du dispositif des Nouveaux commanditaires [1] et passe commande auprès d’artistes pour la réalisation d’une œuvre destinée à répondre à la problématique identifiée. L’œuvre sera co-construite avec les habitants.

D’une manière bien différente, la culture participe à l’élaboration concrète d’une vision urbanistique à long terme via la requalification de lieux. Ce fût le cas à Lille avec la transformation d’un ancien centre de tri du courrier en espace culturel dédié à l’accueil d’évènements de natures variées aussi bien qu’à la création contemporaine in situ : le Tripostal [2]. À noter que ce type d’intervention de l’art dans la fabrique de la ville n’est pas réservée aux espaces urbains : le PNR du Vercors a souhaité penser le développement de son territoire à travers un projet participatif et pluridisciplinaire.

Le projet « Sur la place publique » [3], piloté par l’association De l’aire, a ainsi contribué à la révision du Plan Local d’Urbanisme de la commune de Saint-Jean en-Royans (3 100 habitants) en travaillant entre 2009 et 2012 sur ce territoire.

L’urbanisme culturel : une manière de dépasser les controverses

Dans le contexte de crise démocratique que nous connaissons, les politiques ne sont plus en mesure d’assurer la création de liens (aux autres, à soi, à son espace et à son territoire) nécessaires à l’investissement des citoyens dans la vie publique.  La panne des imaginaires, dominés par des dystopies décourageantes voire anxiogènes, impacte la capacité des personnes et des sociétés à construire un futur commun désirable. Par sa nature même, l’urbanisme génère souvent des situations propices aux tensions et aux conflits d’usage, c’est pourquoi les modes de fabrication de la ville doivent être profondément repensés.

En intégrant aux processus urbains l’existant d’un territoire, l’urbanisme culturel aborde la ville non seulement comme un espace physique, mais aussi comme un lieu de représentations et d’expressions, un lieu démocratique par excellence. En effet, l’intervention artistique dans l’urbanisme culturel ne vise pas à invisibiliser ou pacifier les conflits, mais plutôt à leur offrir un espace d’expression afin de trouver des convergences.

Elle prend en compte l’émotionnel, l’expérience vécue des individus, les mémoires collectives, l’expression des colères de certains et l’acceptation de la souffrance des autres. L’art permet de remettre en question les certitudes de chacun en acceptant la parole (parfois profane, non formatée) de l’autre et de s’ouvrir aux histoires, individuelles ou collectives, des autres. Il s’agit de replacer la politique, au sens de la gestion de la cité, au cœur d’une scène partagée par tous.

Cette construction collective de la cité, le dispositif « La folle tentative d’Aubervilliers », initié par la compagnie Les Souffleurs en 2009 [4], accompagne la création d’espaces de parole libre à travers la poétisation d’Aubervilliers. Ces espaces de paroles sont ouverts tant lors de temps visibles, comme Les Conseils Municipaux EXTRAordinaires, que par des moyens plus discrets mais néanmoins essentiels de poésie dans la ville lors de balades ou de projets photographiques menés par la compagnie, en résidence permanente.

