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Menhir du mont Lozère © S.Cordobes

Réorientation écologique des territoires : quelles places et responsabilités des acteurs culturels ? Une enquête prospective de l’AUCM

L’AUCM a engagé dans son programme de travail partenarial 2023-2024 une enquête prospective visant à interroger la place des politiques culturelles, et plus généralement des acteurs du secteur culturel, dans la réorientation écologique des territoires. Un premier volet, des entretiens prospectifs, doit permettre d’écouter ceux qui sont déjà engagés sur ces enjeux à l’échelle du Massif central, complété par les analyses d’experts nationaux. Un second volet associera au sein d’un groupe de travail, une vingtaine d’acteurs locaux, porteurs de projets artistiques, d’actions culturelles, responsables de structures, en charge ou experts des politiques culturelles pour imaginer avec eux les scénarios d’évolution possible de leurs activités permettant de faire face au défi du changement global et de la bifurcation. Cette enquête devra courant 2024 au travers d’un troisième volet permettre d’interroger les politiques culturelles mises en œuvre par les adhérents de l’Agence, tester en situation les scénarios qui auront été produits et de préciser les enjeux spécifiques que chaque territoire aura à relever, non seulement pour adapter son activité à la nouvelle donne et la maintenir malgré les contraintes émergentes, mais surtout pour qu’elle constitue un levier à part entière aux transitions encore à mettre en œuvre.

Culture et réorientation écologique des territoires : un rapprochement de raison

Les politiques culturelles et artistiques ont longtemps été épargnées par le rendez-vous anthropocène. C’est incontestablement la Covid, puis la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l’énergie qui ont précipité la prise de conscience de la vulnérabilité des institutions et pratiques concernées : musées qui réduisent leurs heures d’ouverture pour économiser l’énergie, voire qui ferment faute de possibilité de fréquentation publique, festivals d’été et salles d’expositions qui s’inquiètent des pics de chaleurs, grandes institutions et événements populaires qui ne peuvent plus ignorer les coûts carbone de leurs activités liés aux déplacements importants de ceux qui les fréquentent. Les politiques culturelles ne vont pas pouvoir faire l’économie de la vaste réflexion maintenant entamée pour réduire drastiquement leur empreinte écologique, en particulier leur émission carbone, mais également leur impact sur les écosystèmes, leur consommation de ressources… Elles vont devoir s’adapter, gagner en sobriété et tenir compte des vulnérabilités accrues par le changement global afin de poursuivre leurs missions. Cette nécessité vaut d’autant plus que les politiques culturelles pourraient être amenées à jouer un rôle central dans la réorientation écologique elle-même : si l’on admet que celle-ci ne relève pas que de transitions techniques et normatives, mais au contraire nécessite un changement de rapport à nos milieux de vie, on voit mal comment échapper à une profonde acculturation : la réorientation écologique est fondamentalement une question culturelle et éducative qui pourrait donner aux institutions culturelles un nouveau rôle, et aux politiques dédiés, une mission fondamentale dans les prochaines années. Où mieux que dans ces lieux avec ces compétences et ressources, produire de nouveaux imaginaires, construire de nouveaux récits, transmettre les savoirs indispensables, révéler de nouveaux attachements, autrement dit produire la part symbolique et sensible indispensable à la réorientation écologique, les liens essentiels à des fabriques territoriales plongées dans le tumulte anthropocène.

Volet 1 : écouter ce que les acteurs culturels du Massif central – artistes, institutions, experts – ont à nous dire de la réorientation écologique des territoires

Le premier volet de l’enquête prospective mise en œuvre par l’Agence consiste à se rapprocher des artistes, institutions et opérateurs culturels, spécialistes de l’art, de l’esthétique, de la culture à minima sensibilisés à la réorientation écologique, mieux engagés dans celle-ci pour comprendre comment à l’échelle du Massif central ce public se prépare : il s’agit d’écouter les postures, les pratiques, les envies, d’analyser et de comprendre la position de ces acteurs à l’égard des enjeux écologiques. Assiste-t-on à un repositionnement des productions artistiques au bénéfice d’un art écologique, dédié à la mise en visibilité des vulnérabilités, à la promotion d’un nouveau rapport au vivant, à la production de nouvelles représentations, émotions, relations au sein des territoires de vie, à la promotion de logique d’attention et de soin aux environnements dont nous dépendons ? Les lieux culturels adaptent-ils leurs pratiques, leurs locaux, les modalités d’accueil, leur programmation, leur politique d’actions culturelles et de médiation, d’éducation publique et populaire, d’ancrage local ? Les collectivités s’inscrivent-elles dans un passage en revue de leurs politiques ? Comment ? Avec quels objectifs, renouvellement de leurs missions ? La réorientation écologique va-t-elle conduire à un réagencement du champ artistico-culturel ? Autant de questions que l’enquête doit aborder. Celle-ci très exploratoire ne cherche pas à être représentative et dresser un état des lieux du secteur, mais au contraire à détecter les signaux faibles et faits porteurs d’avenir qui esquissent sa transformation et permettent d’envisager concrètement, en situation, ce que l’art et la culture peuvent faire pour contribuer à la réorientation écologique des territoires. Les entretiens réalisés vont donner lieu à une diffusion in itinere dans la revue de l’Agence pour rendre compte et témoigner des pratiques actuelles et animer le débat public avant de nourrir un rapport de synthèse.

Volet 2 : élaborer des scénarios de réorientation écologique des politiques culturelles territoriales

Le deuxième volet de l’enquête prospective vise à imaginer, toujours de manière exploratoire, des scénarios d’évolution des politiques culturelles pour qu’elles s’inscrivent dans la réorientation écologique des territoires. Le protocole de travail repose ici sur la constitution d’un groupe d’experts des politiques et des actions culturelles locales qui sera mis en situation de production prospective. Quatre séminaires d’une demi-journée permettront de poser les problèmes qui se posent, d’esquisser des horizons souhaitables à 2050, de consolider des hypothèses prospectives par élaboration de trajectoires possibles, d’élaborer des scénarios et de qualifier les enjeux à relever par et pour les politiques concernées. Ils seront complétés par une consolidation, une documentation et du design en back-office. Ce travail se tiendra à l’automne 2023. Il donnera lieu à une publication et des débats publics début 2024. Il doit aussi permettre d’élaborer un kit d’activation territoriale – l’outil indispensable pour rendre la prospective concrète et opérationnelle – qui sera déployé dans les territoires volontaires, à partir de 2024. 

Volet 3 : activer la réorientation écologique culturelle dans les territoires 

En 2024, le kit d’activation de la réorientation écologique culturelle sera déployé avec les partenaires volontaires de l’Agence d’urbanisme au plus près des acteurs et territoires concernés. Plusieurs objectifs à ce troisième volet : pour l’Agence, déployer conformément à son repositionnement stratégique la prospective dans les territoires pour accompagner ses adhérents dans leur réorientation écologique ; tester sur le terrain les hypothèses prospectives issues du groupe d’experts pour affiner les réflexions et surtout, dans la logique pragmatiste qui est la nôtre, en l’éprouvant avec ceux qui agissent pour les consolider ; pour les collectivités et acteurs territoriaux, il s’agira d’entreprendre un travail de sensibilisation à la réorientation écologique et à la place que peuvent y tenir les politiques culturelles ; plus stratégiquement, il s’agira également de tester les politiques et actions culturelles mises en œuvre localement à l’aune des enjeux et des scénarios prospectifs proposés pour, le cas échéant, initier une réflexion visant à reconsidérer les stratégies à mettre en œuvre à moyen terme. Certains partenaires visent par exemple à se lancer dans l’élaboration de projet culturel territorial.

