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Ceci n’est pas qu’un plan d’adaptation

… Mais les premiers pas d’une communauté apprenante pour adapter ses territoires et milieux de vie et continuer à habiter demain, fièrement, le Massif central. 

1. S’adapter n’est plus affaire de plan ou d’expertises, mais de convictions

Rendre public un plan d’adaptation au changement climatique alors que l’on assiste à un recul marqué des ambitions écologiques pourrait sembler contracyclique. Quel accueil recevra le Plan stratégique d’adaptation au changement climatique du Massif central, alors que l’actualité, nationale comme internationale, incite à relâcher la vigilance ? Risque-t-il, comme tant d’autres rapports, d’être mis de côté et oublié ? 

On préfère faire le pari inverse. Les batailles de posture, tenues loin des réalités de terrain, pèseront peu face aux transformations déjà à l’œuvre, aux inquiétudes concrètes qui touchent chacun dans ses territoires, son travail, ses modes d’habiter. Qui peut encore nier que des vulnérabilités apparaissent, que d’autres s’aggravent ? Il n’est plus de milieux de vie épargnés, plus d’attachements qui ne soient remis en question. Ignorer le changement global est devenu un luxe réservé à quelques nantis. Un luxe auquel la majorité des habitants du Massif central — jeunes ou vieux, actifs ou retraités, femmes ou hommes, ruraux ou urbains — ne peut plus prétendre. 

Et ce d’autant plus que les reculs actuels en matière de sobriété foncière, de régulation des pesticides, d’agroécologie, de réduction de la consommation ou de préservation du vivant risquent d’accélérer les déséquilibres. Et de rendre l’adaptation plus urgente encore. 

2. Le Massif central n’est pas un refuge, il n’échappera pas aux effets du changement global

Commençons par déconstruire une idée reçue : non, le Massif central ne sera pas épargné. Non, il ne constituera pas un refuge préservé des effets du changement climatique, envié par le reste du pays, voire du monde. Si la situation y paraît parfois « moins pire », elle n’en sera pas moins grave. Les transformations à venir remettront en cause en profondeur les paysages, les modes de vie et les équilibres territoriaux que nous connaissons aujourd’hui. 

L’évolution du climat est déjà perceptible : printemps précoces, sécheresses, baisse de l’enneigement, épisodes extrêmes plus fréquents… Ce que les habitants constatent au quotidien, les modèles climatiques le confirment : d’ici 2050, certaines zones du Massif pourraient connaître un réchauffement de +3,5°C, avec un déficit hydrique marqué. Ces changements affecteront directement les milieux, les conditions de vie et les activités. 

Mais ces effets ne seront ni uniformes ni équitables. Les ressources déjà fragiles — eau, sol, biodiversité — seront mises à plus rude épreuve. Et tous les habitants ne disposent pas des mêmes capacités d’adaptation. Le vieillissement démographique, la dispersion de l’habitat, les écarts de niveau de vie, la faiblesse de l’ingénierie locale aggravent les inégalités face au changement climatique. 

Dans ce contexte, l’adaptation ne peut relever de la seule initiative individuelle ou sectorielle ; ni de collectivités ou collectifs isolés. Elle doit être portée comme un projet collectif, intriqué, solidaire. Sans pour autant assigner le Massif à un statut peut-être trop déterministe ou surinvesti de bio-région, on peut y reconnaître une communauté de milieux et de culture — mieux : une envie de faire front commun dans un espace de co-appartenance qui fait sens, y compris face à la déprise et à l’adversité passée. Parce que les territoires qui composent cet espace partagent des ressources, parce qu’ils sont liés par des interdépendances. Parce que les vulnérabilités s’accumulent. Parce que la réponse devra être territorialisée et coopérative. 

3. Un plan, qui n’en est pas qu’un, comme réponse itinérante à l’incertitude et au trouble

Le Plan stratégique d’adaptation au changement climatique (PSACC) ne prétend pas tout résoudre. Mais il propose un cadre d’actions structuré, réaliste, fondé sur une dynamique collective. Il repose sur une conviction partagée : à défaut de certitudes, il est possible de construire une méthode – au sens de chemin à ouvrir et arpenter -, de se doter d’outils communs, de s’accorder sur des priorités et de tracer des lignes d’horizon. Cet optimisme méthodologique n’a rien d’un pari incantatoire. Il s’appuie sur une expérience concrète de travail entre acteurs du territoire. 

Tout au long du processus d’élaboration, les membres du groupe de travail – filières et territoires confondus – ont engagé un effort d’écoute, d’analyse, de confrontation des points de vue. Ensemble, ils ont tenté de nommer les changements à l’œuvre, d’en comprendre les mécanismes et d’en mesurer les effets, sur les milieux comme sur les manières de vivre. Ce chemin partagé, malgré les incertitudes, a permis de faire émerger un socle commun d’enjeux et d’objectifs. Il ouvre la voie non pas à un avenir rêvé, mais à un futur atteignable, à condition d’un engagement collectif durable. 

Ce futur repose sur l’idée d’un Massif central toujours habité, vivable, transmis. Un territoire qui prend soin de ses sols, de ses ressources, de ses paysages. Où les formes de vie locales évoluent sans se dissoudre. Où les savoir-faire vernaculaires se transmettent. Où l’économie locale s’ancre dans des pratiques respectueuses du vivant. Et où la coopération reste un levier d’autonomie et de résilience. Ce projet n’est pas une projection abstraite : c’est une stratégie pragmatique pour maintenir la qualité de vie malgré les bouleversements à venir. 

4. Un plan ne suffit pas. Ce sont les clés qu’il active qui comptent

Un plan peut fixer des intentions, stabiliser un diagnostic, structurer un langage commun. Mais il ne transforme rien s’il ne crée pas du mouvement. Ce qui compte, ce ne sont pas les pages, mais les ressorts. Ce que le PSACC cherche à produire, ce ne sont pas des recommandations générales, mais des clés concrètes : pour ouvrir des possibles, déverrouiller des situations, franchir des seuils d’inertie. 

Ces clés prennent la forme de cinq principes d’action non hiérarchisées et pensées non comme des objectifs extérieurs mais comme des leviers activables dans les contextes locaux. Le premier consiste à repenser collectivement l’usage des ressources, à sortir du modèle d’abondance pour inscrire les territoires dans une logique de sobriété et de partage. La deuxième repose sur la capacité à diversifier les pratiques, les filières, les formes d’organisation, pour renforcer souplesse et résilience. Le troisième engage à réduire concrètement les émissions, à préserver les puits de carbone, à revoir les mobilités et les modes de production dans une perspective de justice sociale. Vient ensuite la nécessité de revitaliser les territoires les plus en difficulté, non pas en leur appliquant un modèle, mais en travaillant à restaurer leur habitabilité, leur hospitalité, leur capacité à accueillir et à faire projet. Enfin, la dernière clé, la plus transversale : il s’agit d’apprendre ensemble, de se doter de sensibilités et de repères communs, de construire une culture de l’adaptation capable de dépasser les cloisonnements institutionnels ou sectoriels, de remettre en cause certains biais consomptifs de la modernité urbaine globalisée. Cette acculturation partagée est une condition essentielle pour permettre un véritable changement d’échelle. 

5. Ouvrir un chemin commun à arpenter avec lucidité et confiance

L’Agence d’urbanisme Clermont Massif central en partenariat avec le Commissariat de Massif et avec le soutien de Clermont Auvergne Métropole, a conçu le dispositif, animé les scènes d’échange et co-produit une grande partie des contenus. Mais elle a tenu à élaborer un outil collectif, structurant et enraciné. Loin d’appliquer une méthode standardisée, elle s’est attachée à prendre en compte les singularités locales, les zones de controverse, les blocages cognitifs, culturels et économique, les niveaux de maturité et de connaissance, les différences de sensibilité et d’envie. 

Ses collaborateurs n’ont pas adopté la posture du sachant ou de l’expert garant d’une méthode rigide et préformatée. Ils se sont engagés comme des acteurs parmi d’autres dans une expérimentation locale, un apprentissage collectif, une rencontre propice à faire émerger des liens, des convictions et des actions communes. Ils ont investi un processus qui ne s’achève pas avec la publication du plan, mais constitue un premier actif, une base partagée à mettre à disposition de tous ceux qui, dans le Massif, souhaiteront rejoindre la dynamique, et traduire — donc adapter et inventer — leur propre chemin d’adaptation. 

Car malgré l’atmosphère politique incertaine, malgré les contraintes budgétaires annoncées, malgré les freins bien identifiés, l’exigence d’agir ne recule pas. Et parce que ce plan n’est pas resté à l’état d’intention, parce qu’il a mobilisé un groupe de travail actif, engagé, formé, qui a débattu, hiérarchisé et clarifié, s’est entendu, parce que les risques pris ont été parfaitement assumés de part et d’autre, il ouvre aujourd’hui un espace de confiance. Une dynamique s’est enclenchée. 

Ce plan n’est pas un aboutissement, mais un point d’appui. Il rend visible des possibilités, articule vulnérabilités et ressources, appelle à l’action, et surtout, à la poursuite d’un projet collectif. Les cinq clés ne sont pas des cases à cocher. Ce sont des principes à incarner, des manières d’agir, des invitations à faire évoluer les pratiques et à se préparer, ensemble, à un monde en transformation — pour préserver ce qui, dans le Massif central, fait encore qualité de vie, sens et avenir commun, fierté. 

Réconcilier patrimoine et usages pour faire du cœur historique un espace pleinement habité

À Beaumont, commune de plus de 10 000 habitants de la métropole clermontoise, le centre ancien se dégrade lentement, à l’image de nombreuses centralités historiques françaises. Pourtant, ici, la situation présente une singularité : la commune est propriétaire de près de soixante biens immobiliers, acquis au fil du temps. Cette accumulation de foncier bâti, devenue une charge budgétaire pour la commune du fait de la nécessité de sécurisation, symbolise une ambivalence plus large : celle d’un centre historique perçu à la fois comme un héritage commun à préserver et un poids face à un patrimoine vétuste qui peine à s’adapter aux aspirations de la vie actuelle.

Face à ce constat, Beaumont a choisi d’agir. Inscrite dans l’Opération de revitalisation du territoire (ORT) multisites portée par Clermont Auvergne Métropole, la commune a engagé une démarche d’élaboration d’un plan guide, accompagnée par l’AUCM, pour repenser l’avenir de son centre médiéval et inverser le regard porté sur cette déprise urbaine.

