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Mieux connaître les jeunes pour bien les accompagner : un diagnostic pour parfaire les politiques locales de Riom Limagne et Volcans

Alors que de profonds bouleversements traversent nos sociétés et rendent l’avenir incertain voire anxiogène, bien accompagner, et donc mieux connaître la jeunesse de son territoire constitue un enjeu pour les collectivités locales. Cette connaissance fine est l’une des clés pour conduire des politiques adaptées à ce public et proposer des structures d’accompagnement pertinentes, qui permettent à la jeunesse de s’inscrire pleinement dans la société. Quel accompagnement, quels services proposer aux plus de 14 000 jeunes de 10 à 29 ans (soit près d’un habitant sur cinq) présents sur le territoire de Riom Limagne et Volcans confrontés à des situations très diverses, en matière de parcours scolaire, d’emploi, de mobilité, de parcours résidentiel, de santé, … ? 

Dans le cadre du renouvellement du label Information Jeunesse de « RLV Info Jeunes », Riom Limagne et Volcans (RLV) a confié la réalisation d’un diagnostic de la jeunesse de son territoire à l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central (AUCM).  

Ce diagnostic a pour objectif de mieux connaître les jeunes de 11 à 29 ans inclus, public susceptible de fréquenter RLV Info Jeunes. Il aborde, dans la limite des données disponibles, les thématiques sur lesquelles RLV Info Jeunes accompagne les jeunes au quotidien : orientation, formation, emploi, mobilité, logement, santé, sport, citoyenneté…. En complément de l’approche statistique, l’AUCM a animé deux focus groups avec une dizaine de jeunes du territoire [1], afin de compléter l’analyse chiffrée d’éléments qualitatifs liés à leur vécu et à leur perception de leurs difficultés. Enfin, une enquête en ligne auprès des partenaires de RLV Info Jeunes [2] complète utilement la connaissance des accompagnements proposés aux jeunes du territoire. Ces différents points de vue sur les besoins d’accompagnement des jeunes convergent-ils ? Que suggèrent-ils en termes d’action publique ? 

La santé mentale, l’accès au premier logement et l’accès à l’emploi, des difficultés bien identifiées par les jeunes et les partenaires 

Bien que les jeunes de RLV aient un taux de recours aux soins de proximité supérieur ou équivalent aux moyennes régionales et départementales, les partenaires de RLV et les jeunes eux-mêmes mettent en avant un fort besoin d’accompagnement. Les jeunes rencontrés lors des focus groups estiment manquer d’informations sur la manière de prendre soin de leur santé et sur les aides et les dispositifs financiers dont ils peuvent bénéficier. Ce manque est d’autant plus dommageable que les jeunes rencontrés se disent tous sujet au stress. La fragilité de la santé mentale des jeunes est également bien identifiée par les partenaires enquêtés qui précisent être confrontés à des situations de dépression, d’anxiété, de troubles du comportement alimentaire, en raison de la pression sociale, scolaire et familiale. La santé mentale des jeunes est ainsi un sujet d’inquiétude partagé et tous s’accordent sur la nécessité de mettre en place une politique d’accompagnement psychologique ou psychiatrique pour cette population. 

Autre difficulté identifiée par l’ensemble des partenaires et les jeunes eux-mêmes, et confirmée par le diagnostic statistique : l’accès à un logement autonome au sein du parc locatif privé. Alors que ce choix est privilégié par les jeunes de RLV, ceux-ci rencontrent des obstacles à leur décohabitation, obstacles souvent rencontrés par l’ensemble de la population jeune, à cause de leurs faibles ressources financières, de l’absence de garant et de la méfiance des propriétaires-bailleurs vis-à-vis d’un public jugé peu solvable. Sur le territoire de RLV, les ménages de moins de 30 ans disposent en moyenne de 435 €/mois pour se loger (33% de leur revenu [3]) quand le loyer médian est de 497 €/mois hors charges pour un appartement. Les partenaires et les jeunes rencontrés s’accordent également sur la faible connaissance des aides au logement, des modalités d’accès à un logement au sein du parc locatif privé ou sur la manière d’organiser leur recherche. Sur ce dernier point, beaucoup comptent sur le soutien de leur famille pour trouver ce logement. L’absence d’aide familiale pour accéder au logement est d’ailleurs identifiée par les partenaires comme une autre difficulté pour certains jeunes.  

Concernant l’accès à l’emploi ou à la formation, selon les données statistiques, les jeunes accèdent progressivement à l’emploi à partir de 20 ans, d’abord en contrat court et au fur et à mesure de leur avancement en âge, à des contrats de plus longue durée [4]. Les jeunes expriment pour leur part des difficultés d’accès au premier emploi, liées notamment à leur méconnaissance des codes de la recherche d’emploi : ils s’estiment peu formés à l’écriture d’un CV, d’une lettre de motivation et peu préparés aux entretiens d’embauche, difficultés que confirment les partenaires de RLV Info Jeunes dans l’enquête. 

Des problématiques de mobilité sous-estimées par les partenaires de RLV Infos Jeunes, mais confirmées par les jeunes 

51.5% des jeunes de Riom Limagne et Volcans habitent Riom, Châtel-Guyon, Mozac et Volvic, soit relativement proches de leurs lieux d’études, d’emploi et de loisirs. Leurs trajets, bien que plus courts en distance et en temps que les jeunes logés en dehors du cœur urbain, restent relativement longs (respectivement 13,4 km/jour et 44 mn/jour contre 34,2 km/jour et 67 mn/jour) [5]. Pour autant, la voiture – qu’ils en soient le conducteur ou le passager – est le premier mode de déplacement auquel ont recours l’ensemble des jeunes du territoire : 57 % des déplacements des 10-29 ans. 

Les jeunes rencontrés en focus group confirment globalement leurs difficultés de mobilité. Ceux qui habitent le cœur urbain s’estiment relativement autonomes, et se déplacent à pied, à vélo ou en transports en commun. Pour eux, les empêchements apparaissent s’ils veulent aller au-delà de ce périmètre de proximité. Les jeunes des communes plus rurales, confrontés à une offre de transport en commun plus faible, sont beaucoup plus contraints dans leurs déplacements. Ils dépendent de leur entourage pour se déplacer, et se retrouvent pénalisés dans l’accès au premier emploi, aux lieux de loisirs ou d’études trop éloignés de leur domicile. Pour ces jeunes, l’obtention du permis de conduire revêt un fort enjeu d’autonomie et de liberté de déplacement. 

Alors que les chiffres et les témoignages des jeunes se rejoignent autour de ces difficultés de mobilité quotidienne, les partenaires de RLV Infos Jeunes estiment malgré tout que les jeunes rencontrent peu de difficultés pour effectuer leur trajet domicile-lieu d’études/d’emploi. S’ils reconnaissent la faiblesse de l’offre de transport en commun, le manque de ressources financières pour passer le permis de conduire et l’absence de moyen de locomotion personnel, les structures partenaires de RLV Infos jeunes font le constat que ces difficultés n’empêchent finalement pas les jeunes de se déplacer majoritairement en transport en commun, à pied ou en voiture dont ils sont le conducteur ou le passager. 

 Des politiques pour la jeunesse nécessairement transversales

La mission conduite par l’AUCM a permis d’objectiver les situations rencontrées par les jeunes et de prendre en compte les points de vue des différents acteurs de l’accompagnement et des jeunes eux-mêmes. Les difficultés rencontrées par cette population (accès au logement, accès à l’emploi, capacité de déplacement, accès aux soins) étant dépendantes les unes des autres, le diagnostic confirme la nécessité de penser les politiques en transversalité, afin de répondre au mieux aux besoins des jeunes. Cette approche devrait renforcer les capacités collectives à agir pour la jeunesse, consolidant ce faisant la robustesse des politiques locales en matière de transition. 

Quelle culture pour prendre soin de nos territoires de vie ?