Chaque volet de l’enquête prospective suppose la participation d’un large éventail d’acteurs issus des milieux culturels, scientifiques, publics et politiques. C’est une condition de réussite de cette « coopérative prospective » que l’agence met en place en même temps que sa raison d’être : constituer un public, acculturer, mettre en mouvement, relever les enjeux qui engagent l’avenir des territoires, traduire la réorientation écologique en politiques, stratégies et actions concrètes. Si vous êtes intéressés ou simplement curieux, si vous souhaitez obtenir davantage d’informations sur l’un ou l’autre des protocoles présentés, ou si cette enquête fait directement échos à vos préoccupations et besoins et que vous souhaitez y participer, n’hésitez pas à nous contacter !

Workshop Industrie du futur : Anticiper et accompagner les transitions industrielles – 05 juillet

Le Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne, espace de dialogue et de coopération interterritoriale, et l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central organisent une rencontre pour explorer l’industrie du futur le mercredi 5 juillet 2023 au Hall 32 à Clermont-Ferrand. Participation publique sur inscription.

Modernisation des outils, sobriété des process ou encore transformation des organisations et des métiers, l’industrie du futur appelle une nécessaire mise en stratégie et en mouvement de tous les acteurs pour repenser les modèles productifs et imaginer collectivement des solutions adaptées aux mutations technologiques, sociales, environnementales ou encore territoriales en cours.

  • Quelles compétences pour répondre aux besoins d’une industrie 4.0 ?
  • Quels espaces (foncier, immobilier, aménagement) pour accueillir des projets et maintenir le tissu industriel et productif existant
  • Quel(s) accompagnement(s) pour des secteurs industriels inégalement engagés dans un processus de transformation numérique ?
  • Quelles coopérations pour préciser une stratégie territoriale lisible et clairement positionnée ?

Ce temps fort, dédié aux territoires et aux acteurs socio-économiques, vise à appuyer le déploiement local du tissu productif et à affirmer l’ambition politique d’accompagner de manière volontariste les transitions industrielles.

Il permettra d’apporter des éléments de réponses à travers plusieurs temps fort :

  • Une mise en perspective et des retours d’expériences locaux et nationaux lors d’une table ronde,
  • Un atelier-débat participatif pour se mettre en mouvement et décliner collectivement la boîte à outil territoriale de l’industrie du futur,
  • La signature officielle du Manifeste pour une stratégie industrielle territoriale avec entre autres les présences confirmées du Président de Clermont Auvergne Métropole Olivier Bianchi, du Président du Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne et Président de Riom Limagne et Volcans Frédéric Bonnichon, du Vice-Président du Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne en charge de l’économie Dominique Adenot et du Président de la CCI Puy de Dôme Clermont Auvergne Métropole Claude Barbin.

L’adaptation au changement climatique, un concept global pour des enjeux locaux

Lors de la conférence « Adaptation au changement climatique dans les territoire », experts et élus ont échangé sur les scénarios et stratégies locales d’adaptation, avec un message central : « la question n’est plus de savoir s’il faut s’adapter mais comment le faire ». L’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central revient sur les enjeux de l’adaptation au changement climatique sur le territoire clermontois.

MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX LOCAUX DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Il est des territoires où la variabilité spatiale du climat est marquée, et le bassin clermontois en fait partie. Les reliefs de la Chaîne des Puys et des contreforts du Livradois induisent des différences dans la répartition des températures, mais aussi des précipitations, plus prononcées sur les massifs volcaniques que sur la plaine de la Limagne. Les inversions de températures sont fréquentes [2], conduisant notamment à la stagnation de masses d’air froid en fond de vallée et accentuant en ville les phénomènes de pollutions atmosphériques. Ces caractéristiques climatiques pourraient évoluer avec le changement climatique. Les relevés météorologiques effectués entre 1962 et 2021 démontrent déjà une élévation des températures annuelles en tout point de la région Auvergne-Rhône-Alpes [3]. Comment le climat va-t-il évoluer à l’échelle locale ? La Limagne va-t-elle devenir une terre aride ? Les stations de ski auvergnates appartiennent-elles au passé ? L’Auvergne est-elle toujours le “château d’eau de la France” ?

Pour répondre aux enjeux du changement climatique, deux types de politiques sont menées conjointement : l’atténuation, qui s’attaque aux causes du changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et l’adaptation, qui en limite les conséquences négatives par la réduction de la vulnérabilité et l’exposition aux aléas. Comme le rappelle Cédric Audenis, Commissaire Général Adjoint à France Stratégie, si les politiques de réduction ont un objectif qui est très clair -la neutralité carbone en 2050 – les politiques d’adaptation sont plus complexes à mener car il réside une incertitude sur les effets locaux du changement climatique.

DES PROJECTIONS CLIMATIQUES LOCALES, POUR UNE MEILLEURE ADAPTATION

Le GIEC [4] analyse depuis 1988 les évolutions du climat, leurs causes, leurs impacts, et les solutions pour y répondre. Trois grands types de scénarios sont posés à l’horizon 2100 : un premier qui entrevoit un réchauffement climatique contenu à +1.5°C/+2°C avec des impacts que l’on est en mesure d’appréhender ; un scénario intermédiaire avec un réchauffement à +2°C environ ; un scénario à +4°C, qui comporte nombre d’incertitudes.

Ainsi, lors de cette même conférence, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a insisté sur le risque de mal-adaptation induit par la prise en compte de scénarios “trop  optimistes” : « Penser qu’on va rester sur une trajectoire à +2°C alors que des hypothèses à +4°C existent nécessite qu’on modélise cette trajectoire et que l’on ait donc deux scénarios dans notre stratégie d’adaptation ».

En ce sens, les projections climatiques à l’échelon local permettent de mieux appréhender les changements climatiques à anticiper. Les scientifiques travaillent généralement à partir d’un modèle climatique mondial, décliné à l’échelle de grandes régions, puis emploient des outils statistiques pour corriger les biais. Sur le territoire du Massif central, l’AP3C [5] a conçu des projections climatiques locales de nature statistique (elles ne proviennent donc pas d’un modèle climatique global).  Celles-ci  mettent en évidence pour 2050 une nette hausse des températures en hiver et au printemps, ainsi qu’un cumul de pluviométrie en baisse au printemps, particulièrement sur la plaine de la Limagne.

Si les scénarios pour demain varient en fonction des modèles employés et des périodes de référence étudiées, ils confirment tous un emballement des dérèglements climatiques, avec des températures à la hausse, une modification dans la répartition des pluies (même à l’échelle locale), une accentuation des périodes de canicule, et des évènements climatiques plus soudains et intenses. Les conséquences sont multiples : sur les écosystèmes, la disponibilité en eau, l’économie, le tourisme (de montagne notamment), la santé, le coût des assurances etc.

VERS UN  “RÉFLEXE ADAPTATION CHEZ TOUS LES ACTEURS “

Malgré ces connaissances, le changement climatique reste un concept abstrait dans notre quotidien. Notre mémoire des évènements climatiques (quand elle n’est pas traumatique) est volatile, et l’augmentation des températures est complexe à appréhender. Après tout, un ou deux degrés de plus, qu’est-ce que cela changera dans notre quotidien ? Or, l’analogie est à faire avec le corps humain. Si notre température corporelle augmente de 1°C seulement, c’est tout l’équilibre qui est menacé. Alors faut-il envisager le scénario du pire pour nous projeter dans un futur proche ? Par exemple, la Ville de Paris a récemment voté la création d’une mission intitulée « Paris à 50°C », qui vise à mettre en place un plan d’actions pragmatiques à activer lors d’épisodes de températures extrêmes.

Selon Morgane Nicol, directrice du Programme Territoires à I4CE « pour avancer, la première chose à faire c’est de mettre en place un réflexe d’adaptation chez tous les acteurs, pour que systématiquement se pose la question des conséquences du climat futur sur chaque politique ou investissement fait aujourd’hui ».

Alors atténuation, adaptation, l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central investit pleinement ces enjeux dans le cadre de son programme de travail  : culture du risque, vulnérabilité de la ressource en eau, observation des transitions environnementales, renaturation… autant de sujets qui sont au cœur des travaux de l’équipe en 2023 et pour les années à venir.