Donner sa juste place au paysage dans la construction urbaine et territoriale

L’art et sa capacité à intégrer ou réintégrer un élément du paysage dans le quotidien des habitants, à faire de cet élément un indissociable du reste du territoire et à constituer un récit commun autour de cet élément pour embarquer le territoire dans une réflexion écologique est également à souligner. Le collectif des Gammares [5] s’est ainsi constitué en 2009 pour prendre soin du ruisseau Caravelle-Aygalades. Dans le cadre des opérations urbaines menées notamment par Euroméditerranée, l’implication forte du collectif dans les années 2010 a permis le maintien de la présence d’intérêts écologiques et sociaux autour de cette rivière dans le contexte de réécriture d’un récit territorial mené via le projet urbain marseillais. L’urbanisme culturel, par son caractère expérimental, participe ainsi à créer des hétérotopies ; des lieux d’utopie au sein même de la ville, où de nouvelles formes de sociabilité, de nouvelles pratiques artistiques et culturelles, de nouvelles manières d’habiter et de vivre ensemble, de nouveaux outils et modes de faire peuvent être inventés et testés. Ces hétérotopies sont des espaces de rupture, des utopies concrètes où l’imagination et la créativité libèrent la possibilité de construire des alternatives à l’ordinaire de l’aménagement et de l’urbanisme, au moment même où ceux-ci, heurtés par le changement global et convoqués par le rendez-vous anthropocène doivent se réinventer. En interrogeant notre rapport au monde et décalant nos vues, l’urbanisme culturel conduit à considérer les éléments humains et non humains comme parties intégrantes d’un écosystème dont il convient de trouver et préserver l’harmonie afin de mettre en œuvre les réorientations écologiques des territoires qui s’imposent à nous. Dès lors que les processus de projets permettent l’implication d’artistes au cœur même des démarches et non simplement au temps de la célébration d’une transformation, faire de l’urbanisme culturel, c’est créer des villes capables de faire face aux crises, de s’adapter et de se transformer de manière créative. Les artistes et les acteurs culturels jouent un rôle clé dans cette transformation en stimulant l’imaginaire collectif, en favorisant la participation citoyenne, en revitalisant les espaces publics, en promouvant la diversité culturelle et en renforçant le lien social.


Une mise en pratique de l’urbanisme culturel : l’exemple de Chalmazel-Jeansagnière

Dans le cadre de la 44ème rencontre nationale des agences d’urbanisme qui se déroulera les 15, 16 et 17 novembre 2023 à Clermont-Ferrand sur le thème « No cultures no futures ! Pas de transition écologique sans recomposition culturelle des territoires », les quatre agences d’urbanisme de la Région Auvergne Rhône-Alpes s’associent tout au long de l’année pour aborder les liens entre culture et urbanisme selon des prismes divers.

Faisant suite à la première rencontre lyonnaise traitant de la santé culturelle, l’agence d’urbanisme de Saint-Etienne (epures) a proposé, le 13 juin dernier, une rencontre à Chalmazel-Jeansagnière. Le village, accompagné par Loire-Forez Agglomération, a initié en 2019 une démarche de redynamisation de son centre-bourg pour gagner en attractivité. Afin d’améliorer la décision collective et l’efficience du projet, cette démarche a été accompagnée par plusieurs collectifs artistiques. Le collectif Virage, composé d’architectes, d’urbanistes et de paysagistes, a ainsi résidé dans la commune en septembre 2019. Cette résidence a pris place dans deux espaces de vie afin de recueillir les attentes de la population : la bibliothèque et lors de la fête patronale. La compagnie artistique HVDZ s’est ensuite installée dans le territoire afin de récolter les témoignages des habitants en allant à leur rencontre. Ce travail a fait l’objet d’une restitution sous forme de film-spectacle le 4 octobre à laquelle la moitié des habitants ont répondu présents.

Une visite du bourg sillonnant entre les chantiers en cours, des échanges d’expérience lors d’une table-ronde et d’un atelier animés par epures ainsi qu’un exercice de projection proposé par le collectif Carton Plein pour imaginer la transformation de l’ancien collège de la commune ont permis d’explorer la question de l’art comme moyen d’aide à la décision publique dans un projet urbain.

Le prochain rendez-vous de cette série régionale aura lieu le 27 septembre 2023 à Clermont-Ferrand et traitera du sujet suivant : « Culture de l’aménagement des territoires : hier l’attractivité, et demain ? ».

Habiter autrement le Grand Clermont : vers un habitat sobre et désirable

Une démarche expérimentale accompagnée par l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires

Le Grand Clermont a souhaité s’engager dans une démarche expérimentale, prospective et opérationnelle qui vise à placer les acteurs territoriaux dans un processus de travail collectif pour démontrer que de nouveaux modes de faire existent et que la sobriété foncière est un enjeu acceptable et atteignable pour tous. La démarche, sous forme de recherche-action, permet d’imaginer des solutions pour un habitat sobre et durable à horizon 2050. Deux sites ont été sélectionnés pour servir de laboratoires et faire école : le site de la gare de Longues à Vic-le-Comte, et l’îlot mairie à Volvic.