Une démarche exploratoire et sensible

Le plan guide ambitionne de replacer le centre ancien au cœur d’une stratégie urbaine d’ensemble et de long terme qui investit les thématiques transversales de la revitalisation : habitat, cadre de vie, mobilités, … Un exercice à la fois prospectif et sensible a été conduit en groupe projet pour définir des profils cibles d’habitants et d’investisseurs que la commune souhaite attirer ou maintenir sur le centre bourg. L’utilisation de personae, tels que l’esthète, amoureux des belles pierres, ou encore la jeune retraitée, a permis de comprendre les critères de choix résidentiels des habitants lors de l’acquisition ou de la location d’un logement.

Le plan guide s’est attaché, par ailleurs, à s’ancrer dans les réalités locales en proposant plusieurs arpentages pour s’éprouver face à l’épreuve du terrain. L’approche incarnée dans un site donné, mais également dans un cadre de politiques publiques portées par les acteurs locaux rassemblés dans le cadre du plan guide a constitué un élément important du process de travail. Enfin, la force du plan guide tient avant tout dans la dynamique collective engagée autour d’un groupe projet rassemblant les différentes parties prenantes de la revitalisation : l’Etat (ABF, DDT63, ainsi que les architectes et paysagistes conseils), Conseil départemental du Puy-de-Dôme, CAUE, EPF Auvergne, SMTC, services urbanisme, habitat, culture de la Métropole, service de la ville … Ce groupe a été réuni tout au long de la démarche sous forme d’ateliers participatifs mixant diffusion d’expertises, approche sensible et travail collaboratif.

Patrimoine vécu et valeurs d’usage

L’objectif du plan guide a été clairement posé dès le lancement de la démarche : il s’agit de transformer le centre historique de Beaumont sans le dénaturer. C’est pourquoi, une étude patrimoniale approfondie a été confiée au cabinet ACA Architectes & Associés. Cette expertise a permis d’identifier les caractéristiques fondamentales du bourg fortifié : le linéaire des remparts, la structure médiévale du parcellaire avec des emprises bâties particulièrement denses, un réseau viaire hiérarchisé, arborescent et pittoresque – de la voie principale aux venelles -, les typologies bâties – maisons de vignerons, loges, demeures notables – ou encore les caractéristiques architecturales remarquables, telles que les toitures en tuiles à un ou deux pans échelonnés qui accompagnent la pente. Tous ces éléments composent un paysage urbain singulier qu’il s’agit de transmettre dans son fonctionnement et sa structure, sans pour autant figer toute forme d’intervention.

À Beaumont, le patrimoine n’est pas une simple matière à conserver : il est également un espace de vie, porteur de mémoire et de sens. La question posée par le plan guide est donc celle de la transmission : qu’est-ce qui mérite d’être conservé, à quoi tenons-nous collectivement et pourquoi ? Il s’agit donc d’articuler valeurs patrimoniales et valeurs d’usage, de repenser la mutation d’un centre en déprise, sans trahir l’esprit des lieux et du « déjà-là ».

Un plan guide comme boîte à outils

Le plan guide n’est pas un document figé mais un outil évolutif, un support de dialogue et de transformation. Il propose quatre grands axes d’intervention pour refonder une centralité habitée, attractive et connectée au reste du territoire beaumontois :

  1. Vivre au quotidien, pour améliorer la qualité des espaces publics.
  2. S’émerveiller, en révélant la richesse du cadre de vie par la végétation.
  3. Circuler, accéder, stationner pour repenser les mobilités au bénéfice des piétons.
  4. Se loger par une requalification de l’habitat en partant de l’existant.

Dix stratégiques ont été identifiées pour décliner cette stratégie urbaine d’ensemble : six pièces correspondant aux portes du bourg et quatre sont au cœur du tissu médiéval. À chaque fois, il s’agit d’intervenir avec finesse et délicatesse, en conciliant les usages, en testant de nouveaux scénarios à travers l’urbanisme transitoire, et en favorisant l’appropriation citoyenne des lieux.

Ce travail de couture sur-mesure implique de retrouver les contours historiques du bourg là où les limites ont été effacées par des démolitions et de traiter des interstices – ces zones de transition entre l’espace privé et l’espace public – comme des opportunités de requalifier le cadre de vie. La végétalisation des cœurs d’îlot, le travail sur les matériaux durables, le soin apporté à l’interface entre espace bâti et espace public témoignent de cette volonté de réparer sans déstructurer.

Focus sur l’îlot Commerce : redonner vie au patrimoine bâti

Parmi les zones d’intervention prioritaires, l’îlot Commerce occupe une place centrale. Ce secteur, où se concentre une grande partie du patrimoine communal en ruine, est emblématique des enjeux de reconquête. L’idée est de réactiver l’espace, d’en faire un lieu de vie résidentiel et social, tout en respectant son identité.

Cela passe par la réouverture d’ouvertures murées, l’introduction de treilles végétalisées sur les pignons, la réinvention des rez-de-chaussée pour accueillir des cafés sociaux ou des lieux culturels, et la reconnexion des venelles pour retisser un maillage urbain plus fluide.

Et maintenant, comment passer à l’acte ?

La réussite du plan guide passe par une mise en œuvre progressive, à plusieurs vitesses, visant à inscrire le centre bourg de Beaumont dans un processus de projet. Elle combine une approche globale, du fait de la prise en compte de l’ensemble de la stratégie urbaine, et des interventions ciblées sur certains îlots et/ou porteurs de projet qu’il s’agit d’attirer et de convaincre. Plusieurs outils fiscaux, juridiques, et opérationnels peuvent être activés pour encourager et insuffler des dynamiques de mutation.

Il s’agit, tout d’abord, de passer par des phases de test et d’expérimentation pour donner à voir rapidement et de manière « économe » comment réinvestir l’espace public par des aménagements légers, transitoires et réversibles. Design actif ou évènementiel, l’objectif est avant tout d’impliquer et d’engager les riverains dans l’animation de leur rue, leur école, leur bourg.

Pour les îlots les plus dégradés, un accompagnement sur-mesure est nécessaire. Guichet unique rassemblant l’ensemble des ressources et partenaires mobilisables, coaching individualisé auprès des futurs usagers, ou encore bourse aux logements vacants, le plan guide donne à voir l’importance d’être au plus près du porteur de projet pour apporter des réponses les plus adaptées possibles et, ainsi, faciliter la mise en opération.

Enfin, des outils incitatifs, voire coercitifs peuvent être engagés par la collectivité. Outre les dispositifs traditionnellement mobilisés dans la lutte contre l’habitat indigne et la vacance (incitations fiscales, bail à réhabilitation ou à construction…), la commune de Beaumont pourrait tirer parti de sa très forte maîtrise foncière pour lancer une consultation innovante sous forme d’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) ou d’Appel à projets (APA). Prenant exemple sur d’autres communes, telles qu’Ambert qui propose l’acquisition de maison à l’euro symbolique pour l’accession sociale à la propriété ou encore Riom qui a conduit une consultation d’opérateurs pour le réaménagement urbain avec cession immobilière de ses deux friches carcérales, Beaumont pourrait mettre en place un AMI sur l’îlot Commerce pour accompagner la réalisation de projets immobiliers directement opérationnels et en accord avec les orientations du plan guide.

Pour une fabrique collective du patrimoine vivant

La démarche engagée par Beaumont illustre un changement de paradigme dans la manière de penser la revitalisation des centres anciens. Il ne s’agit plus de préserver le patrimoine en le muséifiant, ni de le réhabiliter selon une logique purement économique, mais de réconcilier mémoire et usages, pour faire du cœur historique un espace habité, désiré, transmis.

Cette ambition passe par une mobilisation collective, une compréhension fine des lieux, et une volonté politique forte. En plaçant les habitants au centre du processus, en valorisant l’intelligence du déjà-là et en privilégiant la souplesse des réponses contextuelles, Beaumont esquisse les contours d’un urbanisme du soin et de la transmission.

Le patrimoine urbain devient alors non plus une contrainte, mais un levier de projet — un vecteur d’émotions, de récits et de renouveau.

 

 

Création d’un observatoire territorial du logement étudiant à l’échelle de la métropole clermontoise

Mieux analyser les usages et besoins des étudiants en matière de logement pour améliorer leurs conditions de vie  

Avec 43 000 étudiants inscrits dans ses établissements d’enseignement supérieur à la rentrée 2023-2024, Clermont Auvergne Métropole est incontestablement une ville universitaire qui compte dans le panorama français. Pourtant à chaque rentrée, des étudiants se trouvent en difficulté pour se loger : logements trop chers, en mauvais état, éloignés des lieux d’études, voire absence de logement, autant de situations inacceptables qui renvoient une mauvaise image du territoire, fragilisent les étudiants dans leurs parcours et font passer au second plan tous les efforts et investissements réalisés pour développer l’offre universitaire locale. Conscients de ces difficultés, mais également interrogatifs sur des perspectives démographiques à la baisse qui se répercuteront sur les effectifs étudiants, Clermont Auvergne Métropole (CAM), le CROUS Clermont Auvergne et l’Université Clermont Auvergne (UCA) ont décidé de s’unir et de confier à l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central (AUCM) la création et l’animation d’un Observatoire Territorial du Logement Etudiant (OTLE). 

Un observatoire du logement étudiant : pour quoi faire ?

L’obtention du baccalauréat et l’entrée en études supérieures restent une étape importante, un « rite de passage » vers l’âge adulte et la promesse d’une entrée facilitée dans la vie professionnelle. Pourtant, le manque de ressources financières, des difficultés pour payer son loyer, la nécessité d’occuper un emploi étudiant en parallèle des études, un logement peu confortable, mal isolé, sont autant de situations fréquemment vécues par les étudiants, qui peuvent à terme impacter leur réussite scolaire, rendre difficile la poursuite d’études ou les empêcher de quitter le domicile parental.  

Pour objectiver ces difficultés, mieux cerner les besoins des étudiants et permettre aux acteurs de l’habitat, de l’enseignement supérieur et à Clermont Auvergne Métropole de proposer une offre de logement adaptée à ce public, l’OTLE clermontois propose de structurer et exploiter un socle de connaissance sur les étudiants au regard de leurs modes d’habitats, et de recenser au plus près de la réalité, l’offre de logements à leur disposition. Pour compléter ces analyses, les partenaires fondateurs de l’OTLE clermontois souhaitent travailler avec les étudiants et notamment les interroger sur leurs attentes vis-à-vis de leur logement. 