En fragilisant nos sociétés et milieux naturels, le changement global nous met au pied du mur : nous allons devoir adapter nos modes de cohabitation et d’aménagement. L’enjeu n’est plus seulement d’interroger le « tout croissance et développement » mais de réparer et de prendre soin de nos territoires de vie. Assurément la promesse d’une révolution culturelle qui engagera non seulement nos régimes d’action et de savoir, mais également nos sensibilités et attachements : qui doute encore de la nécessité de renouveler nos récits communs, nos imaginaires, nos désirs, etc., en un mot tout ce qui affectivement et symboliquement nous lie.

Comment les acteurs culturels se préparent-ils à endosser ce nouveau rôle ? Quelles coopérations entre acteurs culturels et territoriaux se dessinent ?

L’AUCM vous donne rendez-vous le 22 janvier au Lieu-Dit !

  • Partage d’expériences et témoignages d’acteurs qui font du soin et de la culture des leviers de bifurcation écologique
  • Conférence-débat « Soigner les territoires : chiche ! » par Michel Lussault
  • Vœux de l’AUCM, en présence de Gregory Bernard, Président de l’AUCM

Entrée libre, sur inscription.

Au bénéfice de la santé de ses habitants, Clermont Auvergne Métropole étend sa Zone à Faibles Emissions de polluants

Au 1er janvier  2025, à la suite du vote du conseil métropolitain, la Zone à Faibles Emissions – mobilité (ZFE – m) de Clermont-Ferrand concernera l’ensemble du périmètre métropolitain. Dès lors, les véhicules professionnels – camions et véhicules utilitaires légers- les plus âgés (véhicules d’au moins 23 ans) ne pourront plus circuler au sein de l’agglomération clermontoise : un bouleversement dans les pratiques de mobilité des artisans et des professionnels.   

Quels effets entraînerait plus précisément cette mesure ? Pour préparer ce changement et aider à la prise de décision politique, Clermont Auvergne Métropole a missionné l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central pour estimer les impacts socio-économiques de l’extension du périmètre de la ZFE-m. En complément, le Cerema et Atmo Auvergne Rhône-Alpes ont réalisé une étude sur les bénéfices en termes de qualité de l’air.  

La pollution de l’air reste une préoccupation majeure de santé publique

La nécessité de lutter contre la pollution de l’air a conduit il y a près de trente ans à la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (Loi LAURE, 1996), avec une mesure phare dans le domaine des mobilités : l’instauration des Plans de Déplacements Urbains dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. En incitant au développement d’alternatives à la voiture, ces plans ont participé à l’amélioration de la qualité de l’air. Ainsi, depuis 2000, des baisses notables d’émissions de polluants et notamment les concentrations en oxydes d’azote (-60%), principalement produites par le trafic routier, sont constatées [1]. Néanmoins, la qualité de l’air dans les grandes agglomérations peut encore être améliorée au bénéfice de la santé des habitants. La pollution atmosphérique reste responsable d’environ 40 000 décès par an à l’échelle nationale [2] et un grand nombre de villes ont des teneurs en polluants régulièrement supérieurs aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, celles-ci étant nettement plus basses que les seuils en vigueur au niveau de l’Union Européenne. À titre d’exemple, sur les dioxydes d’azote, les valeurs limites européennes actuelles sont de 40 microgrammes par mètre cube (µg/m³) alors que la recommandation de l’OMS est de 10 µg/m³.  

Les lois d’orientation des mobilités (2019) et “Climat et Résilience” (2021) poursuivent cet objectif d’amélioration de la qualité de l’air à travers le déploiement d’un nouvel outil, les Zones à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m), rendues obligatoires dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, dont celle de Clermont-Ferrand.  

Objectifs des ZFE-m : Clermont Auvergne Métropole opte pour la lisibilité

Une Zone à Faibles Emissions – mobilité est un secteur géographique où la circulation des véhicules les plus polluants est restreinte afin de diminuer les émissions de polluants atmosphériques, améliorer la qualité de l’air locale, et ainsi réduire les impacts de la pollution sur la santé des habitants et des autres usagers séjournant au sein du secteur concerné. Chaque collectivité est libre de définir le périmètre d’application (territoire plus ou moins étendu), les périodes de mise en œuvre (en permanence ou « en journée » seulement) et les véhicules concernés (tous véhicules ou seulement les camions et les véhicules utilitaires légers). Cette adaptabilité des mesures de restriction de circulation à chaque agglomération doit permettre une meilleure efficacité et acceptabilité locale de la mesure.  

Au regard des obligations de la loi “Climat et Résilience”, le périmètre de l’actuelle ZFE-m mis en place depuis juillet 2023 sur une partie de la commune de Clermont-Ferrand doit s’étendre à un périmètre couvrant au moins la moitié de la population de l’agglomération à compter du 1er janvier 2025. Afin de “gagner en lisibilité”, les élus métropolitains ont porté l’extension de ce périmètre à l’ensemble de la métropole. Les véhicules concernés restent par ailleurs inchangés : seuls les camions, fourgons et fourgonnettes « non classés » (soit des véhicules âgés d’au moins 23 ans) sont concernés par la mesure. A noter que dans certains cas, ces véhicules pourront bénéficier de dérogations temporaires pour permettre une meilleure adaptation des acteurs économiques du territoire au nouveau dispositif.  

Si l’objectif de santé publique est largement partagé, la perspective d’une restriction de circulation sur l’ensemble de la métropole clermontoise pour les professionnels équipés de véhicules anciens suscite des inquiétudes que l’étude sur les impacts socio-économiques a tenté d’analyser.  

Un impact différencié selon les activités, qui dépasse les frontières métropolitaines

La métropole clermontoise constitue le poumon économique du département puisqu’elle concentre 50% des établissements et 60% des emplois du Puy-de-Dôme. En outre, 45% des entreprises du département ont des rayons d’intervention dépassant les 50 km et sont amenées à fréquenter régulièrement le territoire.  

L’instauration de la Zone à Faibles Emissions – mobilité (ZFE-m) sur les 21 communes de Clermont Auvergne Métropole à compter du 1er janvier 2025 interdira possiblement la circulation d’environ 10% du parc des véhicules professionnels (poids lourds et véhicules utilitaires légers). La mesure devrait concerner ainsi environ un millier de véhicules immatriculés dans des entreprises localisées sur le territoire de Clermont Auvergne Métropole (Estimation haute, car utilitaires légers appartenant à des professionnels ou à des particuliers sont difficilement différenciables). Elle touchera par ailleurs les véhicules professionnels non classés d’entreprises extérieures à la métropole. Ainsi, les mesures de régulation de circulation au sein de la métropole, découlant de l’instauration de la ZFE-m, devraient avoir un impact bien au-delà des limites administratives de celle-ci.  

L’étude met cependant en évidence un impact différencié de la mesure selon la nature de l’activité et des véhicules. Ainsi, les activités du transport, de la logistique ou du commerce de gros seront plus sensibles car elles ont besoin de plus de mouvements de marchandises que des entreprises de services.  De la même façon, les secteurs du BTP ou du commerce de gros, qui utilisent des camions et camionnettes, sont potentiellement plus concernés que les entreprises de services ou le commerce de détail qui peuvent recourir à des voitures particulières (non concernées par la ZFE-m), voire des vélos.  

Une tendance au renoncement et des règles du jeu mal connues  

Une enquête en ligne réalisées par les milieux économiques (Chambre de commerce et d’industrie et Chambre des métiers et de l’artisanat) révèle que la moitié des entreprises du département ayant répondu se rendent à Clermont-Ferrand et la périphérie sud-est (Aubière, Cournon…) plusieurs fois par semaine, quel que soit leur domaine d’activité. Les acteurs économiques sont nombreux à penser qu’ils vont connaître des difficultés à s’adapter à la ZFE-m. Dans ce contexte, les entreprises semblent plus enclines à renoncer à un client (43% des sondés envisagent cette possibilité) ou à un fournisseur (35%)   qu’à agir sur leur parc de véhicules (25% des répondants pensent changer de véhicules). Ainsi, l’élargissement de la ZFE-m suscite davantage le renoncement, qu’un effet significatif sur les intentions de renouvellement des véhicules concernés par la mesure.  