L’économie désirable selon Pierre VELTZ: Sortir du monde thermo-fossile

Prolongement de La Société hyper-industrielle (2017) qui dressait les contours d’un nouveau capitalisme productif et prélude de son dernier ouvrage Bifurcations (2022) qui pose l’écologie en axiome de la réinvention de la société industrielle, L’économie désirable soumet quatre postulats autour desquels s’articulent 6 chapitres :  Efficacité – Sobriété(s) – Une économie humano-centrée – Le salut par le local ? – Proximités et interdépendances –  Fiscalité, finance et technologie.

FACE À L’URGENCE ÉCOLOGIQUE, LA NÉCESSITÉ D’UNE NOUVELLE GRAMMAIRE PRODUCTIVE

Le premier postulat est celui de l’urgence de la situation obligeant à composer avec le monde actuel et à bâtir des trajectoires plurielles de société. Le deuxième est que des marges de manœuvre existent dans l’économie réelle et rendent possible le renouvellement des modèles de développement, comme le passage à une économie des usages et des expériences ou de l’accès. Le troisième est qu’il est en revanche nécessaire d’offrir une perspective mobilisatrice positive afin de donner à voir une économie désirable. Le quatrième souligne que l’accélération de la transition n’est pas une affaire de moyens et de volonté politique, mais une question de méthodes et de boussole pour déclencher et structurer des projets et de nouvelles infrastructures permettant la transition. Cela induit deux grands chantiers : celui des formes étatiques renouvelées pour piloter le changement de paradigme et celui de nouveaux partages du pouvoir, auprès des individus et dans les entreprises pour l’expression de la créativité.

L’INDUSTRIE AU CŒUR DES ENJEUX DE TRANSITIONS

Contrairement à l’image souvent véhiculée d’une société de services devenue post-industrielle, notre société est hyper-industrielle pour trois raisons. Le secteur industriel, au-delà de ses emplois directs, entraîne le reste de l’économie en concentrant des îlots de forte productivité. La distinction entre industrie et services est devenue artificielle au regard de leur imbrication et de la convergence des méthodes ou modèles économiques (ex : économie de l’accès versus. de propriété). Enfin, les activités de services ne peuvent se passer d’une trame matérielle lourde, comme le prouve la dépendance du secteur numérique à la transformation des métaux et terres rares (cuivre, lithium, néodyme…) par exemple, ou simplement l’utilisation de ressources communes pour leurs infrastructures (béton, acier, polymères…).Comment faire évoluer les modes de production et de consommation dans un temps suffisamment court pour pallier le désastre écologique ? Les réponses apportées relèvent d’une part de l’efficacité sur le versant de l’offre (meilleure conception des produits, limitation des chutes et des pertes de matière, recyclage et réutilisation, recherche de matériaux de substitution), d’autre part de la sobriété du côté de la demande, afin que la hausse de la consommation ne vienne pas annihiler les gains en matière d’efficacité. La solution réside tant dans une sobriété d’usage passant par la transformation des modes de vie et de consommation, que dans une sobriété de conception, c’est-à-dire des produits plus simples adaptés à leurs fonctions sans sophistication inutile.

RÉORIENTER LES INVESTISSEMENTS ET LES MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT VERS UNE ÉCONOMIE CENTRÉE SUR L’HUMAIN

Davantage que la décarbonation des activités existantes ou la recherche des technologies clés du futur, l’enjeu, selon Pierre Veltz, réside dans la construction d’une vision d’ensemble, d’un projet de société mobilisateur et positif. Cela pourrait passer par une économie consacrant la centralité de l’individu et le développement de ses capacités. Cette économie organisée autour de domaines essentiels comme la santé, l’alimentation, l’éducation, la mobilité, la culture, le divertissement et la sécurité comporterait une dimension collective et coopérative forte, susceptible de rassembler autour de perspectives fédératrices. C’est également une économie plus écologique, limitant son empreinte carbone, par une organisation autour de services réciproques et localisés. Mais elle peut aussi devenir le terreau d’une société dominée par des impératifs hédonistes d’épanouissement de soi au lieu de densifier les liens interpersonnels. C’est ce qu’illustre, dans le domaine de la culture, la différence entre la conquête du temps de cerveau disponible par le divertissement et la construction d’individus instruits et responsables.

L’ÉCOLOGIE COMME LANGAGE PRIVILÉGIÉ DU RETOUR À LA PROXIMITÉ

L’avènement d’une économie du lien va de pair avec une dimension territoriale. L’échelle de la proximité dans ses différentes mailles (plus ou moins locales) constitue le référentiel le plus pertinent pour concevoir et exploiter les solutions nouvelles adaptées aux contextes locaux. La question de la relocalisation de l’industrie est moins celle de la relocalisation d’entreprises ayant quitté le territoire que celle de la maîtrise de grandes chaînes de valeur mondialisées, qui ont redistribué les activités à l’échelle internationale, en connectant une pluralité de sites. Cette globalisation s’appuie sur l’externalisation des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions vers les pays les moins regardants. Selon Pierre Veltz, il faut favoriser la réimplantation d’usines, mais surtout développer de nouvelles activités en réinventant une base productive, sans sous-estimer les interdépendances internationales à la fois industrielles et technologiques, scientifiques, culturelles et humaines. Les sociétés reposent sur un tissage serré de contrats de solidarité dont l’échelle devrait être élargie, à minima à l’échelle européenne.

L’INCAPACITÉ DES GRANDES VOIES MACROSOCIALES À CONDUIRE LE CHANGEMENT

Le localisme ne suffisant pas, des transformations structurelles s’imposent. Les réglementations et les normes s’avèrent alors essentielles, comme le montre l’exemple de la décarbonation du secteur automobile. Mais trois pistes, reposant toutes sur les règles du jeu des marchés financiers, reviennent régulièrement dans la bouche des économistes : la fiscalité environnementale, le verdissement de l’investissement et de la finance, les « green techs » et l’innovation par les start-up. Pourtant, selon Pierre Veltz, aucune n’est en mesure de conduire à un changement de paradigme qui nécessite des projets concrets, des solutions de substitution et une feuille de route globale. L’exemple de la taxe carbone et de ses nombreux obstacles souligne que la durée de mise en place de telles mesures (quand elles sont réellement mises en place) est largement incompatible avec l’urgence des défis à relever. Le désinvestissement dans les secteurs thermo-fossiles et le fichage des investissements anti-écologiques sont en marche et pourraient menacer les grandes industries fossiles. Mais ces démarches ont pour l’heure un impact insignifiant. La finance écologique reste marginale, notamment en raison de rendements jugés insuffisants par les investisseurs et de l’absence de cadrage pérenne par les Etats. Quant à l’innovation technologique, elle n’est possible sans investissements publics massifs.

CONCLUSION : L’ETAT ET LA BIFURCATION ÉCOLOGIQUE

Comme dans tous les changements de paradigmes précédents, ce sont aux Etats de reprendre la main pour embarquer les économies et les sociétés. Il ne s’agirait pas d’autre chose que des grands objectifs nationaux tels que la conservation de l’emploi ou la compétitivité relative pour saisir les ressources et leviers qui leur sont propres : développer des programmes de recherche publics, fixer des perspectives stratégiques, mettre en place les grandes infrastructures physiques et normatives et veiller à l’équilibre entre objectifs sociaux et économiques tout comme à l’accompagnement social des mutations. Mais cela signifie aussi se permettre de revenir à un cadrage de type « planification », sous la forme d’un Etat pilote offrant la capacité aux communautés locales et professionnelles de déployer leur créativité et leurs compétences au service de la bifurcation écologique. Reste à intégrer cette dernière dans une transformation globale des économies et des sociétés.

Les industriels, forts de leur expérience dans l’optimisation des ressources, constituent de réels atouts. Aucune transition ne sera néanmoins jugée socialement acceptable si elle ne s’accompagne pas d’une réduction des inégalités pour laquelle la redistribution s’avère insuffisante. La bifurcation écologique demande de s’attaquer à la dissociation entre rentes et contributions productives, par des cadrages publics vigoureux, afin de permettre des débouchés dans l’économie réelle et non dans la hausse artificielle du prix des actifs financiers ou immobiliers.