Intitulée « Habiter autrement le Grand Clermont », cette démarche a été confiée à l’Agence d’urbanisme et au Cerema. Elle bénéficie d’un accompagnement financier de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et du Cerema. L’accompagnement des collectivités locales face aux défis environnementaux, économiques et sociaux et la valorisation des initiatives locales sont au cœur des missions de l’ANCT. L’ambition est de faire travailler les ingénieries ensemble, au profit du territoire (Agence d’urbanisme, Cerema, Direction Départementale des Territoires 63, Grand Clermont). L’expérimentation a vocation à être diffusée, étendue à l’échelle nationale, à l’image des démarches « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain ».

L’impulsion d’un changement de modèle

La démarche a été officiellement lancée le 29 mars 2023 en présence d’une soixantaine d’acteurs du territoire clermontois. Ce moment d’échanges a permis d’initier et de nourrir les réflexions sur les solutions d’habitat sobres et désirables pour demain et de présenter les deux sites laboratoires. Quelques pistes ou pré-requis ont été mis en avant par les acteurs associés.

Le critère primordial à prendre en compte est celui de la localisation du projet. Il doit nécessairement s’intégrer dans le tissu urbain existant, mais aussi à proximité des aménités (services, équipements, commerces, espaces verts…), et s’inscrire dans les démarches de réflexions stratégiques plus globales que le seul site considéré (SCoT, PLU, ACV, ORT, etc. [1]).

La sobriété ne doit pas être que foncière. Elle doit concerner l’énergie, la mobilité, et l’eau, a minima. La démarche EcoQuartier à ce titre permet d’intégrer de manière plus prégnante la problématique de l’eau avec pour corollaire une prise en compte de la dimension paysagère.

L’ingénierie et l’accompagnement individualisé des habitants constituent une clé de réussite dans la réalisation des projets d’opérations plus denses, plus sobres, plus abordables et mieux adaptées aux besoins des habitants. 

La mixité des fonctions et des usages des bâtiments est également cruciale dans le montage des opérations futures. Il est important de penser le projet à une échelle plus large, plus intégrée (projet d’ensemble, plan d’aménagement).

Le bien-être et le confort de l’habitant doivent être placés au cœur du projet. L’enjeu est de créer de l’habitabilité, au-delà de la seule entrée de la performance énergétique. Cela peut passer par l’association des habitants à l’élaboration du projet, ou la définition d’éléments de cadre de vie (intimité, espaces extérieurs, qualité des matériaux, intégration paysagère… ) à intégrer dans tout nouveau programme de logements.

La “miniaturisation” [2] et l’autopromotion peuvent permettre de produire du logement à coût abordable, dans une logique de projet et non d’urbanisme d’opportunité. Pour exemple, Villes Vivantes [3] a ainsi imaginé le premier lotissement de France où chaque projet est co-conçu sur-mesure avec ses habitants. Pas de découpage en parcelle à l’avance, mais un découpage sur mesure en fonction du projet. Porté par la Ville de Clermont-Ferrand, qui est propriétaire du foncier, et implanté dans le secteur de Champratel, le projet BAMBA instaure un prix du foncier dégressif à mesure que la densité augmente.

La démarche va désormais entrer dans une dimension pré-opérationnelle qui se déroulera en deux temps : 

  • Incubation des 2 sites démonstrateurs : dans le cadre d’un processus partenarial et pour chacun des sites seront conduits un diagnostic partagé, l’écriture d’une ambition commune, la traduction en orientations d’aménagement et la formalisation d’un plan d’actions.
  • Valorisation de la démarche afin de capitaliser les enseignements sous la forme d’une publication synthétique permettant l’aide à la préfiguration d’autres projets.

(Ré)animer une culture territoriale du risque

La culture du risque se nourrit de la mémoire collective des évènements mais aussi d’une connaissance des vulnérabilités du territoire et des aléas qui peuvent y survenir. Acquérir une culture du risque nécessite de développer « une prise de conscience du risque et de l’ensemble des connaissances […] permettant d’anticiper les impacts d’une situation et d’adopter des comportements adaptés en cas de catastrophes » [1] .