Afin d’encourager ces renouvellements, Clermont Auvergne Métropole a mis en place depuis juin 2023 un dispositif d’accompagnement des entreprises afin d’aider les professionnels à changer de véhicules (une aide globale d’environ 60 000 € par an, à raison de 2 000 à 3 000 euros par véhicule), en complément des aides d’Etat. Néanmoins, le dispositif d’aides de la Métropole reste peu connu (seulement 2 véhicules ont bénéficié de subventions en 2023). En outre, les acteurs économiques installés hors de la mMétropole ne peuvent y prétendre, alors que leurs véhicules sont  souvent plus anciens. Enfin, le récent décret n°2024-1084 du 29 novembre 2024 relatif aux aides à l’achat ou à la location de véhicules peu polluants réduit l’incitation en confirmant la suppression totale du bonus écologique pour acquérir des véhicules utilitaires électriques.  

La ZFE-m prévoit également des dérogations en direction des professionnels qui ne pourraient pas renoncer à l’usage de leur véhicule non classé. Cependant, le dispositif semble, là encore, mal connu. Ces dérogations sont par ailleurs temporaires et ciblent des véhicules spécifiques (bétonnière, camion de commerces ambulants, engins de travaux publics…) ou encore les véhicules détenus par le tissu associatif.  

Pour faciliter et accompagner l’adaptation des entreprises à l’extension du périmètre de la ZFE-m et assurer ainsi une meilleure qualité de vie en ville, il apparaît ainsi opportun de mieux faire connaître les aides et les dérogations auprès des acteurs économiques. Plus globalement, il s’agira de susciter chez les professionnels une adaptation plus profonde, basée sur de nouvelles pratiques de mobilité. Les particuliers seront, eux aussi, amenés à modifier leurs pratiques de mobilité au sein de la mmétropole, en lien avec le projet INSPIRE.   

« Nous devons comprendre ce qui change plutôt que de figer les représentations » – Entretien avec Martin Vanier

Dans “Le Temps des liens – Essai sur l’anti-fracture”, paru en janvier 2024, Martin Vanier prend à rebours la pensée dominante sur les fractures territoriales. “Communs territorialisés”, reliance, processus de médiation, le géographe nous invite à reconsidérer la fabrique territoriale.

Invité : Martin Vanier, géographe, professeur à l’Ecole d’urbanisme de Paris
Discutant : Stéphane Cordobes – Directeur général de l’AUCM

Mozac : imaginer une Maison de la nature et de l’environnement (MNE) pour accompagner les transitions de manière solidaire

Apparues en France à la fin des années 1970, les Maisons de la nature ont vu le jour dans un contexte de prise de conscience grandissante des enjeux environnementaux, tant au niveau national que local. Leur essor s’est poursuivi dans les années 1980 et 1990, à travers des formes variées et des appellations multiples. Initialement centrées sur la préservation et la valorisation de l’environnement, ces structures doivent désormais adapter leurs missions pour répondre aux défis du changement global. Comment repenser leur modèle autour des notions de transition écologique et de solidarité territoriale ? Focus sur la Maison de la nature et de l’environnement (MNE) de Mozac, dans le Puy-de-Dôme.

Du développement durable à la transition écologique

L’historique des Maisons de la nature en France nous éclaire sur l’évolution du rapport au vivant et les modalités envisagées en matière de médiation à la nature.

En 1972, le rapport « Les Limites à la croissance (dans un monde fini) » [1], commandé par le Club de Rome [2], alerte sur l’épuisement des ressources et les impacts écologiques de la croissance économique et démographique. Cette même année, la première conférence des Nations unies sur l’environnement se tient à Stockholm, marquant le début d’une prise de conscience mondiale. En France, le premier Ministère de l’environnement est créé un an plus tôt, en 1971.

Les premières Maisons de la nature s’inscrivent dans cette dynamique des années 1970. La plus ancienne recensée dans l’étude de l’AUCM [3] est la Maison régionale de l’environnement et des solidarités (MRES) de Lille, fondée en 1978. Ce réseau associatif regroupe aujourd’hui 117 associations et 47 000 adhérents, œuvrant pour la protection de la nature, l’éducation au développement durable et pour la promotion des droits humains et de la citoyenneté.

En 1980, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) introduit le terme « sustainable development », traduit en français par « développement durable ». Ce concept, officialisé lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, devient un principe-clé pour concilier développement économique et protection de l’environnement. L’Education à l’environnement pour un développement durable (EEDD) se déploie en France, renforçant les actions environnementales dans les politiques publiques locales. Dès les années 1980-1990, les Maisons de la nature accompagnent ce mouvement en s’appuyant sur un écosystème associatif dédié à l’EEDD et à la préservation de l’environnement. On passe peu à peu de la notion de nature à celle d’environnement, puis de développement durable, et de celle d’animation à celle d’éducation.

Cependant, au tournant des années 2000, la notion de « développement durable » est critiquée pour son flou et son appropriation marketing, diluant son ambition initiale de transformation profonde des sociétés et de changement de modèle économique et social. Le concept de « transition écologique » [4] remplace progressivement celui de « développement durable » dans les années 2010.

Un panorama des Maisons de la nature en France

L’étude comparative de l’AUCM a permis d’identifier une vingtaine de Maisons de la nature en France (liste non exhaustive), présentant des statuts, des portages et des modes de financements différents. Parmi celles-ci, 9 ont un statut associatif (incluant Lyon, Dunkerque et Lille), 5 sont gérées par des municipalités (comme Balma et Nice), deux ont un statut métropolitain ou intercommunal (Bordeaux et Angers), deux ont un statut départemental, et deux sont soutenues par la Région.

L’étude met en avant deux exemples intéressants de Maisons de la nature inscrites dans de nouvelles dynamiques : la Maison municipale de l’environnement de Balma, inaugurée en mars 2023, et la Maison de l’environnement d’Angers Loire Métropole. L’accent est désormais mis sur les enjeux de justice sociale, avec l’objectif d’impliquer davantage les citoyens à travers des actions concrètes et des expérimentations.
A Balma (Haute-Garonne), la Maison municipale vise à sensibiliser les citoyens à la transition écologique (énergie, mobilités, gestion des déchets, alimentation, nature, biodiversité, etc.) via un Espace Info Énergie et l’organisation d’ateliers, de conférences, de ciné-débats et d’expositions.
De son côté, la Maison de l’environnement d’Angers Loire Métropole, fondée en 1990, réunit 70 partenaires publics, privés et associatifs. Il s’agit avant tout d’un lieu de sensibilisation et d’éducation à l’écologie, proposant des événements toute l’année (ateliers, jeux, visites, etc.) et disposant d’un jardin de 4 000 m². Récemment, une réflexion a été lancée pour repenser sa stratégie autour d’un programme d’activités variées permettant de mieux faire comprendre les enjeux du climat et de la biodiversité, d’accompagner les citoyens au quotidien dans la transition écologique et développer un réseau de sites au sein de l’agglomération.

Bien qu’il n’existe pas de définition officielle des Maisons de la nature, 4 grands profils ont été identifiés par l’AUCM au regard des domaines d’intervention des structures répertoriées. Tout d’abord, un profil « éco-citoyen », qui fédère les acteurs locaux, avec des MNE qui jouent un rôle central en regroupant et mettant en réseau les associations et structures de l’Économie sociale et solidaire (ESS). Celui-ci vise à favoriser la coopération locale et à renforcer l’engagement citoyen en matière d’écologie et de développement durable. Un second profil « éducation à l’environnement » davantage axé sur la sensibilisation des publics, avec des MNE qui placent l’éducation à l’environnement au cœur de leurs missions, autour d’ateliers, d’animations et de projets pédagogiques s’adressant à tous les publics, des enfants aux adultes, avec pour objets la sensibilisation à l’écologie et l’encouragement des pratiques durables au quotidien. Un troisième profil « services publics » avec des structures qui remplissent un rôle d’accompagnement, de facilitation, en offrant des informations et des conseils aux citoyens liés à la transition écologique. Enfin, un profil « entreprises » pour accompagner l’innovation et la formation, avec des espaces tels que des incubateurs et des pépinières, qui soutiennent l’entrepreneuriat local. Ce profil propose également des actions de formation, contribuant à renforcer les compétences nécessaires à l’économie verte et solidaire.