Les organisations économiques doivent subir de profonds et rapides changements pour faire face au défi écologique, et les pistes de solutions, nécessairement multiples, seront d’abord expérimentales. Par leurs travaux d’observation et de prospective stratégique ancrés dans le local, les agences d’urbanisme s’attachent à appréhender les trajectoires de changement d’une économie de plus en plus territorialisée et les nouvelles solidarités qu’elles engendrent.

Horizon Publics – Hors-Série – été 2023

Consultez en ligne les 4 articles de la revue Horizons Publics accessibles gracieusement dans le cadre de ce partenariat :

La réorientation écologique de nos territoires passe par une recomposition culturelle
– Grégory Bernard et Stéphane Cordobes

« La révolution écologique est aussi culturelle ! »
– Olivier Bianchi

«Avec l’anthropocène, il s’agit de réinventer des cultures de cohabitation »
– Michel Lussault

«Nous nous donnons une mission : être présents et regarder le vivant »
– Joanne Leighton

Le marché locatif privé de Clermont Ferrand parmi les plus abordables en France

Pour la sixième année consécutive, l’Observatoire Local des Loyers (OLL) de l’agglomération clermontoise [1] a examiné les niveaux de loyers pratiqués à l’échelle du Grand Clermont.

Au sein de ce périmètre, environ 57 130 logements sont occupés par des locataires du parc privé, soit environ 28 % du parc des résidences principales, c’est cette tranche qui est observée par l’OLL. Menée auprès des professionnels de l’immobilier et des particuliers qui assurent eux-mêmes la gestion de leurs biens, l’enquête 2021 a concerné 19 % de ce parc locatif privé, soit plus de 9000 logements, c’est-à-dire un volume permettant de produire des résultats représentatifs des tendances du marché locatif privé local.

Résultat : les niveaux de loyers mesurés en 2021 au sein de l’agglomération clermontoise restent abordables comparativement aux autres territoires couverts par un OLL, avec des niveaux de loyers dont l’augmentation est modérée depuis 2016.

Pour autant, ils ne doivent pas faire oublier les disparités de niveaux de loyers pratiqués, ou masquer les difficultés d’accès au parc locatif privé pour les ménages les plus modestes, difficultés qui pourraient s’accentuer au vu des problèmes énergétiques auxquels est confronté le parc locatif privé.

UN MARCHÉ LOCATIF PRIVÉ PARMI LES PLUS ABORDABLES

Avec un niveau de loyers hors charges observé de 9,1 €/m² tous types de logements confondus en 2021, l’agglomération clermontoise fait partie des territoires où les niveaux de loyers sont les moins élevés : 17ème niveau de loyer le plus bas sur les 52 territoires observés par le réseau national. L’agglomération clermontoise reste ainsi parmi les territoires les plus abordables, comparativement aux autres territoires observés par un OLL, confirmant les tendances observées lors des précédentes enquêtes.

En comparaison avec les autres métropoles dotées d’un OLL, seules Brest et Saint-Etienne présentent des niveaux de loyers inférieurs à ceux de Clermont-Ferrand [2].

DES DISPARITÉS OBSERVÉES SUR LE TERRITOIRE DU GRAND CLERMONT

Pour autant, les niveaux de loyers [3] observés sont très différenciés au regard des caractéristiques des logements, dont certaines sont à même de faire croître le loyer : localisation centrale (+2 €/m² pour un logement situé à Clermont-Ferrand comparativement à un bien situé en dehors de la métropole), petits logements (+2,5 €/m² pour un T1 comparativement à un T2 du Grand Clermont), appartements (+1,4 €/m² par rapport à une maison) ou encore logements construits sur la période 1991-2005 (+1,7 €/m² par rapport aux logements de la période 1946-1970, les moins onéreux du marché locatif privé).

L’impact à la hausse de ces caractéristiques sur le montant du loyer s’explique par les atouts qu’ils présentent pour les locataires. Par exemple, un logement récent implique une consommation énergétique modérée et des charges locatives plus basses, qui le rendent attractif pour les locataires au vue des économies qu’ils réaliseront, malgré le fait que ces biens, recherchés, aient des loyers hors charges plus élevés. D’autre part, l’adéquation avec les besoins des locataires du parc privé du Grand Clermont joue également sur l’attractivité du logement, donc le montant plus élevé du loyer. Localement, les locataires du parc privé sont des jeunes ménages actifs en emploi (55 %) ou des étudiants (19 %), vivants seuls (62 %) [4]. Ces profils se tournent majoritairement vers des petits logements (T1 et T2) à proximité des lieux d’études ou d’emplois, pour lesquels la demande est forte.

Si les niveaux de loyers en €/m² sont les plus élevés au centre de Clermont-Ferrand, c’est en dehors de la métropole que le coût du logement est le plus élevé pour les ménages locataires du parc privé. En effet, le parc locatif dans cette zone est composé essentiellement de grands logements (46% de T4 ou +) et de maisons (51%). La taille des logements étant plus importante (58 m2 en moyenne au centre contre 79 m2 hors métropole), le loyer médian en euros y est finalement plus élevé. Ainsi, un locataire en dehors de la métropole paie un loyer médian de 550€ contre 480€ pour un locataire dans Clermont-Ferrand.

UN MARCHÉ LOCATIF PORTÉ PAR LES ÉTUDIANTS

Le marché locatif privé du Grand Clermont connaît une augmentation modérée des niveaux de loyers observés entre 2016 et 2021 dans le cadre de l’OLL. Le loyer médian entre ces deux dates est passé de 8,6 €/m² à 9,1 €/m², soit +0,5 €/m² sur cette période.

Les augmentations de loyers se font par l’application de l’Indice de Référence des Loyers [5] par le bailleur pour les baux en cours, ou à l’occasion d’un changement de locataire.Les logements dont les locataires sont mobiles, connaissent une augmentation de leur loyer plus importante et ont des loyers plus élevés que les logements où le locataire reste en place.

C’est notamment le cas à Clermont-Ferrand, ville universitaire dont le parc locatif privé, composé majoritairement de petits logements (60 % du parc de la ville se compose de T1 et de T2), est plus à même d’être loué par des étudiants, un profil de locataires très mobiles. A Clermont-Ferrand, 34 % des locataires occupent leur logement depuis moins d’un an contre 28 % en dehors de la métropole. Les bailleurs sont ainsi amenés à réévaluer plus régulièrement leur loyer que dans le reste du territoire où le volume plus important de grands logements conduit à une occupation par des locataires moins mobiles (familles, personnes âgées…).

Ainsi, les logements situés à Clermont-Ferrand dont les locataires ont emménagé depuis moins d’un an sont passés d’un loyer médian de 9,6 €/m² en 2016 à 10,3 €/m² en 2021, soit + 0,7 €/m². Globalement, les locataires du Grand Clermont installés depuis moins d’un an dans leur logement ont un loyer médian de 9,8 €/m² contre 8,8 €/m² pour les locataires installés depuis plus d’un an.

Cette tendance du marché locatif privé local à être porté par une dynamique liée au contexte estudiantin s’observe également dans la saisonnalité des emménagements. 52 % d’entre eux ont eu lieu entre juillet et septembre 2020 [6], principalement dans des T1, en lien avec l’installation des étudiants avant la rentrée universitaire.

L’essor, ces dernières années, des locations meublées est un autre marqueur du développement du marché de la location étudiante sur la métropole. Leur volume a fortement augmenté entre 2013 et 2018, passant de 6315 logements à 8173 logements à l’échelle du Grand Clermont. La majorité de ces locations meublées se situent à proximité des lieux d’études puisque 80 % des meublés du parc locatif privé du Grand Clermont se situent à Clermont-Ferrand. Une location meublée se loue plus chère qu’une location vide : un T1 meublé se loue 3 €/m² de plus qu’un T1 loué vide.