Les activités humaines ayant désormais déstabilisé le système Terre, la caractérisation des aléas, des vulnérabilités territoriales et des risques évolue. Alors à l’aune du dérèglement climatique, notre culture du risque serait-elle dépassée ? Le Massif Central, dont la métropole clermontoise est le cœur, est couramment décrit comme vert, et riche de sources d’eau. Cependant, le constat d’une évolution du régime des précipitations, la modification de l’alternance périodes de sécheresse et fortes pluies, la baisse du bilan hydrique et l’élévation des températures des cours d’eau et des lacs a conduit Clermont Auvergne Métropole à engager, au dernier trimestre 2022 une actualisation, en cours, de son Schéma de Transition Énergétique et Écologique pour mieux prendre en compte les vulnérabilités liées à l’eau [2,3].

Derrière l’image d’une nature verdoyante, le département Puy-de-Dôme est aussi concerné par le risque majeur de feux de forêt. Soumis à l’augmentation globale de la température de l’air et à la sécheresse, une évolution du risque a été constatée. Ainsi, le nombre annuel de jours où le risque météorologique de départ et de propagation de feux est important a atteint, en 2015, un niveau inédit. Et la superficie départementale concernée a augmenté de 47,1% entre la période 1959-1988 et la période 1986-2015[4]. Ce qui paraissait être un atout du territoire peut désormais être perçu comme une vulnérabilité.

Si la définition des vulnérabilités territoriales prend en compte des facteurs quantifiables (nombre d’infrastructures, superficie des forêts, etc.), elle en inclut d’autres plus insaisissables, comme le passé d’un territoire ou les comportements sociaux des populations [5]. L’appréhension des risques ne peut échapper à sa dimension territoriale, voire ultra-locale et à la conjugaison d’aspects techniques et sociaux. Or, les vulnérabilités semblent invisibles dans nos paysages quotidiens. Et cette faible perception génère une sous-estimation du risque [6]. Exemple concernant le risque de rupture de production alimentaire : la teneur en acide phosphorique des sols du département varie fortement d’une commune à l’autre, et est par ailleurs peu abondante sous sa forme assimilable par les plantes. Il n’est pas substituable et ne peut être synthétisé, c’est un élément clé pour la production alimentaire [7]. Par ailleurs, il est aussi déterminant pour le stockage du carbone dans le sol donc pour l’atténuation du réchauffement climatique qui impacte le cycle de l’eau et donc la production alimentaire. Soumise à des vulnérabilités territoriales, la rupture de production alimentaire est donc un risque systémique, ce qui le rend particulièrement complexe et difficile à prévoir. Désormais inféodés au contexte global du dépassement des limites planétaires, conséquence des activités humaines, les risques majeurs prennent en plus une dimension systémique : ils ne peuvent pas être réduits en se préoccupant de la seule échelle locale, ni de manière isolée les uns des autres.

La description de nos territoires serait-elle à réinventer pour mieux rendre visibles les vulnérabilités et les aléas susceptibles d’y survenir ? Ne devrait-elle pas sortir du domaine réservé des « experts » ? L’enjeu est ici d’impliquer toute la société afin de permettre une meilleure anticipation, améliorer l’efficacité de la protection, répartir la charge de responsabilité en permettant au plus grand nombre d’en être acteurs ou actrices, inviter à s’attaquer aux causes et non simplement à la gestion des catastrophes. Dans le cadre de la 44ème rencontre des agences d’urbanisme, intitulée « No Cultures No Futures ! Pas de réorientation écologique sans recomposition culturelle des territoires » une journée d’exploration sera consacrée à la culture du risque. Une occasion d’œuvrer collectivement à la réinvention de cette culture indispensable pour habiter l’anthropocène.