Réalisation : AUCM, 2024

La Maison de la nature et de l’environnement (MNE) de Mozac : un site à valoriser et à faire évoluer

Mozac est une commune du Puy-de-Dôme, proche de Riom, située à 15 km au nord de Clermont-Ferrand. En 2023, l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central (AUCM) a été missionnée pour accompagner la Communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans (RLV) dans la définition d’un projet de transformation de la MNE, créée en 2021 sur le site du Carmel, anciennement propriété de la CCI du Puy-de-Dôme, avec pour objectif de faire de ce site un lieu emblématique regroupant différents acteurs de l’environnement et conçu comme un espace d’échange et de formation, accessible à tout public.

Située à proximité de la coulée verte de l’Ambène (cheminement paysager aménagé le long du ruisseau de l’Ambène), la MNE accueille depuis 2022 le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) Auvergne et le Réseau éducation environnement Auvergne (REEA). Une quarantaine de personnes travaillent actuellement sur ce site, composé d’une maison dite « bourgeoise », d’un couvent construit dans les années 1970, d’un ancien pigeonnier, d’une ferme, d’un verger et d’un espace arboré [5]. Actuellement, seule la maison bourgeoise est occupée par les associations.

En 2023, RLV a souhaité élargir les missions de la MNE en attirant de nouveaux publics et en proposant de nouveaux services aux habitants. L’ambition : créer un lieu d’information, d’exposition, de formation accessible au public et aussi dédié aux entreprises et aux jeunes entrepreneurs dans le domaine de la transition écologique. Le projet doit également s’articuler avec la création d’un nouveau quartier comprenant environ 90 logements, porté par l’opérateur Polygone.

L’analyse AFOM (atouts, faiblesses, opportunités et menaces) de la MNE, réalisée par l’AUCM par le biais de plusieurs ateliers réunissant les élus et les services de RLV et via des entretiens avec les associations locales (REEA, CEN, CPIE et LPO), a mis en évidence les nombreuses qualités du site. Sa localisation stratégique, à proximité de la gare de Riom (via la coulée verte de l’Ambène) et des équipements culturels et touristiques majeurs, s’ajoute à la qualité intrinsèque du lieu : une forte valeur environnementale et patrimoniale, et des espaces extérieurs propices aux expérimentations et à l’organisation d’ateliers. Le site offre un fort potentiel en termes de réhabilitation pour accueillir de nouvelles activités et peut s’appuyer sur les initiatives du REEA et du CEN pour dynamiser son animation tout au long de l’année.

Une nouvelle stratégie en faveur de la préservation du vivant et de modèles économiques plus performants, résilients et écologiques

Dès lors, quels leviers activer pour élargir le champ d’action de la MNE et répondre aux défis du changement global ? Comment faire évoluer ses missions et tisser de nouveaux partenariats avec les acteurs locaux ? Quelles vocations privilégier pour faire vivre la MNE tout au long de l’année et accueillir tout type de public ?

L’étude de l’AUCM a abouti à la définition de 6 vocations autour desquelles construire une nouvelle stratégie pour la MNE en faveur de la préservation du vivant et de la biodiversité et permettant d’inventer de nouveaux modèles économiques plus performants, résilients et écologiques, et répondant aux besoins du territoire. Parmi ceux-ci on relève :

  • Un lieu référent pour les actions de la collectivité en matière de transition écologique : information sur les actions mises en œuvre par RLV (PLUi, PCAET, ENR, mobilités, etc.), conseil et formation auprès des élus et techniciens
  • Un guichet unique d’information et d’accompagnement à la transition écologique (conseils pour les particuliers et les entreprises) : espace conseil (sur l’énergie, les déchets, l’eau, l’alimentation, la rénovation du bâti, etc.), permanences d’organismes partenaires (CAUE, Aduhme, ADIL, etc.)
  • Un espace d’accueil pour les entreprises spécialisées dans l’environnement : location de bureaux et locaux pour des entreprises, location de salle de réunions et de séminaires
  • Un tiers-lieu environnemental et éco-citoyen : organisation de rencontres, débats, conférences, expositions, ateliers pratiques et pédagogiques
  • Un pôle d’éducation à la nature et à l’environnement à destination des scolaires et d’autres publics spécifiques
  • Un lieu d’accueil et de mise en réseau des acteurs associatifs : CEN et REEA (déjà installés dans les locaux) et à terme d’autres structures associatives (avec équipements mutualisés)

Afin de structurer la stratégie de la MNE, 3 scénarios de développement ont été envisagés : une MNE axée sur l’environnement et les services publics ; une MNE centrée sur les relations avec les entreprises ; une MNE au profil hybride combinant environnement, services publics et entreprises.

RLV a fait le choix du troisième scénario, un profil mixte qui permet de répondre aux besoins des différents acteurs à travers : un incubateur d’entreprises intervenant dans les domaines de l’innovation et de la transition écologique, une pépinière d’entreprise, des actions d’accompagnement et de sensibilisation à la transition écologique, pour faire de ce site un véritable tiers-lieu environnemental.

Réalisation : AUCM, 2024

La MNE de Mozac, comme d’autres Maisons de la nature en France, cherche à élargir son public et ses domaines d’intervention pour répondre aux enjeux multiples de la transition écologique. Comment réinventer cet outil au service du territoire pour répondre aux besoins des différents acteurs locaux (associations, entreprises, citoyens, etc.) et en faire un levier et un site démonstrateur pour les actions de la collectivité en faveur de l’environnement ? C’est le défi que souhaite relever RLV.

Suite à l’étude de préfiguration menée par l’AUCM, une mission d’AMO a été confiée à la SPL Clermont-Auvergne [6] pour la programmation des travaux de réhabilitation des différents bâtiments (démarrage prévisionnel fin 2025). Parallèlement, un partenariat avec l’association Landestini [7] a été engagé fin 2024 pour développer un incubateur dédié à l’innovation au service de la transition écologique et accompagner des entrepreneurs souhaitant exercer un métier porteur de sens et qui contribue à une économie à fort impact écologique sur le territoire de l’agglomération et au-delà.

Suites du projet « POPSU Territoires » : un séminaire pour co-construire avec les acteurs locaux

Lauréat de POPSU Territoires 2023 (POPSU pour Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines), le campus de Clermont-Ferrand poursuit la dynamique de recherche-action engagée depuis un an.

L’équipe de recherche pluridisciplinaire (Cécile Ferrieux, Cécile Cot, Laurent Lelli, Louisa Arnold) et l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central (Stéphane Cordobes, directeur) mène depuis plusieurs mois une phase d’exploration du plateau de Gergovie et d’entretien auprès des usagers et acteurs socio-économiques pour révéler les dimensions cachées d’un plateau emblématique à l’échelle des clermontois, mais aussi au niveau national, incarné par un récit autour de la victoire de Vercingétorix sur les armées de César.

Haut lieu historique et archéologique, le plateau de Gergovie se révèle dans toutes ses dimensions dans le cadre du projet POPSU Territoires « Mise en tourisme du plateau de Gergovie : révéler les invisibles pour enrichir le projet ». Un séminaire de co-construction a eu lieu le 10 septembre dernier en présence des deux animatrices du programme POPSU national. Une trentaine d’acteurs locaux institutionnels, socio-économiques et associatifs, étaient invités, avec le monde académique, à changer de regard collectivement.