Espace de dialogue entre les acteurs du logement, de l’enseignement supérieur, les élus et les techniciens, espace de mutualisation de la connaissance sur la question du logement étudiant, l’observatoire territorial du logement étudiant clermontois constitue un nouvel outil d’aide à la décision pour la mise en œuvre d’une politique de l’habitat en faveur des étudiants à inscrire en complément des politiques et schémas directeurs de Clermont Auvergne Métropole (PLH 2023 –2028), de l’Université Clermont Auvergne (Schéma directeur de la vie étudiante 2022-2026) et du CROUS Clermont Auvergne (Schéma directeur de l’hébergement 2022-2026).  

Le portage par l’AUCM l’inscrit par ailleurs dans le réseau des observatoires locaux consacrés au logement, notamment l’Observatoire Métropolitain de l’Habitat (OMH) dédié au suivi du PLH et de la politique d’attributions en logements sociaux de la Métropole, et l’Observatoire local des loyers (OLL) dédié à la mesure de loyers dans les logements du parc privé du Grand Clermont 

La participation à un réseau d’échanges et de capitalisation nationale

Créé en 2018, à l’initiative du réseau des associations de collectivités pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche[1] et de la Conférence des Présidents d’Université (CPU) en partenariat avec la Caisse des Dépôts, le réseau national des observatoires territoriaux du logement étudiant regroupait, en 2024, 31 OTLE labelisés. En 2025, sept nouveaux territoires viennent s’y ajouter, dont l’observatoire clermontois lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt lancé fin 2024 par la FNAU (Fédération nationale des agences d’urbanisme) et l’AVUF (Association des villes universitaires de France), qui animent le réseau des OTLE.  

Être labélisé OTLE, permet à l’observatoire clermontois de bénéficier de méthodes et retours d’expériences des observatoires existants, d’être identifié à l’échelle nationale, de valoriser à cette échelle les travaux produits et de se comparer avec d’autres territoires, grâce à un socle d’indicateurs communes au réseau. Cette comparaison pourra également se faire à l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, 3 OTLE existants déjà sur les territoires stéphanois, lyonnais et grenoblois. 

En parallèle de ce cadre national commun, chaque OTLE peut mettre en place des indicateurs spécifiques, mener des études ou des enquêtes sur des sujets plus ciblés tels que les attentes des étudiants ou la tension du marché. D’autre part, la création d’un OTLE à l’échelle de Clermont Auvergne Métropole, s’inscrit également dans une dynamique régionale d’observation de l’habitat déjà initiée depuis plusieurs années dans le cadre de l’instance régionale sur le logement étudiant organisée une fois par an par la DREAL AuRA et pour laquelle les OTLE de la Région sont mobilisés pour présenter leurs résultats de manière croisée. La création de l’OTLE clermontois vient ainsi compléter cette vision régionale de la situation de logements des étudiants. 

En 2025, le déploiement de l’observatoire débutera par la constitution d’un socle de connaissance des étudiants et des solutions de logements à leur disposition, reposant notamment sur la collecte de données auprès des partenaires de l’observatoire et un recensement de l’offre de logements dédiés aux étudiants, s’appuyant sur une enquête auprès des gestionnaires de résidences. Les premiers résultats seront disponibles pour la fin d’année 2025. Dans les années à venir, l’OTLE clermontois réalisera également une enquête auprès des étudiants afin de mieux cerner leurs attentes vis-à-vis de leur logement et traitera un sujet thématique choisi par ses partenaires. Les partenariats de l’observatoire pourront au besoin et selon la volonté des acteurs de l’habitat et de l’enseignement supérieur être élargis au fil du temps. 

WEBINAIRE : Penser la résilience socio-économique d’un système métropolitain – 4 juin – 17h

Face aux crises planétaires qui fragilisent nos systèmes urbains et métropolitains, comment concevoir des politiques publiques capables d’accroitre et de renforcer la capacité de résilience socio-économique de territoires comme Clermont Auvergne Métropole ?

Mercredi 4 juin 2025 de 17h à 18h, Magali Talandier, professeure en urbanisme à l’Université Grenoble-Alpes et présidente du conseil scientifique « Climat et Transition » de la Métropole et de l’Agence d’urbanisme de Grenoble, nous présentera ses travaux qui croisent à la fois une approche théorique (production d’un cadre conceptuel des systèmes économiques urbains), méthodologique (étude couplée des flux spatiaux) et opérationnelle (leviers d’action pour accroître la résilience des villes), des pistes de réflexions susceptibles de répondre localement à ce défi.

Une conversation animée par Stephane Cordobes, Directeur Général de l’AUCM

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Repenser l’usage du foncier dans les zones d’activités économiques

Adoptée en septembre 2024, la feuille de route économique stratégique 2024-2030 de la métropole clermontoise s’attache, dès le premier axe de son plan d’actions, à agir « pour un foncier économique durable ». Cette feuille de route de la Direction Accompagnement des Entreprises (DAE) vise à mettre en cohérence la politique de développement économique avec les objectifs de transition écologique et de résilience du territoire. Or le renforcement des capacités d’actions du tissu économique, la redirection de l’activité économique vers des modèles d’économie régénérative ou encore le positionnement de l’économie territoriale au service du vivre-ensemble ne peut advenir sans une connaissance fine du foncier économique afin d’être en capacité de décliner spatialement activités et ressources. Tenant compte de ce nouveau contexte, l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central (AUCM) a conçu un dispositif pour outiller la DAE d’un référentiel foncier utile à la réorientation de leur action. 

Les enjeux stratégiques du repérage et de la qualification du potentiel d’optimisation foncière dans les zones d’activités métropolitaines pour (re)trouver du foncier économique 

Les politiques de développement économique, voire de simple maintien du tissu économique existant, se trouvent confrontées en matière de foncier à de nombreuses concurrences conduisant directement à une raréfaction, et donc à un renchérissement, du foncier économique :  

  • La nécessité de faire des choix entre différents usages possibles du foncier encore disponible, pour répondre à la crise du logement ou aux enjeux de développement économique par exemple,  
  • Des difficultés d’acceptabilité de certains projets, pourtant indispensables au bon fonctionnement de l’écosystème économique local, comme par exemple les projets logistiques permettant d’assurer l’approvisionnement des entreprises et l’acheminement de leurs produits, 
  • L’éviction des entreprises en périphérie du tissu urbain mais désormais également d’espaces historiquement dédiés au développement économique, au profit du déploiement de l’habitat et des équipements, 
  • Des mécanismes de marché orientant le foncier encore disponible vers des projets plus rentables et moins risqués que les activités productives, notamment du logement et du commerce [1], 
  • La faible intégration des activités économiques, en dehors du commerce, dans le tissu urbain, en particulier pour des activités productives pourtant compatibles,  
  • Un foncier économique généralement peu investi par l’aménagement et l’urbanisme[2], considéré comme des espaces « hors des villes » alors que véritables espaces de vie quotidienne pour près de la moitié des salariés français[3]. 

A ces enjeux de fabrique urbaine s’ajoutent les ambitions nationales de réindustrialisation, de renforcement de la souveraineté et de l’autonomie stratégiques ainsi que de sobriété foncière. Les développeurs économiques doivent aujourd’hui composer avec les zones d’activités existantes et les autres sites d’accueil d’activités pour assurer le parcours résidentiel des entreprises du territoire tout en gardant la capacité d’accueillir des nouveaux projets susceptibles de renforcer le fonctionnement économique du territoire.  

Dans ce contexte, il importe de qualifier finement l’occupation des zones d’activités économiques, d’identifier leur potentiel d’optimisation et de mutation foncière et de définir les secteurs économiques stratégiques, trois conditions préalables à l’élaboration d’un schéma directeur du foncier économique et à l’expérimentation de nouveaux modes de gestion du foncier. L’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central a été sollicitée par la métropole clermontoise pour révéler, cartographier et caractériser les « gisements » fonciers. Elle a ainsi mis en pratique une méthodologie permettant de consolider la connaissance des capacités d’intensification sur les zones d’activités économiques, mais également de renouveler la perception du foncier économique, souvent limité aux seules disponibilités foncières, ou “reste à commercialiser”, de la collectivité.  

Comment identifier le foncier sous-utilisé au sein des zones d’activités ? Comment évaluer le poids de la réserve foncière d’entreprises anticipant leur développement futur ou le renchérissement du foncier dans une logique spéculative ? Comment anticiper les possibilités d’évolution de l’occupation des parcelles pour ne pas passer à côté de fonciers stratégiques pour le développement économique du territoire ? Comment mieux appréhender la mutabilité des terrains tout en évitant une densification anarchique des zones d’activités ? 

UNE MÉTHODE PROPOSÉE PAR l’AUCM basée sur Une appréhension des gisements fonciers volontairement extensive 

Afin de prendre en considération les espaces vides indépendamment de leur commercialisation et du découpage foncier, le repérage du potentiel d’optimisation foncière dans les zones d’activités a porté sur l’ensemble des espaces vides de bâtiment et des espaces faiblement bâtis. Elle prend donc en considération à la fois les unités foncières non bâties, qu’il s’agisse de foncier commercialisable par la collectivité, de réserve foncière d’entreprise ou encore d’espace agricole, mais aussi les unités foncières à faible emprise bâtie, soit par la présence de stationnements, de zones de stockage, d’espaces de circulation (voirie interne, aire de livraison ou de retournement), de valorisation paysagère ou simplement de délaissés sans usage. Sont donc comptabilisés dans les gisements, des espaces sur lesquels un usage peut être observé mais qui seraient mobilisables dans des dynamiques d’optimisation foncières, qu’il s’agisse d’utiliser les espaces vides ou sous-utilisés pour accueillir de nouvelles activités économiques, réorganiser les usages ou permettre le développement des activités déjà implantées.  

Exemple de mobilisation des espaces vides ou sous-utilisés pour réorganiser les usages 

Exemple de mobilisation des espaces vides ou sous-utilisés pour la construction de nouveaux locaux d’activités 

Exemple de mobilisation des espaces vides ou sous-utilisés pour le développement des activités déjà implantées 

Sources : orthophotographie CRAIG 2022, Cadastre DGFIP 2023 – Traitement : AUCM 

La première étape de la méthode consiste à pré-identifier, à partir du cadastre et de manière automatique mais théorique, les dents creuses, soit les parcelles cadastrales contigües et non bâties situées en zones urbanisées, mais aussi les espaces faiblement optimisés présentant donc un potentiel de densification. Elle dépasse ainsi l’approche souvent retenue par les collectivités de ne considérer que les terrains qui leur restent à commercialiser. La maille retenue est celle des unités foncières (UF), qui désigne un « îlot d’un seul tenant composé d’une ou plusieurs parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ». Ce choix permet de conserver une logique relative à l’aménagement de la zone d’activités, le découpage des parcelles étant liée à l’histoire des divisions des terrains, indépendamment des projets. 