Menhir du mont Lozère © S.Cordobes

Réorientation écologique des territoires : quelles places et responsabilités des acteurs culturels ? Une enquête prospective de l’AUCM

L’AUCM a engagé dans son programme de travail partenarial 2023-2024 une enquête prospective visant à interroger la place des politiques culturelles, et plus généralement des acteurs du secteur culturel, dans la réorientation écologique des territoires. Un premier volet, des entretiens prospectifs, doit permettre d’écouter ceux qui sont déjà engagés sur ces enjeux à l’échelle du Massif central, complété par les analyses d’experts nationaux. Un second volet associera au sein d’un groupe de travail, une vingtaine d’acteurs locaux, porteurs de projets artistiques, d’actions culturelles, responsables de structures, en charge ou experts des politiques culturelles pour imaginer avec eux les scénarios d’évolution possible de leurs activités permettant de faire face au défi du changement global et de la bifurcation. Cette enquête devra courant 2024 au travers d’un troisième volet permettre d’interroger les politiques culturelles mises en œuvre par les adhérents de l’Agence, tester en situation les scénarios qui auront été produits et de préciser les enjeux spécifiques que chaque territoire aura à relever, non seulement pour adapter son activité à la nouvelle donne et la maintenir malgré les contraintes émergentes, mais surtout pour qu’elle constitue un levier à part entière aux transitions encore à mettre en œuvre.

Culture et réorientation écologique des territoires : un rapprochement de raison

Les politiques culturelles et artistiques ont longtemps été épargnées par le rendez-vous anthropocène. C’est incontestablement la Covid, puis la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l’énergie qui ont précipité la prise de conscience de la vulnérabilité des institutions et pratiques concernées : musées qui réduisent leurs heures d’ouverture pour économiser l’énergie, voire qui ferment faute de possibilité de fréquentation publique, festivals d’été et salles d’expositions qui s’inquiètent des pics de chaleurs, grandes institutions et événements populaires qui ne peuvent plus ignorer les coûts carbone de leurs activités liés aux déplacements importants de ceux qui les fréquentent. Les politiques culturelles ne vont pas pouvoir faire l’économie de la vaste réflexion maintenant entamée pour réduire drastiquement leur empreinte écologique, en particulier leur émission carbone, mais également leur impact sur les écosystèmes, leur consommation de ressources… Elles vont devoir s’adapter, gagner en sobriété et tenir compte des vulnérabilités accrues par le changement global afin de poursuivre leurs missions. Cette nécessité vaut d’autant plus que les politiques culturelles pourraient être amenées à jouer un rôle central dans la réorientation écologique elle-même : si l’on admet que celle-ci ne relève pas que de transitions techniques et normatives, mais au contraire nécessite un changement de rapport à nos milieux de vie, on voit mal comment échapper à une profonde acculturation : la réorientation écologique est fondamentalement une question culturelle et éducative qui pourrait donner aux institutions culturelles un nouveau rôle, et aux politiques dédiés, une mission fondamentale dans les prochaines années. Où mieux que dans ces lieux avec ces compétences et ressources, produire de nouveaux imaginaires, construire de nouveaux récits, transmettre les savoirs indispensables, révéler de nouveaux attachements, autrement dit produire la part symbolique et sensible indispensable à la réorientation écologique, les liens essentiels à des fabriques territoriales plongées dans le tumulte anthropocène.

Volet 1 : écouter ce que les acteurs culturels du Massif central – artistes, institutions, experts – ont à nous dire de la réorientation écologique des territoires