Pour ce faire, un arpentage du plateau a été proposé aux participants pour percevoir et débattre de la diversité des usages et des attachements liés à cet espace à l’interface entre urbain et rural. Arpenter, c’est mettre en situation d’observation et de dialogue les acteurs locaux. C’est aussi confronter le regard de la recherche et le regard des acteurs. Ce dispositif participatif, où les acteurs explorent physiquement le terrain, a été construit sur la base des premiers résultats de recherche. Il s’appuie sur une diffraction du plateau en cinq figures : vivant-sauvage ; agriculture-forêt ; soin-ressourcement ; loisirs-évasion ; patrimoine-archéologie-mémoire.

En groupe, les participants ont parcouru le plateau, guidé par des fiches qui rendaient compte par figure des objets agricoles, patrimoniaux, historiques, touristiques, paysagers, etc. identifiés préalablement. L’arpentage proposé l’après-midi a donc été pensé comme un outil de l’enquête, un espace de dialogue entre les participants et un support de médiation pour l’action.

Cette compréhension collective et systémique du plateau de Gergovie doit permettre d’envisager de manière prospective la pérennité des cohabitations existantes, de qualifier les enjeux de soutenabilité pour le plateau et d’anticiper les potentielles controverses et conflictualités que les projets de mises en tourisme pourraient susciter. Enfin, cette journée de rencontre, étape clé des projets du programme POPSU Territoires, a offert aux participants un moment de débat et de concertation visant à apporter une vision nouvelle du plateau pour enrichir l’action publique.

Le projet de Service Express Régional Métropolitain Clermont Auvergne labellisé par l’Etat

Afin de répondre aux enjeux de décarbonation des mobilités du quotidien, mais aussi à la vulnérabilité économique des personnes effectuant de longs trajets domicile-travail, la Loi d’Orientation des Mobilités (2019) a impulsé la perspective de projets de RER dans les métropoles de Province, avec l’ambition de doubler la part modale du ferroviaire.

Depuis quelques années, ce sujet fait l’objet d’une attention aussi bien au niveau national avec l’annonce du Président de la République de développer des RER dans une dizaine de métropoles régionales, qu’au plan local avec la signature d’une convention entre l’Etat, la Région et le Pôle Métropolitain Clermont Vichy Auvergne pour réaliser un schéma directeur de l’étoile ferroviaire clermontoise. Cette étude vise à définir les ajustements du réseau ferroviaire pour assurer des dessertes plus fréquentes (un train toutes les 15 à 30 minutes aux heures de pointe), permettant d’attirer un plus grand nombre de voyageurs. Elle constitue à présent l’étude de référence pour la préfiguration du volet ferroviaire d’un Service Express Régional Métropolitain (SERM) clermontois.

Ce sujet connaît une véritable accélération depuis la publication de la loi relative aux Services Express Régionaux Métropolitains (SERM) du 27 décembre 2023, qui élargit le concept sur une offre globale permettant de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre issues du mode routier. Il ne s’agit plus seulement de proposer un service ferroviaire à haut niveau de services, mais de disposer d’un bouquet de solutions de transports multimodaux, coordonnés entre eux, s’appuyant sur le ferroviaire, mais aussi les autres modes, notamment routiers.

A l’échelle du Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne, c’est un bassin d’environ 700 000 habitants qui pourrait ainsi être desservi.

UNE LOI SERM QUI VA AU-DELÀ DE L’AMBITION DE DÉVELOPPER LE FERROVIAIRE AUTOUR DES GRANDES MÉTROPOLES

La loi répond au double enjeu d’améliorer les dessertes des territoires situés dans l’aire d’attraction d’une grande métropole tout en diminuant les émissions carbones. Elle propose, pour cela, de s’appuyer sur le mode ferroviaire (amélioration de la fréquence des trains, élargissement de l’amplitude de circulation, cadencement…), mais aussi d’intégrer l’ensemble des modes complémentaires comme les autres transports collectifs routiers (réseaux urbains d’autobus, autocars express…), le covoiturage ou encore le vélo. Il s’agit de proposer un service unifié à l’échelle de régions métropolitaines (espaces associant une métropole, des villes moyennes et des espaces périurbains et ruraux). Au-delà du renforcement des dessertes, le législateur accorde une importance à la facilité d’accès à ces nouveaux services, avec l’instauration notamment d’un « billet unique ». Le texte de loi précise l’importance de repenser l’aménagement des quartiers de gare et en encourageant les communes ou les EPCI à “favoriser le renouvellement urbain, l’optimisation de l’utilisation de l’espace et la qualité urbaine des projets à proximité des gares ».

Au regard des enjeux financiers et d’ingénierie liés à ces projets, le législateur prévoit la possibilité pour les territoires de faire intervenir la Société des Grands Projets (ex – Société du Grand Paris). Cette société a pu développer plusieurs lignes de métro en région parisienne ces dernières années, en mobilisant notamment des financements dédiés (taxe sur les m² de bureaux). Le législateur s’était d’ailleurs engagé à installer une conférence nationale de financement avant le 30 juin 2024, pour définir les modalités de financement (investissement et exploitation) de ces grands projets en Province.

LE PROJET CLERMONT AUVERGNE INCLUS DANS LA PREMIÈRE VAGUE DE LABELLISATION

Le même législateur a prévu l’obtention du statut de Service Express Régional Métropolitain aux territoires s’inscrivant dans une démarche partenariale associant Etat, Région et AOM [1] et proposant un projet visant à répondre aux défis de la décarbonation des mobilités, ainsi qu’au désenclavement des territoires, notamment s’agissant des villes moyennes.

Dès le 7 mars 2024, la Région Auvergne Rhône-Alpes et les principales métropoles régionales ont souhaité s’engager dans ce processus. Pour le dossier clermontois,un courrier d’intention a été co-signé entre le Président de la Région et le Président de Clermont Auvergne Métropole dès avril 2024. Le mois de juin a permis d’élaborer un dossier minute, qui précise l’avancement du projet et les orientations envisagées. Il a fait l’objet d’une co-construction entre la Région, le Pôle Métropolitain Clermont Vichy Auvergne (représentant 11 EPCI et la CCI), le SMTC, le SM-TUT (Thiers) et la Communauté de communes Saint-Pourçain Sioule Limagne.

Fin juin 2024, le Ministère des Transports a accordé le statut de SERM pour 24 territoires, dont la candidature Clermont-Auvergne. Dès à présent, il s’agit de conforter l’esquisse du projet en s’engageant dans la réalisation d’un dossier de préfiguration. Celui-ci définit notamment les ambitions en termes de développement des dessertes, les travaux d’infrastructures à réaliser, la gouvernance instaurée et les modalités de financement. A l’issue de cette étape d’environ 12 mois, le statut de SERM pourra être confirmé par un arrêté ministériel.

LE SERM CLERMONT AUVERGNE, UN PROJET PRAGMATIQUE, QUI S’APPUIE SUR LES INFRASTRUCTURES EXISTANTES

Le Service Express Régional Métropolitain Clermont-Auvergne a pour ambition, à l’échelle de ce bassin d’environ 700 000 habitants, de présenter une offre de mobilité attractive pour les échanges entre les principales polarités du territoire (Clermont-Ferrand et les 4 villes moyennes), ainsi que de proposer des alternatives à la voiture pour les territoires périurbains. Cette structure des mobilités vise à renforcer l’organisation en archipel du territoire et à lutter contre la périurbanisation.

Dès lors, il s’agit d’offrir un service ferroviaire et/ou routier fréquent (à minima 1 train ou bus inter-urbains toutes les 30 min en heure de pointe) sur les différentes lignes autour de Clermont-Ferrand. Le premier horizon de mise en œuvre est fixé à l’horizon 2028 / 2029 en lien avec la nouvelle desserte de la ligne Paris – Clermont-Ferrand et l’ouverture à la concurrence des TER dans la partie Auvergne. L’ambition est de développer l’offre, la rendre plus lisible avec le cadencement (trains partant par exemple à 6h05, 6h35, 7h05… sur une même direction). A cet horizon, le service se réalise avec les infrastructures existantes et le matériel roulant qui circule actuellement sur les lignes. Celui-ci est plus sollicité notamment en milieu de matinée et en soirée (après 19h / 20h). A plus long terme (vers 2035), un deuxième palier pourrait être franchi suite à des opérations sur l’infrastructure (signalisation, points de croisement…) et la commande de matériel roulant supplémentaire.