La méthode de repérage des gisements fonciers économiques diffère de celle appliquée sur les espaces résidentiels. Ainsi, dans les espaces économiques, il importe par exemple de considérer le bâti léger, pouvant correspondre à des locaux indissociables de l’activité économique. Les seuils à fixer pour ne retenir que des gisements fonciers pertinents sont également à adapter. Au regard des retours d’expériences d’autres territoires et des résultats de tests pratiqués par l’AUCM, les seuils suivants ont été retenus pour l’ensemble de la métropole : 

  • Les bâtis individuels de moins de 20 m2, correspondant à des locaux techniques, ne sont pas pris en compte, 
  • Les gisements de moins de 500 m2 sont écartés, 
  • Les gisements fonciers situés sur des unités foncières bâties à plus de 50 % sont écartés, 
  • Une zone tampon de 10 m est appliquée autour des bâtiments, 
  • Le réseau viaire, pouvant traverser des unités foncières, est supprimé par l’application d’un seuil de recouvrement de 25 %, 
  • Les gisements fonciers non contigus de type « bandes » sont écartés par l’application d’un filtre morphologique. 

Dans un deuxième temps, le stock théorique est affiné par croisement avec des bases de données thématiques et / ou locales : 

  • Le registre parcellaire graphique (RPG) pour identifier les parcelles agricoles exploitées, 
  • Le plan de prévention des risques inondations (PPRI) pour écarter les gisements concernés par un aléa fort dans lesquels s’applique un principe d’interdiction de construction. A noter que ces gisements pourront néanmoins être pris en compte pour d’autres usages, comme la limitation des phénomènes d’ilot de chaleur urbain, 
  • Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) pour écarter les gisements concernés par des contraintes et des prescriptions (ex : marge de recul), mais également par des projets identifiés dans les emplacements réservés et les orientations d’aménagement et de programmation (OAP). Les gisements impactés par de futurs projets de voiries et la constitution de parcs ont ainsi été écartés. 

A l’issue de ces deux premières étapes automatiques, un stock potentiel de gisements fonciers économiques dans les zones urbanisées de la métropole est identifié. Ces gisements répondent à des critères de taille, d’emprise bâtie, de contraintes urbanistiques ou liées à des risques naturels permettant d’envisager « en théorie » une optimisation de l’usage actuel de ce foncier.  

Photo-interprétation et retour d’expertise des développeurs économiques pour préciser les gisements dans les zones d’activités métropolitaines 

Des connaissances plus précises sont mobilisées pour actualiser le stock de gisements et en retirer les « coups partis » : 

  • les plans de commercialisation pour écarter les gisements faisant l’objet d’une promesse ou d’un acte de vente. Ces gisements sont considérés comme des coups partis, 
  • le système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements (Sirene) géolocalisé pour identifier les gisements sur lesquels serait déjà implanté un établissement. Ces gisements sont considérés comme des coups partis. 

Les traitements géomatiques précédemment réalisés permettent de préqualifier les gisements fonciers en trois catégories : les dents creuses (espaces non bâtis), les espaces à faible emprise bâtie et les espaces agricoles. Cette qualification est affinée par photo-interprétation en identifiant, principalement pour les gisements situés sur des espaces à faible emprise bâtie, s’il s’agit : 

  • d’un espace délaissé sans usage immédiatement observé, pouvant correspondre à de la réserve foncière d’entreprise ou à de la surface herbacée de pelouse sans valeur ni continuité écologique, 
  • d’un espace sur lequel un usage est constaté à la photo-interprétation mais qui, en raison de sa taille, pourrait éventuellement être optimisé. Il peut s’agir de parking, d’espace de stockage ou encore d’aires de livraison ou de retournement de camions. 

Sources : Agence d’urbanisme de Brest-Bretagne, Agence d’urbanisme de la région nantaise, repris et complété par l’AUCM 

La photo-interprétation a également permis d’affiner le volume de gisements en retirant les bassins d’orage.  Deux séances de travail ont été organisées avec les développeurs économiques de la Métropole afin de confirmer la justesse des résultats géomatiques obtenus au regard de leur connaissance des sites. Cette méthode permet d’aboutir à l’identification de profil d’optimisation foncière pour les zones d’activités métropolitaines qui, outre l’alimentation d’un volet économique souvent délaissé des observatoires fonciers, constitue un préalable à l’élaboration d’un schéma directeur du foncier économique.   

Conclusion

Ce projet souligne l’intérêt des observatoires locaux pour appréhender, au-delà des obligations légales de l’établissement d’un inventaire des zones d’activités imposées par la loi Climat et Résilience, l’objet complexe du foncier économique. Il nécessite de prendre en compte des spécificités propres aux dynamiques économiques, et donc d’adapter les méthodes d’analyse du potentiel de densification pouvant s’appliquer aux espaces bâtis de façon générale. L’analyse des gisements fonciers dans les zones d’activités ouvrent plusieurs perspectives de mobilisation : l’intensification des usages, la réorganisation des usages ou encore la mutualisation des usages, qu’il s’agisse de stationnement, de stockage ou d’équipements (salles de réunion, espaces de restauration…) mais également l’externalisation et le redéploiement de certains usages en dehors des parcelles dévolues aux entreprises, voire en dehors de la zone d’activités ainsi que le renouvellement de l’existant par démolition/reconstruction.  Ces premiers résultats, qui seront complétés par l’analyse de la dureté foncière, méritent de s’inscrire dans une réflexion plus globale sur la stratégie d’accueil et de développement économique, dépassant les seules zones d’activités économiques, sur les modes de gestion du foncier économique public comme privé ainsi que sur les règles d’urbanisme relatives aux espaces économiques pour favoriser, tout en respectant les dynamiques propres aux acteurs économiques, l’optimisation du foncier. Ils nécessitent plus globalement de reposer le modèle du foncier économique afin de sortir du triptyque mixité urbaine avec de l’habitat, du commerce et des équipements, report en périphérie, extension des zones d’activités en se tournant davantage vers la diversification des fonctions économiques et la complémentarité des activités économiques, la sanctuarisation d’espaces dédiés à l’activité, notamment productive, et la bascule d’une logique d’aménagement à une logique de management des sites d’activités.  

Les agences d’urbanisme peuvent-elles continuer à s’ignorer comme acteurs culturels ?

Un article de Stéphane Cordobes, rédigé à partir de son intervention publique du 2 avril 2025 lors de la Rencontre POPSU Métropoles et POPSU Transitions à Clermont-Ferrand. La séquence intitulée « Quelles cultures pour s’adapter au changement global et recomposer nos territoires de vie ? » était animée par Laurent Lelli, directeur de la plateforme clermontoise de POPSU Transitions.

D’une question incongrue au dépassement d’un malentendu

« Une agence d’urbanisme peut-elle se prendre pour un acteur culturel ? » La question, posée lors d’une rencontre publique réunissant principalement des professionnels du secteur culturel, peut surprendre. Elle trahit un étonnement, voire une gêne : que ferait donc un urbaniste — perçu avant tout comme technicien ou planificateur, un agent de la ville et du territoire — dans une sphère peuplée d’artistes, de programmateurs ou de médiateurs ? Pour y répondre, il faut d’abord dépasser un double malentendu.

D’un côté, les professionnels de l’urbanisme ont souvent du mal à décrire et légitimer leur pratique autrement qu’à travers leur expertise technique — normative, réglementaire, fonctionnelle. Ils peinent à reconnaître que ce qu’ils produisent touche aussi à l’imaginaire, au sensible, à la manière dont les gens habitent tout simplement le monde. De l’autre, les acteurs culturels, en acceptant une définition de la culture centrée sur les arts et la création « libre et désintéressée », peinent à reconnaître comme « pairs » ceux qui façonnent, dans un cadre utilitaire assumé, les espaces habités — autrement dit, ceux qui agissent sur les espaces et les modes de vie, les relations de tout ce qui les compose. Ce malentendu mérite d’être pris au sérieux — non pour dénoncer ou défendre des places et des statuts légitimes, mais pour interroger ensemble cette ignorance réciproque des “faire territoire” et “faire culture” qui, bien qu’installés, semblent aujourd’hui dépassés.

Ce que fait une agence d’urbanisme

Revenons à l’agence d’urbanisme. On ne saurait la réduire à un simple bureau d’études techniques, produisant des plans ou des rapports. Ancrée dans un territoire, elle coproduit avec des collectivités, chercheurs, associations et habitants, autrement dit une communauté située d’acteurs, une pluralité de savoirs : des chiffres et données, bien sûr, mais aussi des récits, des représentations, des imaginaires instituants, des intentions partagées, des expériences d’édification collective. Elle intervient sur les façons d’habiter un lieu, sur les modes de cohabitation, sur les formes de vie ; autrement dit, elle contribue à façonner un ensemble de rapports au monde, caractéristiques d’un territoire et de sa culture.

Elle n’est donc pas extérieure à la culture : au contraire, elle contribue à fabriquer les conditions politiques, pratiques, sensibles et symboliques de la vie en commun. Si l’on s’appuie sur la définition large de la culture proposée par l’UNESCO — un ensemble de traits spirituels, matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent un groupe social — il devient évident qu’une agence d’urbanisme est un acteur culturel à part entière. Elle n’a pas pour objet principal la production artistique — encore que les dimensions architecturales et paysagères de la fabrique urbaine avec laquelle elle compose obligeraient à en discuter — mais elle agit sur un autre plan, tout aussi culturel : par emprunt à Jacques Rancière, celui du partage du sensible propre à chaque territoire. En rendant possible, collectivement, l’édification de mondes habitables, elle induit une action culturelle qui dépasse l’expertise technique : de fait, elle mobilise à la fois des dimensions sensibles, imaginatives, symboliques, pratiques, politiques et techniques.

Une fonction culturelle invisibilisée

Cette « évidence » est pourtant difficile à voir et à admettre, car la culture elle-même s’est enfermée dans un cadre qui la dépolitise, la spécialise et l’isole. Le régime culturel moderne et le projet politique qui l’accueille ont forgé une vision du monde fondée sur sa réification, sa segmentation et sa marchandisation. Dans cette perspective, la culture ne désigne plus des rapports au monde — ou plus justement, des régimes culturels situés qui se traduisent en agencements spécifiques de rapports au monde — mais devient un levier de développement économique, un outil d’attractivité territoriale, un service récréatif et éducatif, une fiction identitaire rassurante, parfois un outil d’émancipation individuelle, souvent un champ d’activité replié sur lui-même, centré sur sa propre finalité : l’art pour l’art, la culture pour la culture.