UN MARCHÉ LOCATIF AMENÉ À SE TENDRE AU REGARD DES ENJEUX ÉNERGÉTIQUES ?

Si le marché locatif privé clermontois reste encore peu tendu, il pourrait être amené à se contracter  dans les années à venir sous les effets conjugués d’une réduction de l’offre et d’une augmentation des prix. En effet, les incitations à la rénovation énergétique  induites par l’interdiction progressive, initiée en janvier 2023, de mise en location des “passoires thermiques” [7], l’augmentation des tarifs de l’énergie, dont l’électricité et le gaz naturel, ou la transition enclenchée pour se défaire des ressources fossiles (gaz, pétrole, charbon) au profit des renouvelables pourraient entraîner un bouleversement du marché, avec pour conséquence des difficultés prégnantes d’accès au parc locatif privé pour les ménages modestes.

Bien que localement il soit encore difficile d’estimer le volume de logements du parc locatif privé considérés comme des “passoires thermiques”, la part conséquente de logements construits avant les premières réformes thermiques (41% de logements du Grand Clermont datent d’avant 1970) et de petits logements (49 % de T1 et de T2), lesquels sont plus à même d’être insuffisamment isolés, laisse présager que le parc locatif privé de l’agglomération clermontoise sera impacté par cette réglementation. Le volume de logements mis en location pourrait ainsi se réduire si les propriétaires n’engagent pas de travaux de rénovation énergétique.

Or, ces logements, moins qualitatifs en termes de performance énergétique, sont les plus susceptibles d’être loués par des ménages modestes en raison de loyers souvent plus bas. Les logements les plus performants énergétiquement, recherchés par les locataires, notamment en temps de crise énergétique, pourraient ainsi voir leur loyer augmenter en lien avec l’augmentation de leur valeur verte [8], les rendant inaccessibles aux ménages les plus modestes.

Les moins de 30 ans représentent plus d’un tiers des locataires du parc privé à l’échelle du Grand Clermont et plus de 43 % des locataires du parc privé de la ville de Clermont-Ferrand.  Leur capacité à se loger dans le parc locatif privé, notamment dans des logements types T1 et T2, à proximité des lieux d’études pourraient ainsi se réduire. Actuellement, au regard de leur revenu et du loyer médian observé, 50 % des moins de 30 ans de Clermont-Ferrand ont accès à 90 % des T1 de la ville [9]. Ce segment du marché locatif privé sera probablement le plus susceptible de se tendre dans les années à venir, au vu des enjeux énergétiques auxquels fait face le parc locatif privé. La capacité, pour les ménages modestes, dont les étudiants, à se loger au sein du parc locatif privé de l’agglomération clermontoise se pose dans ce contexte.

Approche santé dans les documents de planification et les projets urbains : une palette d’outils pédagogiques pour accompagner les territoires

Introduire et porter les enjeux de santé dans les documents de planification et les projets d’aménagement constitue depuis plusieurs années le cœur de l’action 17 du Troisième Plan Régional Santé Environnement (PRSE 3) porté par l’Agence Régionale de la Santé et la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement . Cette action 17 a pour objectifs d’identifier et de hiérarchiser les déterminants de santé principaux sur un territoire, de caractériser la manière dont les enjeux de santé-environnement sont pris en compte dans les documents de planification et les projets d’aménagement, de sensibiliser et d’accompagner les collectivités dans la réalisation de diagnostics et l’élaboration d’orientations et d’actions permettant de répondre aux enjeux de santé dans les projets. Les agences d’urbanisme de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont été sollicitées pour construire ensemble, par l’expérimentation, des méthodes et bonnes pratiques pour corréler santé et actions d’aménagement. Huit territoires ont ainsi fait l’objet d’expérimentations, à des échelles variées, du projet urbain jusqu’au Schéma de cohérence territoriale (SCOT) en passant par les Plans Locaux d’Urbanisme intercommunaux (PLUi) et les opérations de revitalisation urbaines . Ces expérimentations ont mis en évidence deux priorités : l’indispensable place du dialogue et du temps nécessaire à lui dédier entre les différents acteurs du territoire, et le besoin de sensibilisation aux impacts des manières de construire et d’aménager nos cadres de vie sur l’état de santé et de bien être des personnes qui y vivent. Ces années d’expérimentation à destination d’un large public, sont présentées en différents documents permettant aux collectivités de saisir rapidement les enjeux principaux et les possibilités d’action pour un urbanisme favorable à la santé.

LE MOT DU RÉSEAU URBA 4

Faire valoir les enjeux de santé dans les documents de planification et les projets d’aménagement : c’est la mission que s’est donnée le réseau des Agences d’urbanisme d’Auvergne-Rhône-Alpes (réseau Urba 4), dans le cadre d’un partenariat avec l’Agence régionale de santé (ARS), la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et l’appui de l’Observatoire régional de la Santé (ORS).

En effet, les Agences d’urbanisme et leurs partenaires en sont convaincus : les collectivités disposent de puissants leviers d’action en matière de santé, dont elles ne soupçonnent pourtant pas toujours la portée. C’est pourquoi depuis plusieurs années, les Agences d’urbanisme d’Auvergne-Rhône-Alpes, l’ARS, la DREAL et l’ORS se mobilisent et se coordonnent pour accompagner les élus dans une mise en cohérence plus efficace des politiques publiques et dans des arbitrages parfois délicats en faveur de la santé de tous, afin d’améliorer durablement l’habitabilité de nos territoires.

Aboutissement de ces travaux, le réseau Urba 4 a conçu des outils pédagogiques, issus d’expérimentations menées auprès de six collectivités : trois vidéos14 fiches pratiques et un rapport technique, afin de sensibiliser et accompagner les collectivités dans leur projet d’urbanisme favorable à la santé.

UN TRAVAIL À L’ÉCHELLE RÉGIONALE QUI SE POURSUIT SUR LE TERRITOIRE PUY-DE-DÔME

La mallette pédagogique s’adresse aux élus et aux techniciens de tous les territoires. Elle est conçue pour simplifier l’accès aux concepts et aux traductions opérationnelles de l’urbanisme favorable à la santé. Ces outils arrivent à un moment favorable pour le territoire du Puy-de-Dôme : les sujets de la santé, du bien-être et de leur relation à la qualité de vie sont ici en plein essor. Plusieurs initiatives pourront ainsi bénéficier de ce premier travail réalisé par les Agences du réseau Urba 4. Parmi les projets prévus en 2023 à l’Agence d’urbanisme Clermont Massif Central : un accompagnement qui débute à titre expérimental sur le territoire d’Aulnat, avec la réalisation d’un diagnostic santé-environnement et un partenariat avec l’Union départementale des CCAS du Puy-de-Dôme. Le but est d’interroger les possibilités d’urbanisme favorable à la santé sur l’ensemble du département, et ses liens avec l’action sociale. Ces travaux viendront notamment nourrir l’élaboration des documents de planification locaux : PLUi de la Métropole et SCoT du Grand Clermont entre autres.

Penser l’avenir des tissus pavillonnaires, un échange avec Judith Drouilles

Judith Drouilles est architecte de formation et urbaniste diplômée de l’école d’urbanisme de Paris. Au Laboratoire d’architecture et technologies durables de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne, elle a conduit une thèse de doctorat sur l’évolution des quartiers pavillonnaires suisses et périurbains à l’horizon 2050, sous la direction du professeur Emmanuel Rey.

L’Agence d’urbanisme accompagne en 2022-2023 élus et techniciens avec un cycle de formation-action “L’urbanisme métropolitain face à l’urgence écologique et sociale”. Dans ce cadre, le travail de recherche de Judith Drouilles est éclairant, notamment pour sa comparaison avec la situation suisse. L’Agence d’urbanisme l’a interviewée le 17 mars 2023.

QU’EST-CE QUI VOUS A AMENÉ À CHOISIR CE SUJET DE RECHERCHE ?