Pour compléter le maillage ferroviaire, l’offre des « Car Région » est repensée et développée. Il s’agit en priorité de proposer une offre de haute qualité sur des liaisons non desservies par le train (ex : Vichy – Thiers) ou en rabattement sur celui-ci (ex : Riom – Maringues). Au-delà du développement des fréquences, une attention forte est portée aux temps de parcours en étudiant les possibilités d’utiliser les autoroutes et voies rapides ou encore les couloirs bus des zones agglomérées.

Le projet s’articule avec les réseaux de transports urbains qui sont renforcés et mieux articulés avec les gares : dès septembre 2024 à Riom et à l’horizon 2026 pour les réseaux de Clermont-Ferrand, Issoire, Thiers et Vichy. Il est notamment prévu de créer une navette entre Volvic et la gare dont les horaires seront coordonnés avec les trains ou encore de renforcer les articulations avec le train dans le cadre du projet Inspire : gare de Clermont-Ferrand mieux desservie, pôle d’échanges à Aulnat, desserte de la gare de Pont-du-Château par une navette…

Une attention particulière est  portée aux conditions d’insertion urbaine du SERM sur les 30 gares du territoire, ainsi que sur les points stratégiques du réseau routier (ex : péage de Thiers-Ouest), afin d’offrir de l’intermodalité entre les différents modes collectifs, la voiture (parking-relais, covoiturage) et le vélo.

Il est nécessaire d’agir également sur l’information voyageur, la signalétique (à homogénéiser), la billettique, ainsi que la vente de titres. Dans un premier temps, il s’agit de pouvoir acheter les différents titres sur l’ensemble du territoire et à terme de travailler sur une tarification unifiée à l’échelle du périmètre SERM.

Afin de rendre le caractère opérationnel de ce projet dès 2028 / 2029, les coopérations politiques existantes au travers du Pôle métropolitain (11 EPCI, la CCI + l’association de la Communauté de communes Saint-Pourçain Sioule Limagne) ou entre les 5 AOM urbaines (SMTC, Vichy communauté, Riom Limagne Volcans, SM-TUT – Thiers – Agglomération Pays d’Issoire) sont à conforter, tout comme les coopérations avec la Région et l’Etat, afin de proposer un service de mobilité unique sur ce vaste territoire.

Pour réussir, le territoire prévoit de s’appuyer sur des forces externes comme la Société des Grands Projets, la SNCF – dans ses différentes composantes – et possiblement un opérateur ferroviaire alternatif.

UN RÔLE DE COORDINATION ET D’ANIMATION DES ACTEURS LOCAUX PORTÉ PAR L’AGENCE D’URBANISME CLERMONT MASSIF CENTRAL

L’animation et le portage des missions « mobilités » du Pôle Métropolitain Clermont Vichy Auvergne sont assurés par l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central dans le cadre de son programme partenarial. Elle s’est impliquée dans ce dossier dès 2022 pour appuyer le positionnement du Pôle Métropolitain dans la gouvernance et le financement de l’étude pour un schéma directeur de l’étoile ferroviaire clermontoise (volet ferroviaire du SERM).

Afin de porter un message d’unité de la part des 11 EPCI et de la CCI aux instances pilotant cette étude ferroviaire, l’Agence anime une commission ad-hoc, qui vise à préparer une doctrine commune  du Pôle métropolitain en termes de restructuration des offres de mobilité. Elle a notamment apporté, via des ateliers participatifs, des éléments de réflexion portés par les acteurs du Pôle dans les domaines suivants :

  • Les fonctionnalités générales recherchées en termes de dessertes : une offre plus lisible, sur des plages horaires étendues, s’adressant à un public plus large que les seuls travailleurs et scolaires ;
  • Les évolutions en termes de développement de l’offre ferroviaire, en portant des hypothèses de développement des kilomètres parcourus par les trains régionaux de l’ordre de 30% (en lien avec les objectifs régionaux) ;
  • Les premières réflexions pour reconfigurer le réseau d’autocars qui assurera des missions complémentaires au réseau ferroviaire.

L’Agence a également été mobilisée par le Pôle métropolitain pour construire une partie du dossier-minute, officialisant la candidature du SERM Clermont-Auvergne. Elle a notamment alimenté les éléments de contexte territorial, ainsi que l’identification des interfaces entre les différents services de mobilité. Elle a aussi contribué à définir la stratégie d’un projet décrit comme plus facile à mettre en œuvre et moins onéreux que d’autres projets de SERM, car ne nécessitant pas de nouvelles infrastructures et reposant sur une coordination des actions entre les Autorités Organisatrices des Mobilités (AOM) du territoire.

L’enjeu, pour lequel l’AUCM sera l’une des parties prenantes mobilisée, est désormais de porter un dossier de préfiguration jusqu’à son terme.

Régénérer la fabrique des espaces publics : l’hypothèse des droits culturels

L’accroissement de la vulnérabilité de nos territoires face au changement global, l’absolue nécessité de réorienter nos manières de les habiter, de les édifier, s’inscrivent paradoxalement dans un contexte d’affaiblissement de la démocratie. Que peut l’espace public, en tant que support d’interactions, de pratiques sociales, mais aussi de trajectoires individuelles, pour accompagner nos efforts de transitions ? Quelles voies possibles pour l’urbaniste dans cette recomposition ?

De la participation citoyenne aux droits culturels

Alors que la participation citoyenne, longtemps perçue comme la voie royale vers une réappropriation collective des problématiques publiques, peine à tenir ses promesses [1], un pas de côté semble nécessaire pour régénérer la fabrique des espaces publics. Il s’agit notamment de penser d’autres formes de médiation avec l’habitant, en prenant en compte la diversité des façons de vivre, la pluralité des références culturelles, la multiplicité des imaginaires qui fondent notre capacité à faire collectif. L’approche des espaces publics sous l’angle des droits culturels constitue en ce sens une hypothèse de travail. Elle pourrait répondre à un double enjeu : d’une part, renforcer la capacité de chaque habitant à se réaliser au sein de la communauté, d’autre part, ouvrir aux urbanistes un champ de possibles pour amorcer les transitions.

Vers des espaces publics de capacités

Les droits culturels, établis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, s’inscrivent dans la pensée réparatrice d’après-guerre. Ils visent à garantir pour chacun la liberté de vivre son identité culturelle, comprise comme « l’ensemble des références culturelles par lequel une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité ». La notion se consolide à travers divers textes de référence [2], dont la Déclaration de Fribourg en 2007. Les droits culturels sont aujourd’hui des droits fondamentaux universels, confortés en France par les lois NOTRe (2015) et LCAP (2016).

Approcher les espaces publics par les droits culturels revient à dépasser les notions de fonctions et d’usages, à conscientiser les rapports de domination, l’omniprésence de certaines références culturelles, comme fondements – souvent involontaires – de nos espaces publics et facteurs de leurs dysfonctionnements. Les logiques de normes, de prescription, laissent place à une logique d’encapacitation des habitants, où la diversité des savoirs et le croisement des points de vue nourrissent la robustesse du collectif.

Un outil d’interrogation des pratiques urbanistiques

Traduire les droits culturels dans l’ingénierie urbaine consiste à changer de posture, de regard, à ouvrir de nouveaux espaces de coopérations.