Ainsi conçue, la culture s’inscrit dans un cadre qui érige la création en œuvres, donc en choses, spécialise l’activité dans un champ autonome avec ses objets, ses experts, ses lieux, ses publics, et valorise sa production dans une logique de marché. On est alors bien loin du geste culturel premier et commun d’habitation du monde.

Dans ce système, ce que produit une agence d’urbanisme — des savoirs, des agencements de milieux, des partages du sensible, des imaginaires instituants, des pratiques habitantes, etc. — n’est pas identifié comme « culturel », car cela échappe au régime culturel légitime. Elle est perçue comme un rouage technique d’un autre domaine d’activités moderne, l’aménagement et l’urbanisme, et non comme une force d’expérimentation ou d’invention de nouveaux rapports au monde. Il est sans doute temps de rouvrir ce cadre et de l’interroger sérieusement.

Le tournant anthropocène et l’invitation à reculturaliser le monde

Pourquoi ? Parce que l’Anthropocène, entendu comme une ère marquée par les effets délétères du projet d’exploitation moderne de la planète sur nos capacités de vie, bouleverse notre présence au monde. Il fait éclater les séparations entre nature et culture, science et politique, production et création. Il nous oblige à repenser en profondeur nos manières de faire territoire et nos modes d’habitation de la Terre. Et cette tâche est d’abord culturelle.

Ce que nous appelons « transition écologique » apparaît dans cette perspective moins comme un enjeu technologique que comme un dilemme fondamentalement culturel, qui plus est, à fort potentiel conflictuel : un affrontement entre récits du monde, entre formes de vie, entre manières de faire société. Il met d’ailleurs déjà en tension ceux qui veulent poursuivre le projet moderne déconnecté des limites planétaires, et ceux qui cherchent à inventer d’autres façons de vivre et d’habiter. La culture ne peut rester à l’écart de ce conflit ; redéfinie ainsi, elle se trouve au cœur du politique — en tant que fabrique de sens, de valeurs, de représentations, de collectifs, de rapports au monde.

Vers une politique culturelle anthropocène

Imaginons comme admises ces hypothèses. Que pourrait être une politique culturelle à la hauteur de ce défi ? Certainement pas une politique de la prescription ou de l’enchantement forcé. L’attente du « grand récit positif de la transition » relève du mythe : non seulement il masque les obstacles matériels réels aux transformations à engager — notamment la redistribution des richesses et des investissements qu’elles impliquent — mais il tend aussi vers ce qui relève de la propagande. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas un récit qui s’imposerait à tous rendant acceptable ce qui, sans changer de point de vue, d’attachements et de partages, ne le sera pas. Ce n’est pas davantage une idéologie totalitaire masquée sous les atours séduisants d’un storytelling artistique.

Non, ce qui semble nécessaire pour faire face à la situation et convoquer la force agissante de la culture, c’est un espace favorable à l’émergence de multiples récits, de micro-devenirs originaux, de scènes de création et d’expérimentation de nouveaux rapports au monde, à la fois émancipateurs et communs, de nouvelles fabriques habitantes.

On peut convoquer ici Hannah Arendt et sa conception de la politique : non pas la prise du pouvoir, son exercice ou la gestion des affaires publiques, mais l’assurance d’un espace commun de visibilité et de parole, de diversité et de liberté — un espace de co-présence et de création collective et individuelle, où s’inventent et se mettent en œuvre les conditions communes d’habitations possibles du monde. Une politique culturelle de l’Anthropocène pourrait être cela : l’installation pérenne d’un espace commun où s’élaborent, se discutent, s’expérimentent, se vivent de nouveaux rapports au monde, se créent de nouveaux agencements territoriaux. Une politique favorable au renouvellement de formes situées d’habitation partagées et sensibles. Une politique qui ne chercherait pas à imposer l’acceptation des transitions, mais à offrir les conditions culturelles favorables au jaillissement d’autres « habiter » possibles, faisant tenir ensemble de manières plus justes et viables humains et non-humains compris.

Pour des agences culturelles d’urbanisme

Reconnaître l’agence d’urbanisme comme un acteur culturel, ce n’est donc pas élargir à la marge le périmètre de la culture. C’est réinterroger ce qu’elle est, dans un moment où la condition terrestre nous oblige à réarticuler sensibilités, imaginaires, savoirs et actions. C’est ouvrir la possibilité d’une politique culturelle qui ne se contente plus de gérer la création ou de patrimonialiser le passé, mais qui contribue activement à la fabrique de nos futurs mondes communs.

Ne nous y trompons pas. Ce propos n’est pas un plaidoyer pour l’urbanisme culturel qui tend à se propager. Sa pratique la plus courante ne dispose en effet ni des ressources ni de l’ambition transformatrice et située ici convoquée. Dans bien des cas, elle offre aux artistes une diversification salutaire à l’heure où vivre de son art devient difficile. Trop souvent, elle relève d’un mécénat opportun, d’une mise en scène facile et accessoire susceptible d’acheter à bon compte une image sociale ou environnementale louable. Pire encore, elle peut afficher des marques de grandeur et de puissance. La politique culturelle dont il est ici question ne relève pas de cette logique de gala, de subsistance ou de pouvoir : c’est une invitation à penser ensemble les politiques culturelles comme politiques de cohabitation — c’est-à-dire de ce lien vivant, fragile et fondamental que nous entretenons avec ceux qui composent nos milieux. Une invitation à reconnaître que, face aux défis de l’Anthropocène, « faire culture » comme « faire territoire », c’est fondamentalement apprendre à renouer des liens et à cohabiter dans un monde qu’il est urgent de reconsidérer et de prendre soin.

Espaces publics et droits culturels : à la recherche de l’agora 2030

« Regardons l’invisible », « Pensez l’Humain Urbain ! », « Lâchez nous l’espace public ! ». Les quelques slogans formulés à l’issue de cette journée -proposée dans le cadre de la 45ème rencontre nationale des agences d’urbanisme le 10 octobre 2024 à St Omer- donnent le ton de l’atelier. Hors des sentiers traditionnellement battus par les urbanistes lorsqu’il est question d’espaces publics, nous faisons à travers cette journée l’hypothèse d’un renouvellement de logiciel : et si l’approche des espaces publics par les droits culturels, dans leur capacité à garantir l’exercice des droits fondamentaux de chacun, nous permettait de réinventer la fabrique des espaces publics et d’aller vers davantage de démocratie ?  Afin de partir collectivement en quête de premiers éléments de réponse, la journée s’articule autour d’une série de courtes expériences, comme autant de tentatives de relier la question des droits culturels, à une réflexion sur la teneur et la fabrication de nos espaces publics.

Introduction aux droits culturels

Que sont les droits culturels ? En quoi ceux-ci peuvent-ils nous aider à porter un regard neuf sur les espaces publics, pour les rendre plus fertiles et moteurs dans nos efforts collectifs de transitions ?  A l’abri du kiosque à musique du jardin public de Saint Omer, à quelques pas des fortifications érigées sous Charles Quint, Nawel Bab-Hamed, chargée d’études sociologie, culture et mode de vie, à l’Agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise, met en valeur la spécificité de ces droits humains fondamentaux apparus en 1948 dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, révélés par la Déclaration de Fribourg en 2007. Humanité, légitimité, réciprocité, coopération, démocratie…le logiciel des droits culturels s’inscrit dans une définition très large de la culture, comme espace d’expression de l’humanité des personnes et des groupes. Ces droits contribuent à donner la capacité à chaque être humain de « prendre sa part, d’apporter sa part, de recevoir sa part ». Ils permettent d’inclure toute personne dans la création et l’enrichissement d’un système de valeurs, de croyances, de langues, de savoirs et d’arts, de traditions, d’institutions et de mode de vie par lesquels un individu qu’il soit seul ou dans un groupe exerce son humanité et son rapport au monde. L’espace public, « commun de nos communs », tel que l’écrivait Luc Carton, philosophe, vice-président de l’Observatoire de la diversité et des droits culturels de Fribourg, permet-il pour autant l’exercice des droits culturels de chacun.e ? Renforce-t-il notre capacité à créer du lien, à coopérer, à faire s’exprimer et se transmettre nos cultures ?

Enquête flash : à la recherche des héritages et référentiels culturels en présence

Quelle est l’intensité d’un espace public en matière de droits culturels ?  Le jardin public de St Omer, conçu au XIXème siècle sur le modèle des jardins « à la française », où voisinent arbres remarquables et stigmates du passé militaire, nous semble un écrin favorable pour aborder la notion d’héritage, de transmission, qui figure parmi les huit droits culturels. Qu’est-ce qui fait « héritage » dans cet espace ? Quelles sont les références culturelles, les différents narratifs en présence ?  Quels sont les grands absents, du point de vue des références culturelles contemporaines ? Course à pied, course d’orientation, manèges, concerts, photos de mariage… En quoi cet espace favorise-t-il la rencontre entre différentes cultures, le partage et le renforcement des liens entre habitants ? En quoi d’autres approches de cet espace, sous le prisme des droits culturels, pourraient-elles favoriser sur ce site un « faire patrimoine » par les acteurs ? L’expérience soulève diverses questions, des tâtonnements qui amènent les participants à considérer la charge culturelle d’un espace et son potentiel de transmission.

L’espace public comme support de coopérations : le cas de la Station

De retour dans le centre-ville, la visite de « La Station », écosystème territorial d’innovation initié par la Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer, invite le groupe à analyser une autre notion faisant partie des huit droits culturels : la coopération.  Mutualisation de ressources, synergies, réciprocité des échanges, gouvernance partagée…comment passer de l’individu à la communauté ? en quoi un espace partagé est-il vecteur de coopérations ? Quels sont à l’inverse les freins à la mise en liens ?

Dans l’esprit des « pratiques en chantier », outil d’analyse expérimenté par les promoteurs des droits culturels, Marie Matte, architecte-paysagiste, start-uppeuse vice-présidente de la Station, évoque la genèse du lieu, les péripéties et succès qui jalonnent la mise en place de ce type d’espace partagé. Les échanges avec le groupe révèlent l’intérêt de cet espace partagé pour tisser de nouveaux possibles collectifs. Si la vitalité de l’écosystème nécessite une attention de chaque instant, ce type d’espace de coopération s’avère néanmoins fertile, en permettant de faire œuvre commune, sans toutefois gommer les spécificités de chacun.