C’est un sujet sur lequel j’ai commencé à travailler dans le cadre de mon diplôme d’architecture à l’école de Paris-Malaquais (ENSAPM), où j’étais plutôt focalisée sur le Grand Paris. Dans les années 2010, la question qui se posait était de densifier autour des gares de la région Ile-de-France. Et c’est là que j’en suis venue à travailler sur des tissus pavillonnaires, et donc à m’intéresser à ce sujet, car en petite couronne parisienne, pavillonnaire et densification autour des gares sont deux thèmes intimement liés. J’ai ensuite étendu ce travail au territoire suisse, à l’agglomération lausannoise, en privilégiant les enjeux de transition et de transformation à ceux de la densification.

VOTRE THÈSE EST APPLIQUÉE AUX QUARTIERS RÉSIDENTIELS PÉRIPHÉRIQUES DE L’AGGLOMÉRATION DE LAUSANNE, EN SUISSE. EN QUOI SONT-ILS DIFFÉRENTS DE NOS QUARTIERS PAVILLONNAIRES EN FRANCE ?

Il y a de nombreux points similaires, mais ce qui diffère principalement entre les quartiers suisses et français c’est l’échelle : la dimension des quartiers, des parcelles, des maisons, etc. Mais ce qui distingue surtout les quartiers pavillonnaires les uns des autres en Suisse ou en France, c’est leur distance au centre, c’est cela qui influence les principales caractéristiques. Plus on est proche du centre et plus il y a de la pression sur ces quartiers pour accueillir de plus en plus d’habitants. Les logements et les parcelles vont rétrécir et finalement on aura une assez grande densité. Le processus de densification douce se fait déjà naturellement dans les quartiers les plus proches des centres. Quel que soit le territoire, on a ce processus et cette forme basique des quartiers pavillonnaires. Au-delà de cette distance au centre, la particularité de la Suisse, c’est que nous trouvons encore régulièrement de grandes parcelles avec des villas assez imposantes, ce qui est moins le cas dans les périphéries françaises.

QU’EST-CE QUI EXPLIQUE SELON VOUS L’ASPIRATION DES MÉNAGES VERS LE PÉRIURBAIN ?

On sent qu’il y a cette quête d’espace, qui est l’une des raisons principales qui poussent les ménages à rechercher une maison individuelle avec jardin. Mais on note aussi une recherche d’indépendance dans la manière de vivre. La recherche de qualité du logement prime parfois sur l’accès aux services.

ET S’IL DEVAIT RESTER UN COUPABLE DE L’ÉTALEMENT URBAIN, QUEL SERAIT-IL ?

À mon avis, l’étalement urbain, c’est un fait de société. C’est quelque chose qui s’est formé au fil du temps. On a tous l’idéal de la maison individuelle en tête, qu’on le concrétise ou non. La majorité des ménages se dit un jour “est-ce qu’habiter en maison individuelle avec un jardin ne serait pas plus adéquat pour ma qualité de vie ?”.

Ce qui a rendu possible cet étalement urbain c’est l’accélération des déplacements. Avant le développement du train au 19ème siècle, on habitait soit en ville, soit à la campagne. Avec le train, l’étalement urbain a pris forme car il devenait envisageable d’habiter plus loin de son travail, et donc d’accéder à des logements plus spacieux, dans des villes moins polluées et surpeuplées. Avec l’apparition de la voiture, c’est le territoire entier qui a été mis à disposition. Toute la société s’est ensuite organisée pour accompagner cette accélération des déplacements, et les projets immobiliers ont été facilités par un prix du foncier agricole dérisoire.

DANS VOTRE THÈSE, VOUS PARLEZ DES “STIGMATES DE LA VILLE DIFFUSE”. POUVEZ-VOUS REVENIR SUR CETTE NOTION ?

Le terme de ville diffuse est synonyme d’étalement urbain. Il existe différents modèles de villes. En Suisse on essaye de mettre en place la ville polycentrique, qui connecte différents pôles entre eux par des réseaux de transports performants. À l’inverse, la ville diffuse est étalée dans le territoire sans présenter de pôle majeur attractif. Les stigmates, eux, sont facilement identifiables. La ville diffuse repose sur un tissu bâti de maisons individuelles, qui consomme du territoire au détriment des surfaces agricoles, forestières et naturelles. C’est un mode de vie dépendant de la voiture et donc générateur de pollutions, et qui encourage aussi l’individualisme et le repli sur soi. Restent aussi les questions d’efficacité énergétique des bâtiments, qui souvent sont sous-occupés du fait des évolutions démographiques et des phénomènes de recomposition des ménages. Pour toutes ces raisons, quand on compare la consommation d’énergie par personne, on remarque qu’elle est beaucoup plus importante en maison individuelle périphérique qu’en appartement en ville.

À L’INVERSE, LE TISSU PÉRI-URBAIN EST DOTÉ DE RÉELLES QUALITÉS. QUELLES SONT-ELLES ?

A mon avis, la qualité principale de ces tissus est leur faible densité, avec une disponibilité importante de surface de pleine terre, permettant dans certains cas une végétalisation et une arborisation de qualité (même si les jardins sont considérés [dans les documents de planification] comme des surfaces artificialisées). Aujourd’hui ces territoires sont aussi vus comme des réserves foncières propices à accueillir de nouveaux ménages. On a aussi dans ces quartiers des communautés plus locales. Mais les qualités de ces territoires sont encore à explorer et à exploiter. On a encore du mal à trouver un équilibre entre les stigmates et les qualités, sinon nous n’aurions pas ce débat aujourd’hui.

COMMENT PEUT-ON CONCILIER LA PRÉSERVATION DES QUALITÉS DU TISSU PAVILLONNAIRE, NOTAMMENT LA PLEINE TERRE ET LA PRÉSENCE D’ARBRES, AVEC LES LOGIQUES DE DENSIFICATION PAVILLONNAIRES ?

Dans les quartiers de maisons individuelles, chaque propriétaire agit sur sa parcelle et sur sa maison, selon son propre intérêt, au moment où il en a besoin. C’est le principe d’un quartier de maisons individuelles : chacun est maître chez soi et sur son terrain, c’est ce que garantit la propriété individuelle.

C’est aujourd’hui du ressort des politiques publiques de prendre cette question à bras-le-corps. Mais nous n’avons pas encore tous les outils pour remettre en question les mécanismes de densification à la parcelle de biens individuels occupés par leur propriétaire. On reste focalisé sur le “parcelle par parcelle” et on peine à développer des visions à l’échelle du quartier. Or c’est à cette échelle que l’on pourrait arriver à préserver les espaces libres, comme les cœurs d’îlots dans certains cas, mais pour cela il faut vraiment avoir une vision plus haute, à l’îlot voire au quartier. Surtout que le quartier est un site d’étude facilement identifiable grâce à sa morphologie urbaine, et pour lequel il serait intéressant d’avoir au moins un schéma directeur, qui pourrait mettre en évidence les éléments à préserver ou à développer, comme les corridors écologiques ou des parcours pour les mobilités douces, sans forcément contrarier les intérêts des propriétaires et les priver de leur propriété privée.

DANS VOTRE THÈSE, VOUS AVEZ CONSTRUIT PLUSIEURS SCÉNARIOS PROSPECTIFS D’ÉVOLUTION DES TISSUS PAVILLONNAIRES, POUVEZ-VOUS NOUS LES PRÉSENTER EN QUELQUES MOTS ?

La thèse a développé 5 scénarios prospectifs entre 2015 et 2050. On a d’abord un premier groupe avec les scénarios “Caducité” et “Exclusivité”, qui se basent sur une idée de poursuite du modèle actuel. Le scénario “Caducité” présente un quartier de maisons individuelles éloigné de tout, dans un secteur peu attractif, et qui a du mal à se renouveler. Dans le scénario “Exclusivité”, on est à l’inverse dans un endroit relativement attractif, avec une volonté des propriétaires de maintenir les valeurs de leur bien, et donc on suppose une augmentation des prix et une protection des terrains pour préserver la maison comme un bien d’exception.