En témoigne l’expérience «Habitat, espaces public et droits culturels »[3] à laquelle a contribué l’AGUR de 2020 à 2021, qui a montré la capacité des droits culturels à renouveler le logiciel et les métiers de la fabrique urbaine, faisant émerger une nouvelle « grammaire » de projet où se renégocient la place des acteurs et leurs interactions, où l’urbaniste s’implique en tant que médiateur-traducteur. Un glissement de posture sur lequel s’engage aussi UrbaLyon, via la recherche-action « Urbanisme et droits culturels », qui explore une approche anthropologique et cognitive de l’urbanisme. Un esprit partagé par l’AUCM, qui promeut la réorientation écologique des territoires sous l’angle de la recomposition culturelle. Soin au long cours plutôt que remède miracle, l’horizon des droits culturels forme ainsi un cadre de pensée qui interpelle la manière dont dialoguent espaces publics et relations d’humanité et ouvre une voie vers de nouvelles interactions, propices aux transitions.

Loger les étudiants ou comment favoriser l’accès à l’autonomie et la réussite scolaire par le développement d’une offre dédiée abordable

Avec 2,93 millions d’inscriptions enregistrées dans l’enseignement supérieur à la rentrée 2022-2023 [1] en France, le nombre d’étudiants n’a jamais été aussi élevé et ne cesse de croître (+9.1 % sur les cinq dernières années). Cet accroissement de la population estudiantine s’accompagne d’un allongement de la durée d’études (le taux de scolarisation à 23 ans est passé de 24,7 % en 2010 à 31,4 % en 2021 [2]) et d’une plus grande mobilité géographique des néo-bacheliers entrant dans l’enseignement supérieur depuis la mise en place de Parcoursup (23 % des étudiants de 2021 quittent  leur académie d’origine pour faire leurs études supérieures contre 18 % en 2010 [3]). Dans ce contexte, la question des conditions de logement des étudiants devient un sujet dont s’emparent de plus en plus de territoires notamment s’ils souhaitent attirer des étudiants et développer leur offre de formation. Avec 3 087 étudiants inscrits à la rentrée 2023-2024 et une croissance des effectifs de +11 % en trois ans, Vichy Communauté est un pôle d’enseignement supérieur de l’Académie de Clermont-Ferrand en développement. De nouvelles offres de formations sont en projet et l’objectif des 4 000 étudiants en 2035 affiché dans le projet d’agglomération incite la collectivité à souhaiter aujourd’hui l’implantation d’une résidence CROUS sur son territoire. Afin d’objectiver le besoin en logement de ses étudiants et d’éclairer l’opportunité de la création d’une résidence étudiante CROUS sur son territoire, Vichy Communauté a confié la réalisation d’une étude de marché pour une résidence universitaire CROUS à l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central.

Le logement étudiant : entre contraintes financières et enjeu d’accès à l’autonomie

L’entrée en  études supérieures constitue un moment clé dans la vie des jeunes, marqué pour les deux tiers des étudiants par l’accession à leur premier logement en dehors du domicile parental. Cet accès à l’autonomie résidentielle constitue le démarrage de leur parcours résidentiel et parfois le début des difficultés. La décohabitation du domicile parental peut s’avérer en effet compliquée pour certains étudiants qui peinent à trouver leur logement et à le financer tout au long de leurs études. En France, le logement représente le principal poste de dépenses des étudiants avec en moyenne 528 €/mois qui y sont consacrés [4].

Les ressources des étudiants, de l’ordre de 1 129 €/mois en moyenne à l’échelle nationale, reposent sur les aides familiales (41 %), les revenus d’activités (27 %) et les aides publiques (bourses, allocations logement ou familiales, 25 %). L’autonomie des étudiants est ainsi relative car même s’ils accèdent à leur propre logement, ils restent, selon leurs milieu d’origine, dans une situation de semi-dépendance vis-à-vis de leur famille ou des aides publiques et sont parfois contraints de travailler en parallèle de leurs études avec le risque d’impacter leur réussite scolaire. Pour les plus précaires, l’autonomie résidentielle se paye aussi au prix d’économie sur la nourriture ou le renoncement aux soins. 35 % des étudiants vichyssois bénéficient d’une aide au logement de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) et 24 % d’une bourse du CROUS. 8 % des étudiants bénéficient de ces deux aides.

Avec 62 % des étudiants décohabitants, l’accession à un logement autonome est un enjeu pour les étudiants du pôle vichyssois. Selon les filières, l’origine géographique des étudiants est locale (ex : 79 % des étudiants inscrits en première année à l’UFR STAPS sont originaires de l’Académie de Clermont-Ferrand) ou nationale pour les filières plus spécialisées ou rares (ex : 11 % des étudiants de l’ISRP sont originaires de l’Académie de Clermont-Ferrand) avec un impact sur la  décohabitation puisqu’elle sera moins nécessaire si le domicile parental est proche du lieu d’études. Au regard du rythme des formations proposées à Vichy Communauté plus de 70 % des étudiants vichyssois ont besoin d’un logement de septembre à juin, soit pour l’ensemble de l’année universitaire et non pas pour une année complète.

Des étudiants locataires du parc privé, à proximité de leurs lieux d’études

A l’échelle nationale, l’offre publique de logements dédiée aux étudiants est la plus abordable financièrement mais reste limitée. Les 173 000 logements[5] des résidences universitaires du CROUS, permettent de loger environ 5,9 % des étudiants. Prioritairement attribués aux étudiants boursiers, ils présentent l’intérêt d’être abordables et incluent généralement les charges locatives, l’eau, l’électricité et l’accès à internet, permettant une meilleure maîtrise du budget pour les étudiants. De plus, ces résidences proposent majoritairement des logements de qualité, ayant fait l’objet d’une réhabilitation ou devant l’être prochainement ainsi que de nombreux services recherchés par les étudiants (laverie, local vélo, salle commune, conciergerie). Dans l’Académie de Clermont-Ferrand, la totalité des 3 995 logements des résidences du CROUS a fait l’objet d’une réhabilitation entre 2012 et 2021.

Mais cette offre dédiée étant limitée, les étudiants n’ont souvent d’autre choix que de se loger dans le parc locatif privé : 44 % des étudiants [6] à l’échelle nationale. Ce parc, de par son offre conséquente et la diversité de ses produits (T1 à louer seul ou T5 et + en colocation ; location vide ou meublée ; résidences services privées) est attrayant pour les étudiants mais tous ne peuvent se le payer. Leurs ressources limitées et l’exigence de gagner trois fois le montant du loyer et/ou d’avoir un garant restent des contraintes auxquelles se heurtent de nombreux étudiants, d’autant plus sur des produits chers car recherchés par tous :  logements de petites tailles (T1 ou T2) situés à proximité des établissements d’enseignement et des services. Par ailleurs, sur cette offre locative privée non réservée, les étudiants subissent la concurrence d’autres publics souvent préférés par les propriétaires-bailleurs car plus solvables et s’engageant pour des baux plus longs. Le cumul de ces difficultés poussent souvent les étudiants vers les logements moins décents du parc locatif privé.

A Vichy Communauté, 45 % des étudiants décohabitants, soit 1 249 étudiants, sont logés dans le  parc locatif privé, un logement loué vide pour 749 étudiants (27 %) ou meublé pour 500 étudiants (18 %). Avec, seulement 83 logements au sein de deux résidences gérées par le bailleur social Vichy Habitat, l’offre de logement dédiée abordable est actuellement limitée sur le territoire vichyssois. A cette offre peut s’ajouter un potentiel de 39 logements au sein des deux foyers jeunes travailleurs de la ville, pour autant bien qu’abordable, cette offre n’est pas exclusivement dédiée aux étudiants [7]. Du côté du parc locatif privé, 3 339 logements sont potentiellement adaptés pour des étudiants car composés d’une ou deux pièces et situés à Vichy [8] à proximité des établissements d’enseignement supérieur. Pour autant, bien que conséquente, cette offre est loin d’être bon marché et accessible financièrement pour tous les étudiants. Un appartement de type T1-T2 de 37 m² s’y loue 12,3 €/m² charges comprises en location vide [9], là où un logement au sein des résidences de Vichy Habitat se loue entre 9,3 €/m² à 11,2€/m² pour des logements semi-équipés et de 18,45 €/m² à 20,07 €/m² pour des logements meublés pour lesquels les frais sont inclus (électricité, eau chaude, chauffage et internet), ce qui n’est pas le cas au sein du parc locatif privé où il faut ajouter ces dépenses au montant du loyer.