Une question émerge : Les agences d’urbanisme gagneraient-elles à s’adosser à un tiers-lieu d’innovation pour réinventer la fabrique des espaces publics ?

Arpenter le Haut-Pont au prisme des droits culturels

Afin de se relier à un ressenti plus intime et tenter de capter des éléments d’ambiance urbaine, une dynamique en présence, les participants sont invités, en silence, à parcourir l’allée des Marronniers – espace public le long du canal – pour rejoindre le quartier du Haut-Pont. Ce faubourg emblématique du maraichage audomarois, fruit de plus de 1000 ans de relations entre l’humain et la nature, créé la synthèse entre les notions d’héritage et de coopération évoquées en début de matinée : conçu collectivement, pas à pas, pour habiter et produire des ressources alimentaires, ce quartier charnière questionne notre capacité collective à produire des espaces, à nous fédérer, en dialogue avec le vivant.

Valérie Mathias-Husson, géographe-urbaniste à l’Agence d’urbanisme et de développement Flandre Dunkerque, formule alors une nouvelle proposition au groupe : muni.e d’un livret reprenant les huit droits culturels, chacun.e est invité.e à arpenter individuellement le haut-Pont, où cohabitent aujourd’hui une population de cadres en quête d’authenticité et les héritiers de la profession maraichère. L’occasion d’évoquer et d’éprouver l’enjeu des choix en matière de techniques d’arpentages, d’enquêtes de terrain. Quels types d’arpentage et d’enquête engager pour saisir l’épaisseur culturelle d’un espace public ?

Le marais audomarois, démonstrateur des droits culturels ?

La Maison du marais, où nous nous réfugions à la mi-journée, a investi le champ de l’imaginaire collectif en valorisant l’héritage culturel du marais audomarois sous de multiples dimensions, à travers une riche scénographie. La visite de l’exposition permanente permet au groupe d’appréhender la coopération que l’humain a construit, ici, avec le vivant non-humain, à travers l’aménagement des canaux et le développement du maraichage.  Une communauté s’est formée autour de l’activité vivrière, puis commerciale, où chacun semble trouver sa place. Ce système culturel, producteur d’aménagements, d’espaces publics, et générateur d’un tissu social complexe, repose sur un espace-temps fédérateur dont les contours résonnent avec les huit droits culturels.

Au sortir de la journée, quid de l’agora 2030 ?  Revendiquons ! La journée s’achève autour d’un atelier de création de panneaux de manifestation. Quels slogans nous inspirent cette approche par les droits culturels, à l’heure où le contexte de changement global nous incite à réinventer nos espaces publics ? « Droits humains droits urbains même combat !!! », « FNAU / Fabrique ta Nouvelle Agence d’Urbanisme »… L’envie semble partagée de faire émerger une nouvelle « grammaire » de projet, de nouvelles approches, où se renégocient la place des acteurs, leurs interactions et le rôle de l’urbaniste en tant que médiateur. Vers un nouveau modèle social des espaces publics ?

Récit rétrospectif des mobilités clermontoises

Le présent article propose une lecture rétrospective et séquencée de la manière dont la question des mobilités s’est inscrite à l’agenda des acteurs clermontois et s’est traduite en action au cours des cinquante dernières années.

1 – L’horizon métropolitain : le temps des grands projets structurants (1970-2000)

Au cours de la décennie 1970, une génération d’élus clermontois et auvergnats entend s’attaquer au « retard » de la Région, « Himalaya français » enclavée par son Massif et manquant d’une « métropole » inscrite à l’armature des « métropoles d’équilibre » qui structure alors les investissements de l’Etat. Pour ces acteurs, la « jonction » au système français est autant fonctionnelle (par des infrastructures) que performative (par des « marqueurs »). Elle passe par l’énoncé d’une vision politique et stratégique des mobilités du territoire. L’empreinte locale de cette « jonction » au système national structure fortement le développement spatial du territoire et de fait l’agenda politique des décennies suivantes.

La promesse d’intégration nationale trouve un écho certain au cours des décennies 1970 et 1980 dans les agendas présidentiels et étatiques. Présidentiel car, auvergnat, le Président Valéry Giscard d’Estaing entend désenclaver « sa » Région en la dotant des grandes infrastructures qui la contournent alors. Etatique ensuite car, soucieux de l’aménagement équilibré du territoire national, l’Etat souhaite contribuer au désenclavement du Massif central. Celui-ci y voit dans le même temps une possibilité d’anticiper la congestion du couloir rhodanien en proposant une liaison autoroutière alternative. Cet alignement d’intérêts et la forte mobilisation des acteurs locaux ouvrent, au début des années 1980, le chantier du carrefour autoroutier clermontois qui s’étendra sur plus de trois décennies.

Construit pour répondre à un besoin d’ordre national (tant pour le territoire que pour l’Etat), le carrefour autoroutier structure de fait fortement la métropolisation spatiale clermontoise autour du mode automobile. La gratuité de l’A75 ouvre les stratégies résidentielles des ménages et étend l’aire d’influence clermontoise au sud jusqu’à Issoire. A l’inverse, le péage de Gerzat, constitue un frein à l’urbanisation au nord du bassin de vie. Au quotidien, on constate de fait un certain report sur les axes secondaires entre Riom et Clermont-Ferrand, sans que ces derniers ne soient dimensionnés pour accueillir une forte intensité de flux.

Ce « grand projet » autoroutier enracine donc le système du bassin de vie clermontois dans un « tout voiture ». Une caractéristique d’autant plus marquée que l’échelle du bassin de vie ne fait l’objet d’aucune politique de mobilités complémentaire. Le tropisme des élus est pour cause résolument national : l’aérien notamment, Clermont-Ferrand est jusqu’en 2003 le « hub » de la compagnie Regional Airlines, fait l’objet d’investissements conséquents (extension de l’aérogare en 1993) et constitue un des leviers de jonction nationale privilégié. Le ferroviaire fait également l’objet d’investissement (électrification de la ligne Paris – Clermont-Ferrand en 1982) en laissant de côté l’amélioration de l’étoile clermontoise et du réseau interurbain de moyenne portée.

A l’inverse, au sein de la ville-centre, on pense la sortie du « tout voiture ». L’héritage urbanistique moderniste de Clermont-Ferrand rend son centre-ville « trop accessible » à la voiture par les grandes radiales à sens unique, complétées par les réseaux de nationales et départementales tout aussi directs qui maillent le territoire de la métropole. Le Syndicat mixte des transports clermontois (STMC) porte, dès sa création en 1976, cette ambition à l’échelle d’un PTU restreint de 13 communes et structuré par les besoins de la ville-centre. Dès 1995, le SMTC porte le projet de la ligne A du tramway et la restructuration du réseau inscrite au PDU de 2001. Mis en service en 2006, le tramway moderne accuse un retard de près de 20 ans sur les autres métropoles dans le déploiement d’une telle infrastructure. La sortie du « tout voiture » telle qu’appréhendée dès lors, adosse le tramway à un projet de rénovation urbaine : l’infrastructure guide l’urbanisation, contribue au désenclavement des Quartiers Politique de la Ville, et accélère la requalification des espaces publics du centre-ville en faveur des modes actifs. Le tramway s’accompagne d’une révision des plans de circulation et du stationnement au cœur de Clermont. Le périmètre SMTC et l’imbrication du Syndicat avec la Ville de Clermont-Ferrand confère toutefois à cette politique de mobilité un caractère « clermonto-clermontois » et ce durablement.

Cette période installe donc les éléments d’une permanence tenace : celle d’un espace métropolitain structuré par un carrefour autoroutier à la fonction « nationale », facilitant le « tout voiture » à l’échelle du bassin de vie d’une part, et d’autre part une centralité urbaine qui tente d’en sortir progressivement et posant les jalons d’une posture de plus en plus défensive vis-à-vis de ce mode. Une politique des mobilités d’échelle intermédiaire, pour le bassin de vie, reste donc à ce stade nettement impensée.

2 – Constructions institutionnelles et recompositions géopolitiques : le temps des incertitudes (2000-2013)

L’achèvement de la structure du carrefour autoroutier et la mise en service du tramway clôturent cet intense cycle planificateur. Charge à une nouvelle génération d’élus (Serge Godard élu maire en 1997 a poursuivi lors de son premier mandat les projets engagés par Roger Quilliot) de penser le « coup d’après » dans une géopolitique locale en évolution. Ces élus restent néanmoins principalement soucieux de l’intégration nationale du territoire, au détriment de l’enclenchement d’un nouveau cycle stratégique local.

A l’échelle clermontoise, l’après tramway fait l’objet d’une certaine latence stratégique. Par manque de capacité financière en partie, la sous-estimation des coûts de l’infrastructure annihile la possibilité de suivre les ambitions du PDU 2001 de construction de nouvelles lignes et de liaison à la gare notamment. Dans le même temps, le SMTC est confronté à une révision de son périmètre induite par le départ du Département en 2006, qui contraint ses capacités à porter des engagements stratégiques. Faute de vision stratégique, le temps est aux ajustements par l’intégration d’un agenda « développement durable » du territoire : vélos en libre-service, mobilisation des entreprises et des administrations (Plan de déplacement des entreprises et des administrations), parking-relais, etc.

L’énergie politique se déporte de nouveau du local au national. Inscrite au Grenelle de l’environnement de 2009, la création d’un tronçon à grande vitesse sur la ligne Paris-Clermont-Ferrand, dans la perspective notamment de désaturer l’axe Paris – Lyon, réouvre un cycle de mobilisation des élus clermontois et auvergnats qui s’exprimera principalement lors du débat public ouvert fin 2010 pendant trois ans. Dans la continuité de leurs prédécesseurs, cette génération d’élus joue également la carte de l’attractivité métropolitaine par l’intégration nationale, sans pour autant aboutir. Après le cycle d’intégration nationale, la période 2000 – 2013 augure d’un certain ré-enclavement clermontois relativement aux autres métropoles. La liaison par Ligne à Grand Vitesse, principal déterminant métropolitain dont bénéficient la majorité des métropoles régionales, ignore Clermont-Ferrand et ce irrémédiablement. En 2023 est acté le report du projet à un horizon indéterminé.