Le premier volet de l’enquête prospective mise en œuvre par l’Agence consiste à se rapprocher des artistes, institutions et opérateurs culturels, spécialistes de l’art, de l’esthétique, de la culture à minima sensibilisés à la réorientation écologique, mieux engagés dans celle-ci pour comprendre comment à l’échelle du Massif central ce public se prépare : il s’agit d’écouter les postures, les pratiques, les envies, d’analyser et de comprendre la position de ces acteurs à l’égard des enjeux écologiques. Assiste-t-on à un repositionnement des productions artistiques au bénéfice d’un art écologique, dédié à la mise en visibilité des vulnérabilités, à la promotion d’un nouveau rapport au vivant, à la production de nouvelles représentations, émotions, relations au sein des territoires de vie, à la promotion de logique d’attention et de soin aux environnements dont nous dépendons ? Les lieux culturels adaptent-ils leurs pratiques, leurs locaux, les modalités d’accueil, leur programmation, leur politique d’actions culturelles et de médiation, d’éducation publique et populaire, d’ancrage local ? Les collectivités s’inscrivent-elles dans un passage en revue de leurs politiques ? Comment ? Avec quels objectifs, renouvellement de leurs missions ? La réorientation écologique va-t-elle conduire à un réagencement du champ artistico-culturel ? Autant de questions que l’enquête doit aborder. Celle-ci très exploratoire ne cherche pas à être représentative et dresser un état des lieux du secteur, mais au contraire à détecter les signaux faibles et faits porteurs d’avenir qui esquissent sa transformation et permettent d’envisager concrètement, en situation, ce que l’art et la culture peuvent faire pour contribuer à la réorientation écologique des territoires. Les entretiens réalisés vont donner lieu à une diffusion in itinere dans la revue de l’Agence pour rendre compte et témoigner des pratiques actuelles et animer le débat public avant de nourrir un rapport de synthèse.

Volet 2 : élaborer des scénarios de réorientation écologique des politiques culturelles territoriales

Le deuxième volet de l’enquête prospective vise à imaginer, toujours de manière exploratoire, des scénarios d’évolution des politiques culturelles pour qu’elles s’inscrivent dans la réorientation écologique des territoires. Le protocole de travail repose ici sur la constitution d’un groupe d’experts des politiques et des actions culturelles locales qui sera mis en situation de production prospective. Quatre séminaires d’une demi-journée permettront de poser les problèmes qui se posent, d’esquisser des horizons souhaitables à 2050, de consolider des hypothèses prospectives par élaboration de trajectoires possibles, d’élaborer des scénarios et de qualifier les enjeux à relever par et pour les politiques concernées. Ils seront complétés par une consolidation, une documentation et du design en back-office. Ce travail se tiendra à l’automne 2023. Il donnera lieu à une publication et des débats publics début 2024. Il doit aussi permettre d’élaborer un kit d’activation territoriale – l’outil indispensable pour rendre la prospective concrète et opérationnelle – qui sera déployé dans les territoires volontaires, à partir de 2024. 

Volet 3 : activer la réorientation écologique culturelle dans les territoires 

En 2024, le kit d’activation de la réorientation écologique culturelle sera déployé avec les partenaires volontaires de l’Agence d’urbanisme au plus près des acteurs et territoires concernés. Plusieurs objectifs à ce troisième volet : pour l’Agence, déployer conformément à son repositionnement stratégique la prospective dans les territoires pour accompagner ses adhérents dans leur réorientation écologique ; tester sur le terrain les hypothèses prospectives issues du groupe d’experts pour affiner les réflexions et surtout, dans la logique pragmatiste qui est la nôtre, en l’éprouvant avec ceux qui agissent pour les consolider ; pour les collectivités et acteurs territoriaux, il s’agira d’entreprendre un travail de sensibilisation à la réorientation écologique et à la place que peuvent y tenir les politiques culturelles ; plus stratégiquement, il s’agira également de tester les politiques et actions culturelles mises en œuvre localement à l’aune des enjeux et des scénarios prospectifs proposés pour, le cas échéant, initier une réflexion visant à reconsidérer les stratégies à mettre en œuvre à moyen terme. Certains partenaires visent par exemple à se lancer dans l’élaboration de projet culturel territorial.

Chaque volet de l’enquête prospective suppose la participation d’un large éventail d’acteurs issus des milieux culturels, scientifiques, publics et politiques. C’est une condition de réussite de cette « coopérative prospective » que l’agence met en place en même temps que sa raison d’être : constituer un public, acculturer, mettre en mouvement, relever les enjeux qui engagent l’avenir des territoires, traduire la réorientation écologique en politiques, stratégies et actions concrètes. Si vous êtes intéressés ou simplement curieux, si vous souhaitez obtenir davantage d’informations sur l’un ou l’autre des protocoles présentés, ou si cette enquête fait directement échos à vos préoccupations et besoins et que vous souhaitez y participer, n’hésitez pas à nous contacter !