Le scénario “Exclusivité” est surtout applicable à la Suisse, où la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire tente de stopper l’étalement urbain, notamment en redimensionnant les zones à bâtir et en basculant les terrains constructibles non bâtis dans les franges du territoire urbanisé, attribués il y a plus de 15 ans, en zones agricoles. Donc progressivement cela va augmenter la pression sur les quartiers de maisons individuelles existants, car les nouveaux quartiers ne présentent pas les mêmes qualités, ils sont beaucoup plus denses et ne se composent plus de villas individuelles. Dans ce cadre-là, la maison devient un bien d’exception, notamment lorsqu’elle présente des vues (sur le lac, sur les Alpes, …). Dans ce scénario “Exclusivité”, on essaye donc de conserver au mieux ces qualités pour les prochaines années.

Le troisième scénario, “Opportunité”, repose sur une densification douce, parcelle par parcelle. Ce sont des mécanismes au coup par coup très courants actuellement, avec une large palette de projets (agrandir sa maison, construire en fond de parcelle, etc.).

Dans les deux derniers scénarios, on essaye de mettre en œuvre une vision à l’échelle du quartier. Le scénario “Urbanité” consiste en quelque sorte à re-répartir les droits à bâtir pour créer des logements collectifs dans le quartier. Ce scénario permet par exemple de reloger des personnes âgées à l’intérieur même de leur quartier, quand leur logement n’est plus adapté à leurs besoins. Les quartiers d’habitat pavillonnaire ont par ailleurs un foncier très fragmenté, ce qui les rend difficilement praticables pour les piétons, qui doivent parfois faire des détours importants pour aller d’un point à un autre. Rien qu’en ayant cette vue d’ensemble et en créant des sentes piétonnes, cela peut déjà changer la donne.

Le dernier scénario, “Mutualité”, est encore plus radical dans la transition. Dans ce scénario, on considère des maisons construites dans les années 70 ou 80, qui ne présentent pas de qualités particulières. Ainsi, si une maison n’a pas été rénovée au bout de 50 ans (ce qui correspond à la durée d’amortissement de son énergie grise, soit l’énergie mise en œuvre pour construire le bâtiment), on active un processus de démolition/reconstruction. Mais au lieu de reconstruire sur place, on réorganise progressivement le bâti avec des formes urbaines intermédiaires, en mutualisant les espaces verts de pleine terre. On cherche donc une meilleure intégration dans le paysage. Cette mutualisation permet de créer des jardins partagés, par exemple pour mieux organiser la production alimentaire sur place (car la gestion peut être collective), ou concevoir des lieux communautaires, ou encore des espaces de jeux pour enfants. Les scénarios “Urbanité” et “Mutualité” ont en commun la volonté de réintégrer les quartiers dans l’agglomération dans laquelle ils se trouvent.

 AVEC LE RECUL, AVEZ-VOUS L’IMPRESSION D’AVOIR ÉPUISÉ LES POSSIBLES ?

Pas vraiment, mais on parle de scénarios donc ce sont par définition des caricatures. Il peut exister des milliers de variations et de mélanges entre ces scénarios. Donc, oui, il y a sans doute une autre voie, mais je n’en n’ai pas forcément vu d’autre aussi nette que les cinq évoquées précédemment. Après, il y a évidemment “on rase tout et on fait beaucoup plus dense”, mais ce n’était pas du tout la solution que je souhaitais ! J’ai vraiment travaillé dans l’optique de faire avec ce que l’on a, en respectant le principe de la propriété individuelle qui est fondamental. Mon objectif était de travailler avec les qualités internes des quartiers, de conserver la même densité, tout en cherchant une réorganisation, doucement, et en accord avec les habitants.

POUR FAIRE ÉVOLUER CES TISSUS, QUELLE EST LA RESPONSABILITÉ DES DONNEURS D’ORDRES, DES PRENEURS DE DÉCISIONS ET GLOBALEMENT DES INSTITUTIONS TERRITORIALES AUJOURD’HUI ?

Ce qui est fondamental c’est d’avoir cette vision à l’échelle du quartier. Il faut donc trouver les outils pour le faire et c’est la question que je me pose encore aujourd’hui. Les schémas directeurs à l’échelle du quartier, les mécanismes de redistribution des droits à bâtir sont des solutions. Il nous faut trouver des manières de réglementer, tout en donnant de la flexibilité pour innover, sans être contraint de toujours travailler à la parcelle.

QUELLES SONT POUR VOUS LES ACTIONS À MENER EN PRIORITÉ ?

En priorité c’est la question de la performance énergétique qu’il faut régler. Les quartiers de grande périphérie des agglomérations, qui se sont développés dans la seconde moitié du 20ème siècle et qui sont très dépendants de l’automobile, sont généralement au bout de leur première phase d’occupation. On assiste donc à une transition entre des ménages qui s’en vont et d’autres qui s’installent, et cette phase s’accompagne de travaux pour adapter les logements. Et c’est dans ce moment charnière qu’il est important d’intervenir systématiquement pour encourager les travaux d’amélioration globale de l’enveloppe du bâtiment (murs, toiture, fenêtres, etc.), d’employer des systèmes de chauffage plus performants et utilisant des énergies renouvelables. Sans incitations publiques, ces travaux lourds risquent d’être fortement retardés. Un autre point qui me tient à cœur, et qui est difficile aussi à transmettre, c’est qu’avec le scénario “Opportunité”, de densification douce, les bâtiments et/ou les parcelles sont divisées et on a progressivement une fragmentation du foncier. Le risque, si ce mécanisme est développé dans tous les quartiers pavillonnaires, c’est que dans 30 ou 40 ans, on soit encore face à face, à se poser la même question qu’aujourd’hui : “qu’est-ce qu’on fait ?”. Car certes, on aura des quartiers plus denses, mais ils seront aussi beaucoup plus complexes à transformer, car les parcelles seront plus petites et les propriétaires plus nombreux. C’est une situation que l’on observe déjà dans les lotissements denses.

POUR CONCLURE, SELON VOUS, CE SERAIT QUOI, LE FUTUR HEUREUX ET DÉSIRABLE ?

Selon moi, les quartiers de maisons individuelles sont un élément de notre patrimoine, de notre héritage, c’est vraiment le tissu du 20ème siècle. C’est aussi un mode de vie plébiscité, recherché, et il serait dommage de le voir disparaître au nom de la densité. Il faut réussir à en préserver l’identité et le cadre de vie, qui sont aujourd’hui les deux points positifs de ces endroits là. Mais pour cela il faut réussir à développer réellement des quartiers de maisons individuelles, et pas simplement cette nappe dans laquelle on habite. Il faut donc intégrer ces quartiers au fonctionnement des communes, en y amenant des services, des activités et de la mixité.

Événement : l’AUCM organise le premier club régional « Planif’Territoire » 2023 sur le ZAN, le 25 Avril à Gerzat

En 2023, le réseau PLANIF TERRITOIRES (ex club PLUi) ouvre une nouvelle ère en matière de planification territoriale. Plus large et inclusif, ce réseau s’adresse désormais à l’ensemble des acteurs de la planification territoriale, en intégrant la planification stratégique (SCoT) et en resserrant les liens avec les élus afin de les accompagner dans la mise en œuvre de leurs transitions.

Piloté par l’État et accompagné des 4 agences d’urbanisme de la région Auvergne Rhône-Alpes à savoir Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, et Clermont Ferrand (Urba4), le premier évènement du réseau régional se tiendra à Gerzat sur la question de l’adaptabilité et de l’acceptabilité des territoires aux enjeux du ZAN.

Autour de grands témoins, d’élus et d’experts locaux, cette journée nous permettra de partager et d’échanger sur les nouveaux modes de faire qui incubent dans les territoires (gouvernance, méthode, leviers, expérimentations) et comment ces territoires s’approprient les enjeux de la sobriété foncière pour en devenir acteurs.