Le « coup d’après » était en réalité envisagé de manière interterritoriale.  La perspective du Grand Clermont (créé en 2003) dont le SCoT de 2010 ambitionnait de porter la question de l’aménagement du territoire à l’échelle de 4 intercommunalités a nettement conditionné l’élaboration du PDU de 2011 qui comportait un schéma multimodal des déplacements pour le Grand Clermont. Ces documents, jugés dans leurs évaluations à posteriori « inapplicables », envisageaient outre un prolongement du tramway, la création d’un « RER clermontois » reliant Riom, Clermont-Ferrand et Cournon d’Auvergne, dans l’optique de régulation de l’urbanisation. Ce dynamisme interterritorial a néanmoins manqué de portage politique pour être traduit opérationnellement.

Le défaut de portage politico-stratégique à l’échelle du Grand Clermont tient à la concomitance entre cette ambition interterritoriale et l’accélération des constructions intercommunales. Consécutives aux Lois Voynet et Chevènement, celles-ci ont également été fortement incitées par le Département du Puy-de-Dôme. Ces institutions nouvelles plus soucieuses de « faire projet » « au-dedans » qu’au dehors ont donc construit dans un premier temps des stratégies, dont de mobilités, à l’échelle de leurs PTU (créé en 1982 pour Riom). Surtout, ces intercommunalités se sont construites selon un modèle « défensif » vis-à-vis de la communauté d’agglomération de Clermont-Ferrand, nourries d’une méfiance vis-à-vis des « métropoles » et d’antagonismes politiques.

Ces incertitudes multiples expliquent pour partie le relais au second plan de l’agenda politique de la question des mobilités, jusqu’au début de la décennie 2010.

3 – Depuis 2014, un nouveau cycle : vers une stratégie « métropolitaine » des mobilités

L’élection en 2014 d’Olivier Bianchi à la Mairie de Clermont-Ferrand et à la présidence de la Métropole ouvre un nouveau cycle de l’action métropolitaine, moins « clermonto-clermontoise » en embrassant l’ensemble du périmètre institutionnel métropolitain, comme une tentative d’asseoir la bonne échelle pour résoudre les enjeux territoriaux. Les mobilités sont au cœur de cette ambition.

Par la création d’un réseau de transports en commun et de mobilités douces d’échelle et d’envergure métropolitaine, le SMTC se dote d’une feuille de route 2016-2032, qui préfigure le déploiement d’une nouvelle offre de transports à horizon 2032 (date de péremption de l’homologation des rames de tramway pneumatiques). Concrètement cette action s’est traduite par la reconfiguration du réseau SMTC, le projet InspiRe élaboré de 2016 à 2023, qui marque une rupture à plus d’un titre. La ligne de tramway A se voit complétée de deux nouvelles lignes structurantes de « bus-tram » qui sont prolongées au-delà de la frontière symbolique de l’A75 pour desservir l’est de la Métropole. La ligne B desservant notamment la gare de Clermont-Ferrand, réparant pour partie l’anomalie de l’absence d’intermodalité réseau local – réseau national.

Dans le même temps, ce nouveau réseau évite le monotropisme clermontois en déployant un ensemble de lignes en rocades autour de la ville-centre, de « périphérie à périphérie ». Enfin, le tramway avait initié un vaste projet urbain au cœur de Clermont, le nouveau réseau InspiRe s’accompagne d’un ensemble de projets d’espaces publics et de voirie (intégrant notamment les modes actifs) impliquant une planification et une stratégie foncière d’envergure métropolitaine. InspiRe constitue un vrai changement d’échelle, dépassant le cadre clermonto-clermontois qui prédominait jusque-là, pour intégrer l’ensemble du périmètre institutionnel du SMTC.

Ce nouveau cycle se caractérise également par une certaine conflictualisation sociale des enjeux de mobilités, à l’aune notamment de la transition écologique. L’opposition entre d’un côté le « tout voiture » dominant au sein de l’aire d’influence clermontoise, et la transition mobilitaire progressive du cœur métropolitain de l’autre est mise en avant. La Métropole a engagé en effet un ensemble de projet concourant à réduire la place de la voiture dans les déplacements en offrant des alternatives (Schéma cyclable, parking-relais, réseau InspiRe), en réduisant sa place dans l’espace public (piétonnisation, voies cyclables, réduction du stationnement, etc.) et en révisant la circulation au sein du centre-ville en transformant les pénétrantes en rocades. Les travaux engagés suscitent naturellement des difficultés de circulation et des embouteillages nourrissant les conflits. Ces mesures sont parfois considérées comme relevant d’une posture défensive de la « métropole » vis-à-vis des outsiders automobilistes. Un ensemble de conflits de transition intègrent donc l’agenda métropolitain, et font émerger la nécessité d’une politique de mobilités partagées à une échelle interterritoriale et plus pertinente au regard des pratiques des ménages.

Dans ce sens, la candidature SERM acte enfin d’un certain alignement des planètes et des agendas entre l’Etat, la Région Auvergne Rhône-Alpes, cinq Autorités organisatrices des mobilités (SMTC, Vichy Communauté, Riom Limagne et Volcans, SM-TUT, Agglomération Pays d’Issoire) dans la perspective d’une amélioration de l’offre de transports en commun (amélioration de l’offre ferroviaire, cadencement, développement d’une offre de car express, etc.). L’enjeu étant d’offrir aux ménages une alternative au « tout voiture » à l’échelle du bassin de vie, tout en contribuant à la structuration de l’aménagement de l’espace métropolisé clermontois.

Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus générale d’ouverture interterritoriale. La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM, 2019) offrant la possibilité aux intercommunalités de porter la compétence mobilité et transport en devenant autorité organisatrice des mobilités (AOM) a confronté les territoires à leur capacité réelle de portage d’une telle compétence, en matière d’investissement notamment. La stabilisation des périmètres intercommunaux, l’apaisement des postures « défensives » ouvrent la voie d’un ensemble de dispositifs de coopération inter-territoires, en matière de mobilités notamment. Le SMTC en est l’un des outils en travaillant avec les intercommunalités voisines à leur adhésion au syndicat (Mond’Arverne Communauté), ou de manière ponctuelle sur des projets précis.

La nouveauté de ce cycle tient donc au changement d’échelle de l’investissement relationnel de l’institution métropolitaine. Au-dedans priment la concertation des publics et des mondes associatifs, et l’ouverture vers les maires ; au-dehors une posture coopérative à plusieurs échelles mais articulée autour de l’objectif de transition des modes de vie du bassin de vie.

RENCONTRE – POPSU Métropoles et POPSU Transitions – 2 Avril

En 2018 est lancé le programme national de recherche-action POPSU Métropoles, auquel Clermont Auvergne Métropole, tout juste créée par la loi, choisit de participer. Car, au-delà du changement de statut, c’est bien une nouvelle trajectoire territoriale intégrant pleinement le processus de métropolisation qu’il s’agit de documenter et de penser.

Un premier volet du travail de la plateforme clermontoise, déjà valorisé, portait alors logiquement sur l’attractivité de la Métropole, attractivité dont on connaît la place centrale dans une idéologie aménagiste alors très orientée compétitivité et croissance.

Le second volet portera lui sur les sols en régime de métropolisation et assumera une perspective plus exploratoire à la fois historique, géographique et sensible, où il sera autant question de développement et de valorisation foncière que d’attachements et de fragilités écologiques. C’est ce second volet qui sera mis en scène lors de la première séquence de cette rencontre.

En 2024, fait suite à ce premier programme de recherche-action, POPSU Transitions : changement de nom, mais aussi d’esprit : les espaces métropolisés sont invités à interroger leur habitabilité, à anticiper les vulnérabilités occasionnées par le changement global et à contribuer à la conception de politiques de transitions, moins captatrices de ressources et plus coopératives. Clermont Auvergne Métropole choisit de poursuivre son investissement, et fort de l’intérêt et de la dynamique collective associés au projet de capitale européenne de la culture, choisit d’investiguer la dimension culturelle des transitions.

Cette dimension, déjà présente dans le travail mené sur les sols, adopte une tout autre perspective. Il ne s’agit plus d’approcher l’impact culturel de la métropolisation – sur les sols en l’occurrence – mais d’opérer une sorte de « tournant culturel » et de se demander comment la culture et ses acteurs pourraient contribuer, activement, aux transitions à mettre en oeuvre pour faire territoire dans l’anthropocène. C’est à la présentation de cette nouvelle enquête que la deuxième séquence de cette rencontre sera consacrée.

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PROGRAMME

(Télécharger le programme en pdf)

8H45 – 9H00 // ACCUEIL

9H00 – 9H15 // MOTS D’INTRODUCTION

– Olivier Malclès, Directeur de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand
– Grégory Bernard, Président de l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif

9H15 – 11H // SÉQUENCE 1 : COMMENT FAIRE MÉTROPOLE PAR L’APPROPRIATION DE SES SOLS ?

Conclusion de la plateforme POPSU Métropoles de Clermont Auvergne Métropole
En 2018, Clermont-Ferrand ne change pas seulement de statut, mais par son projet s’inscrit pleinement dans un processus de métropolisation qui, loin d’être « hors-sol » s’inscrit dans le temps long et la réalité territoriale. Ses répercussions dans les manières d’habiter, donc d’occuper les sols, autrement dit de les transformer, valoriser, préserver, parfois délaisser, voire malmener sont substantielles. Ces sols conçus à la fois comme ressources convoitées et milieux fragiles, supports d’attachement tant mémoriels que sensibles et objets de conflits d’usage portent des traces riches d’enseignement et de capacité d’action dont l’exploration dans ce projet de recherche est fertile au moment de l’atterrissage du PLU métropolitain.

– Géraldine Texier Rideau, Amélie Flamand, David Robin (Chercheurs à l’UMR Ressources, ENSACF – UCA) : Faire métropole par les sols habités – Trajectoire clermontoise : vers une stratégie foncière
– Jean-Dominique Prieur (Chercheur à l’UMR Ressources, ENSACF – UCA) : Explorer par la marche les sols des lisières métropolitaines

11H00 – 11H30 // PAUSE

11H30 – 12H30 // SÉQUENCE 2 : QUELLES CULTURES POUR S’ADAPTER AU CHANGEMENT GLOBAL ET RECOMPOSER NOS TERRITOIRES DE VIE ?

Lancement de la plateforme POPSU Transitions de Clermont Auvergne Métropole
Le changement global auquel nous sommes confrontés relève d’une transformation profonde des conditions d’habitabilité de la planète. Chaque territoire se retrouve dans une nécessité de repenser ses trajectoires de développement. La culture par ses pratiques à l’oeuvre dans les territoires métropolitains et ruraux peut-elle être un nouveau pivot d’un dialogue territorial qui autoriserait à recomposer nos modes de vie dans une plus grande acceptation des liens entre humains, non humains ?