Bien loger les étudiants est aujourd’hui une volonté partagée par de nombreux territoires car porteuse de réussites pour demain : capacité à attirer et implanter localement des forces vives formées, capacité à réguler et diversifier les marchés immobiliers, capacité à dynamiser des centres-villes… Proposer une offre de logements abordables et de qualité contribue à consolider l’autonomie des jeunes, à favoriser leur réussite scolaire et leur entrée dans la vie active. La proximité des lieux d’études, l’absence de difficulté pour le maintien dans le logement, ne pas être contraint d’avoir un job étudiant sont autant de facteurs de réussite, qu’une offre de logements abordables peut favoriser. Dans le cas de Vichy Communauté, l’implantation d’une résidence étudiante CROUS permettrait de répondre à ces besoins en logements des étudiants les plus modestes, besoins amenés à s’accroître avec la croissance à venir de l’effectif étudiant et où l’offre actuelle dédiée abordable ne permet déjà pas de loger l’ensemble de ce public.

Renouveler l’aide alimentaire : l’ambition de la dynamique coopérative de la Tournée des popotes

Pour les personnes en situation de précarité, l’aide alimentaire est un des moyens de se nourrir correctement à peu de frais. Dans le Puy-de-Dôme, les associations et les institutions concernées par ce sujet ont travaillé pendant près d’un an pour mieux se connaître et élaborer des projets communs. Pilotée par l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central (AUCM), la Tournée des popotes a permis l’éclosion de nouvelles coopérations.

Violaine Colonna d’Istria, chargée d’études vulnérabilités urbaines à l’AUCM, et Clémence Rebourg, doctorante à l’INRAE [1], présentent l’action et ses premiers enseignements.

En 2020, à la demande de la DDETS [2], un état des lieux de l’aide alimentaire sur le Puy-de-Dôme est réalisé par l’AUCM, suivi en 2021 par des ateliers participatifs destinés à nourrir l’élaboration d’un plan d’action départemental. Trois axes en ressortent : la qualité de l’offre dans l’aide alimentaire, l’accompagnement vers l’autonomie des usagers et la couverture des besoins sur l’ensemble du territoire. Pour approfondir les pistes d’action émergentes, améliorer l’interconnaissance et appuyer la coordination entre acteurs de l’aide alimentaire, l’idée de la Tournée des popotes voit le jour. Celle-ci s’inscrit dans la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, coordonnée localement par la DDETS et animée par l’Agence d’urbanisme.

Créer les conditions de l’interconnaissance

Fin 2022, cette démarche est présentée aux représentants de l’État, du Conseil départemental du Puy-de-Dôme et des collectivités locales. Ces échanges mettent en avant le besoin de coordination entre les services Solidarités et Agriculture du Conseil départemental, ainsi qu’entre la DDETS et la DDT [3]. Ces premiers échanges autour de la Tournée des popotes amorcent une clarification du portage institutionnel des démarches de coordination des enjeux relatifs à l’accès à l’alimentation.

La Tournée consiste en cinq journées d’échanges qui se sont déroulées entre mai et décembre 2023. Y étaient rassemblées les associations d’aide alimentaire habilitées au niveau national (Secours catholique, Secours populaire, Restos du Cœur, Banque alimentaire) et des structures locales agissant en matière d’alimentation ou d’insertion, d’habitat ou de culture (Habitat et Humanisme, LieU’topie, CCAS…). Des acteurs du secteur agricole (CIVAM [4], Bio 63, Chambre d’agriculture) et des acteurs publics (élus et techniciens de communes, intercommunalités, département ou région) ont également participé aux popotes.

Le projet ambitionnait de créer une dynamique engageante en impliquant dès le démarrage les participants et était pensé pour venir en appui aux initiatives locales de coordination existantes. Ainsi, pour ancrer territorialement la Tournée, des visites de sites ont systématiquement été organisées : l’entreprise à but d’emploi (EBE) Jardins solidaires, pour la popote « Allier qualité et accessibilité » ; ou l’épicerie Le petit marché solidaire, pour la popote intitulée « Assurer des transitions professionnelles ». Choisies en cohérence avec le sujet du jour, elles ont nourri les réflexions en complément des animations proposées et permis rencontres et échanges entre participants, bénévoles voire usagers. Selon les lieux et les sujets, plusieurs formats d’animation ont été mobilisés : exposition photographique collaborative, questionnaire aux élus, tables rondes, atelier prospectif.

Vers de nouvelles collaborations entre acteurs de l’aide alimentaire, collectivités locales et acteurs agricoles

Rendre accessible à tous une alimentation durable mobilise, à l’échelle locale, une diversité d’acteurs potentiellement inscrits dans plusieurs formes de coopération. La Tournée des popotes a confirmé l’intérêt de leurs rapprochements pour accompagner un renouvellement du système d’aide alimentaire.

La Popote co-animée avec l’équipe du PAT [5] du Grand Clermont et du Parc Livradois-Forez, lors de leur Forum alimentaire local annuel, a illustré l’intérêt de ces rapprochements par le biais de la visite de l’EBE Jardins solidaires. En effet, le besoin de proposer une offre de qualité dans l’aide alimentaire a conduit le Secours populaire du Puy-de-Dôme à lancer un projet d’activité maraîchère en 2021. Celle-ci, concrétisée via l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », permet de vendre des légumes à prix coûtant aux structures d’aide alimentaire locales. Au vu de son utilité, le développement de l’EBE est envisagé en 2024 avec un projet de ferme urbaine dans le quartier prioritaire des Vergnes qui se réalise grâce à l’appel à projets « Quartiers fertiles » de l’Agence nationale de la rénovation urbaine. De nouvelles formes de coopération entre acteurs associatifs du quartier, Métropole et Ville de Clermont-Ferrand sont ainsi concrétisées.

La popote autour des transitions professionnelles a suscité des envies de rapprochement entre acteurs de l’insertion sociale et professionnelle et de l’emploi agricole, celle « Autour des cuisines » entre les acteurs de la politique de la ville et ceux de l’écosystème de l’alimentation durable.

D’autres résultats au profit de l’aide alimentaire peuvent être mis à l’actif de ces popotes : l’obtention de denrées par l’achat auprès de producteurs locaux ou par de nouvelles formes de dons privés (produits de jardins, cueillette chez l’habitant, restaurateurs…).

Et maintenant ?

La Tournée des popotes a mis en valeur les rapprochements existant entre maillons du système agricole et alimentaire et acteurs institutionnels. Elle a également démontré l’intérêt de partir des expérimentations concrètes, ancrées sur les territoires, pour appuyer les projets existants et améliorer l’accès à une alimentation durable pour les habitants des quartiers prioritaires et d’ailleurs.

En termes d’apprentissage, la Tournée des popotes a fait émerger l’importance de l’ingénierie territoriale accompagnant les coopérations entre acteurs pour affermir des relations de confiance, s’adapter aux contextes locaux, connaître et se baser sur les relais déjà existants (PAT, CCAS, associations…). Aborder les enjeux d’accessibilité à l’alimentation nécessite cette présence permettant de prendre conscience des contradictions inhérentes à l’aide alimentaire : système qui souhaiterait voir sa propre fin mais, face à l’explosion des besoins, ne peut imaginer disparaître. La piste de la Sécurité sociale de l’alimentation [6], qui a suscité des élans de regroupement d’acteurs locaux dans une réponse non retenue à l’appel à projets régional « Mieux manger pour tous », questionne les perspectives d’évolution, les moyens financiers associés et plus largement le dialogue entre les rapprochements sur le terrain et ceux réalisés aux niveaux institutionnels.