Dans la continuité du webinaire « Vers la sobriété foncière : comprendre, observer, agir » du 8 décembre 2022, ou du cycle sur l’urbanisme métropolitain face à l’urgence écologique et sociale de la métropole clermontoise, cet évènement s’inscrit pleinement dans la démarche de sensibilisation et d’accompagnement des territoires à la mise en œuvre de la sobriété foncière engagé par l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central au profit de ses adhérents.

Cette journée est à destination des élus comme des techniciens des collectivités. Nous vous attendons nombreux.

Voir la Vidéo de présentation (Dailymotion)

CLUB RÉGIONAL PLANIF TERRITOIRES – 25 AVRIL 2023
DE 9H30 À 16H00 – A GERZAT (SALLE LE GALION)

 PROGRAMME :

La Récré-Action continue ! Deuxième rencontre : Nos héritages, ou comment faire l’habitat en partant de l’existant ?

Dans le cadre de l’élaboration du PLU de la Métropole clermontoise, l’Agence d’urbanisme anime un cycle intitulé :
« L’urbanisme métropolitain face à l’urgence écologique et sociale ». Cette formation-action expérimentale recrée du sens et encourage l’adoption de bonnes pratiques. Nous avions conçu ce cycle Recré-action en connaissance de cause : la remise en question des ethos, c’est-à-dire de nos habitudes et manières d’être, complexifie la mission déjà ardue des élus et techniciens des collectivités territoriales. D’un côté s’imposent des règlements encadrant l’aménagement, le Zéro Artificialisation Nette par exemple ; de l’autre des revendications d’administrés fondées sur nos héritages : dépendance à l’automobile et désir de la maison pavillonnaire individuelle. Le tout formant des contradictions, avec lesquelles il convient de jongler.

QUESTIONNER NOS HÉRITAGES

Le 27 février 2023, une trentaine d’élus et de techniciens des communes du territoire métropolitain et de la métropole clermontoise ont ainsi bénéficié de retours d’expériences, d’éclairages d’experts, et d’une mise en mouvement sous forme d’un jeu de débat. Ce dont nous héritons, nos rapports au logement, les choix en matière d’habitat et la soutenabilité de modèles existants ont été questionnés au regard des défis de transition écologique et de sobriété foncière.

Les propos introductifs de Christine Mandon (2) , ont invité les participants à “prendre à bras le corps” l’urgence climatique et sociale, en convoquant créativité et pouvoir d’agir.

Interroger la pertinence des modèles passés et actuels en matière d’habitat et d’aménagement des espaces répond à cet objectif : il est nécessaire de repenser les tissus urbains dont nous héritons, mais aussi de faire évoluer les attentes des habitants.

L’HÉRITAGE URBAIN DE LA MÉTROPOLE : CONTRAINTE OU OPPORTUNITÉ ?

La moitié du tissu urbain métropolitain existant est constitué de maisons individuelles, composées en diverses formes: du pavillonnaire diffus aux lotissements structurés, en passant par des cités jardins. Ce mode d’aménagement, dont nous héritons, atteint aujourd’hui des limites. Il consomme du foncier de manière excessive et éloigne les publics les moins aisés des centres urbains.

En ce sens, Diane Deboaisne (3) a présenté une étude réalisée par le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement du Puy-de-Dôme intitulée “(P)réparer les tissus pavillonnaires” (4) pour inciter les participants à considérer les différentes typologies de parcellaires engendrées par les développements urbains liés à la construction de maisons individuelles. Sur le territoire d’Aubière, 5 typologies ont ainsi été repérées : les tissus en cours de densification, l’étalement linéaire, les lotissements, le comblement diffus et l’étalement en nappe. Finalement, les tissus pavillonnaires ont aussi des qualités à préserver et mettre en valeur : proximité de la nature, zone de tranquillité, îlots de fraîcheur, potentiel pour une vie sociale de qualité.

INTERVENIR DANS LES TISSUS EXISTANTS : DES MOYENS D’ACTION MAIS AUSSI DES QUESTIONS

Amandine Hernandez, directrice des opérations chez Villes Vivantes et Camille Perez, cheffe de projet Opérations d’aménagement à Clermont Auvergne Métropole ont présenté (5) le projet Bamba (6), expérimentation menée sur le quartier de Champratel. Ce dispositif basé sur un accompagnement sur-mesure des porteurs de projets, futurs habitants, vise à créer des logements abordables à proximité des centres urbains, des transports en commun, commerces et autres aménités. En complément, le dispositif BIMBY, pour Build in my backyard, présenté comme une autre option d’intervention pour compléter une trame urbaine, a pour principe de mobiliser, selon le bon vouloir de leur propriétaire, le potentiel de division foncière de parcelles privées.

Un des leviers d’action favorable aux enjeux climatique et social est de questionner les porteurs de projets à propos de la surface, en mètres carrés, qu’ils estiment nécessaire et qu’ils désirent, dans une perspective de créer des logements plus sobres, tout en assurant les fonctions protectrices, sociales et récréatives attendues d’un espace habité.

Cette manière d’agir a fait réagir les élus et techniciens présents : Bamba comme Bimby introduisent de nouvelles maisons sur des terrains vierges, en foncier privé ou mis à disposition par la collectivité. Les participants se sont interrogés sur la faisabilité de cette expérimentation à différentes échelles de territoire et sur l’inadaptation des outils réglementaires et institutionnels disponibles pour agir dans ce type de tissus morcelés, aux mains de différents propriétaires et dont la mutabilité est lente, fastidieuse, qui nécessite une vision d’ensemble de long terme.

UN TEMPS LUDIQUE CENTRÉ SUR LES ENJEUX DU LOGEMENT

Pour dépasser ces freins et mettre en mouvement élus et techniciens, l’Agence d’urbanisme a proposé un jeu de débat prospectif : “Recré-acteurs d’espaces habitables”, pour discuter des formes de logements sobres et désirables à l’horizon 2040. A partir de trois scénarios démographiques distincts : la déprise, la stabilité et l’accroissement, les participants ont incarné différents rôles, le temps d’une partie : bâtisseurs, habitants, acteurs fonciers ou acteurs de la collectivité. Ils ont également avancé dans le temps, de 2030 à 2040. A travers une réflexion à la fois individuelle et collective, les participants ont ainsi débattu des besoins humains et de leurs évolutions : perte d’autonomie, veuvage, décohabitation, agrandissement des familles, accueil de réfugiés climatiques…

Pour autant, des affirmations n’ont pas été remises en question : le désir des habitants du territoire d’accéder à la propriété, et une préférence pour la maison individuelle resteraient d’actualité, même si les participants s’accordent sur la nécessité de préserver le foncier et de densifier les espaces déjà bâtis.

Il a été par ailleurs souligné que changer de modèle impose de faire évoluer tous les acteurs des chaînes de construction. Comment alors concilier des intérêts divergents entre consommation foncière et logique du moindre coût ? Comment rendre financièrement équilibrées les opérations de reconstruction, démolition ou extension en renouvellement urbain et celles de résorption de la vacance ? Changer de modèles d’habitat, si cela est possible, peut-il être socialement équitable ou se traduirait-il par l’imposition d’une nouvelle norme aux plus précaires tandis que les familles les plus aisées auraient le choix ?

ABORDER LE CHANGEMENT : UN BILAN MITIGÉ POUR LE MOMENT

Le bilan de cette deuxième séance, dont nous invitons à lire la publication compte-rendu, montre des résistances au changement encore bien ancrées et la persistance d’idées préconçues sur l’habitat et les besoins auxquels celui-ci répond. Ainsi, la séance a souligné un paradoxe majeur : il y a à la fois un désir d’indépendance, quitte à s’éloigner des aménités urbaines et un fort besoin de lien social, parfois impacté par ce choix.

Ces contradictions naissant de la diversité d’attentes simultanées seront explorées lors de la troisième rencontre de Recré-action, qui portera sur les transitions et plus particulièrement sur comment guérir de notre addiction à l’automobile. Un programme prévisionnel détaillé est disponible en dernière page du compte-rendu.