– Isabelle Lavest, Vice-Présidente en charge de la Politique culturelle de Clermont Auvergne Métropole (sous réserve)
– Guillaume Lacroix, Directeur du programme POPSU Transitions
– Laurent Lelli, Directeur du Campus AgroParisTech et Chercheur à l’UMR Territoires

Présentation de la plateforme POPSU Transitions et du collectif de chercheurs mobilisés : Bernard Alix, Emmanuel Bonnet, Pierre Cornu, Hervé Davodeau, Cécile Ferrieux, Marie-Hélène Gay-Charpin, Serge Lhermitte, Guillaume Meigneux, Philippe Sahuc.

12H30 – 13H30 : DÉJEUNER

13H30 – 15H45 // SÉQUENCE 3 : L’ACTION CULTURELLE : UN LEVIER MAJEUR POUR LA RÉORIENTATION ÉCOLOGIQUE DES TERRITOIRES MÉTROPOLITAINS ET RURAUX ?

Les points de vue d’acteurs culturels en situation
Affirmer l’importance de l’action culturelle pour la réorientati on écologique en ces temps agités où elle semble de plus en plus fragilisée pourrait relever de la gageure. Pourtant à bien y regarder, l’action culturelle, qu’elle relève du secteur culturel, de l’éducation ou de la fabrique territoriale, constitue un soubassement puissant et original des politiques territoriales métropolitaines et rurales, donc de leur capacité de bifurcation.

– Fred Sancère, Directeur de Derrière Le Hublot
– Sandrine Rebeyrat, Directrice de l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole
– Stéphane Cordobes, Directeur de l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central

15H45 – 16H15 // SÉQUENCE 4 : CONCLUSION

– Marie Christine Jaillet, Directrice scientifique POPSU Transitions : Quelles attentes pour le
programme POPSU Transitions ?
– Laurent Lelli, Directeur du Campus AgroParisTech et Chercheur à l’UMR Territoires – Responsable scientifique du programme POPSU Transitions Clermont Auvergne Mé tropole : Perspectives à venir sur la plateforme clermontoise

Le Plan de Mobilité Simplifié de Vichy Communauté : un nouveau cap pour les mobilités

Le 12 décembre 2024, Vichy Communauté a adopté son Plan de Mobilité Simplifié (PdMS), qui vise à définir pour les dix prochaines années les orientations en termes de mobilité.

Vichy Communauté s’étend sur un vaste territoire – 39 communes – regroupant près de 85 000 habitants. Ce territoire est composé d’un cœur urbain autour de Vichy, de 3 pôles d’équilibre (Le Mayet-de-Montagne, Saint-Germain-des-Fossés et Saint-Yorre) et de villages situés en zones périurbaine ou rurale.  La communauté d’agglomération couvre la quasi-totalité de l’aire d’attraction de Vichy, telle que définie par l’INSEE au regard de l’intensité des relations domicile-travail. Dans sa partie Est, un certain nombre de petites communes se situent en zone rurale. Les réponses travaillées dans le cadre du PdMS ont donc dû couvrir une extrême diversité de situations : mobilités urbaines au sein d’une ville densément peuplée (Vichy), mobilité d’échanges entre un pôle urbain d’une ville moyenne et sa périphérie et mobilités en zone peu dense de moyenne montagne.

Le PdMS, outil de planification des mobilités pour les villes moyennes et les territoires ruraux

Dès les années 1980, les grandes agglomérations (plus de 100 000 habitants) se sont dotées de Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui visaient à l’organisation du transport des personnes et des marchandises, ainsi que de la circulation et du stationnement. Au fil du temps, ces documents ont participé à la transformation des systèmes de mobilités des grandes agglomérations qui se sont dotées de divers services de mobilité : tramway, bus, parking relais, itinéraires cyclables structurants, ….

Pour les territoires de plus petite taille, plusieurs options étaient possibles : élaborer un PDU volontaire (avec pour corollaire le respect du cadre réglementaire), réaliser un plan s’inspirant des orientations des PDU – désigné sous le vocable de Plan Global de Déplacements – ou encore élaborer un plan de mobilité rurale, selon la définition de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015).

La loi d’orientation des mobilités (2019) a redéfini les outils juridiques visant à la mise en œuvre d’une politique de mobilité locale en distinguant, d’une part, le plan de mobilité obligatoire pour les grandes agglomérations (ex PDU) et d’autre part, le plan de mobilité simplifié (PdMS), qui est une démarche volontaire, à destination des villes moyennes et des territoires ruraux. Ce document dispose d’un cadre juridique simplifié permettant une plus grande souplesse dans sa déclinaison et une adaptabilité aux enjeux de chaque territoire.

A l’échelle d’une autorité organisatrice des mobilités (qui correspond en général au périmètre d’une agglomération), le PdMS vise à traiter de l’ensemble des mobilités, en prenant en compte les différentes composantes du territoire et en visant à faciliter la mobilité de tous les publics. Ce plan est élaboré dans le cadre d’un dialogue interacteurs incluant notamment l’Etat, la Région, les communes ou encore les territoires voisins avec lesquels des liens fréquents sont entretenus.

Une démarche partenariale pour répondre à de multiples défis

Suite au projet d’agglomération « Agir 2035 », Vichy Communauté souhaitait à la fois accroitre son attractivité territoriale, garantir une meilleure qualité de vie pour tous, lutter contre le changement climatique et reconquérir les bourgs : autant d’enjeux qui rendent nécessaire un questionnement approfondi des mobilités. Le PdMS de Vichy Communauté doit ainsi contribuer à transformer un système de mobilité qui repose actuellement, de façon trop importante, sur le modèle du « tout voiture ». Il s’agit de proposer un nouveau modèle qui permette de répondre à différents défis : accessibilité pour tous les publics, pollution, sécurité, santé ou atténuation du changement climatique.

Vichy Communauté a souhaité confier la réalisation du PdMS à l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central (AUCM). Pour mener à bien ce projet qui dépasse les seules compétences d’une agglomération, Vichy Communauté et l’AUCM ont constitué un comité des partenaires associant des élus communautaires, représentants la diversité des territoires (cœur urbain, pôles d’équilibre, pôles de proximité), et des techniciens de Vichy Communauté, de la Région Auvergne Rhône-Alpes et de la Direction Départementale des Territoires (DDT).

L’élaboration de ce plan est passé par quatre étapes :  l’élaboration du diagnostic, incluant une consultation des habitants via un questionnaire, la définition et le partages des enjeux, l’élaboration du programme d’actions, puis la réalisation du rapport.

Vers des solutions de mobilité adaptées et décarbonées pour chaque habitant et chaque territoire

Le comité des partenaires a défini une ambition générale autour du développement de solutions de mobilité adaptées et décarbonées pour chaque habitant et chaque territoire.

La décarbonation des mobilités passe notamment par des conditions plus favorables à l’usage des modes actifs : développement de la pratique du vélo, plus grande place aux piétons, aménagement des zones à faible vitesse. D’autres actions visent à favoriser le verdissement des parcs de véhicules routiers (renouvellement du parc d’autobus de la collectivité, déploiement de bornes de recharge, …) et à promouvoir de nouveaux usages comme le covoiturage. Cela nécessite d’accompagner les changements de comportements, notamment dans le cadre de Plan de Mobilité des entreprises et d’assurer une plus grande coordination entre les actions des différents partenaires en charge des mobilités.

L’agglomération est attentive à maintenir un équilibre territorial, en menant des projets de mobilité pour l’ensemble des espaces quels que soit leur type. Au sein de Vichy Communauté, il s’agit notamment d’améliorer les transports collectifs (bus et transport à la demande), tout en veillant aux équilibres budgétaires. Dans ce cadre, des optimisations sont à rechercher avec les transports interurbains (car et train), tout en proposant un tarif unique, quel que soit le mode utilisé dans le territoire de l’agglomération. En outre, le renforcement des connexions avec les métropoles voisines est également attendu : un accès facilité à Clermont-Ferrand dans le cadre du futur Service Express Régional Métropolitain (SERM) et des liaisons ferroviaires plus performantes avec Paris et Lyon.

Vichy Communauté souhaitait également mettre l’accent sur le volet solidaire des mobilités. Dans un territoire diffus – en dehors du pôle urbain de Vichy, Cusset, Bellerive – il apparait nécessaire de repenser les services pour répondre aux difficultés de mobilité des séniors, des jeunes et des personnes en situation de précarité économique. Le développement de services « allant vers le domicile » (commerces et services ambulants) ou encore la mise en accessibilité de l’espace public doit bénéficier aux séniors. Le développement d’une autonomie de mobilité par l’usage du vélo (programme d’action ciblant notamment l’apprentissage du vélo à l’école) et des services de transports publics constituent un levier pour les jeunes. Enfin, le développement d’un maillage en « stations mobilité » permettant d’emprunter voiture, voiture sans permis ou vélo ou encore l’instauration d’un transport d’utilité sociale (transport sans but lucratif porté par une association aidant les personnes les plus empêchées en termes de mobilité) visent à apporter des réponses aux publics généralement exclus des mobilités.

Le pari de Vichy Communauté en matière de mobilités reste néanmoins réaliste. La voiture continuera à jouer un rôle notamment pour les déplacements entre communes périphériques ou encore pour les déplacements sur certaines plages horaires. Néanmoins, il s’agit d’aider les habitants, les acteurs économiques, les touristes à réduire leur dépendance à la voiture. Cela ouvre le champ à de nouveaux modèles de mobilité, notamment pour les déplacements au sein des zones périurbaines et rurales. Il s’agira en particulier d’impulser des changements de comportement par rapport à l’usage de la marche ou du vélo au sein de chaque village (rendre agréable et sécure l’usage de ces modes pour se déplacer au sein d’un bourg), d’apporter de nouvelles solutions de mobilité au travers d’un service d’autopartage (maillage du territoire par des « stations mobilité ») ou encore de développer des solutions pour les personnes peu mobiles au travers du transport à la demande et du transport d’utilité sociale. Au-delà de l’évolution des services de mobilité, ce changement dans les pratiques de déplacements dépend des transformations dans la conception des quartiers. Les projets du quartier du Lac à Vichy ou le programme « Petites Villes de Demain » à Saint-Germain-des-Fossés visent à mieux articuler le lien urbanisme / déplacements en proposant une conception plus propice à la proximité entre habitat et service du quotidien d’une part et un accès facile à la mobilité ferroviaire d’autre part.