Archives

Passoires thermiques : de la nécessité d’unir nos efforts en Auvergne-Rhône-Alpes !

Pour accélérer la rénovation énergétique et limiter la précarité qui en résulte, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 prévoit l’interdiction progressive d’ici à 2034 de la mise en location des logements énergivores dits « passoires thermiques »[1]. Cette interdiction basée sur l’étiquette énergétique issue du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) du logement devrait fortement impacter le marché locatif. Elle s’inscrit également dans un objectif de sobriété foncière liée au Zéro Artificialisation Nette (ZAN), en obligeant à optimiser l’usage du parc de logements existant. La lutte contre les passoires thermiques constitue dès lors un défi d’ampleur, mobilisant l’ensemble des politiques publiques du logement, de l’urbanisme et de la maîtrise de l’énergie.
Afin d’appréhender les impacts de cette mesure, le réseau des quatre agences d’urbanisme d’Auvergne-Rhône-Alpes (Urba4) et l’ADEME ont proposé un cadre de réflexion et d’échanges aux collectivités, EPCI et acteurs de l’habitat de la région à travers la réalisation d’une étude dédiée, amorcée en 2022 et clôturée par un séminaire le 5 décembre 2023 [2].
Deux problématiques ont guidé les travaux et réflexions du groupe : quels sont les principaux impacts et enjeux de l’interdiction annoncée de mise en location ? Quels leviers peuvent être activés par les territoires pour agir sur les passoires thermiques ?
Pour y répondre, deux approches ont été déployées. Tout d’abord la quantification et la cartographie du phénomène à l’échelle régionale, pour permettre une meilleure connaissance et un potentiel suivi des logements étiquetés F et G [3]. En parallèle, l’organisation de groupes de travail et d’échanges sur les politiques publiques mobilisables et re-mobilisables pour agir sur ces logements, selon deux situations territoriales diversifiées : un groupe pour les territoires ruraux, un groupe pour les métropoles de la région AURA.

Vers une contraction massive du parc locatif privé en Auvergne-Rhône-Alpes ?

Selon les résultats du travail d’estimation mené dans le cadre de l’étude Urba4 [4], plus d’un million de logements seraient des passoires thermiques F et G à l’échelle régionale, soit 21 % du parc de logements. Ces passoires sont particulièrement nombreuses dans le parc de logements antérieur à 1975 (avant les premières réformes thermiques), où plus d’un logement sur 3 aurait un DPE F et G, mais aussi dans les logements de petites surfaces : 27,1 % de passoires estimées parmi les maisons de moins de 80 m² et 24,8 % parmi les appartements de moins de 60 m². A noter sur ce dernier point que les récentes annonces gouvernementales sur un réajustement de la méthode de calcul du DPE en faveur des petites surfaces, actuellement discriminées, pourraient réduire la part de passoires thermiques parmi ces logements[5].

Le parc locatif privé devrait être le segment du parc locatif le plus impacté par la réglementation, les logements y étant moins souvent réhabilités que dans le parc social. En Auvergne-Rhône-Alpes, 147 000 logements – soit 19,3 % du parc locatif privé – sont estimés être des passoires thermiques (F et G). Parmi ces logements, 60 000, soit 40 % d’entre eux, se situent au sein des quatre métropoles de la région. En volume, les passoires thermiques se concentrent ainsi sur les espaces urbains denses, où un enjeu de massification de la rénovation énergétique apparaît. Pour autant, en pourcentage de parc, les secteurs ruraux et de montagne sont amenés à être plus impactés. Le parc locatif privé étant généralement faible dans ces zones, l’interdiction de location, même de peu de logements, impactera fortement l’offre locative disponible sur ces territoires. Les conséquences et enjeux liés à l’interdiction de mise en location des passoires thermiques sont donc bien distincts selon les territoires.

De la nécessité d’engager une  démarche de rénovation du parc locatif privé

Les acteurs rencontrés lors de l’étude mettent en avant plusieurs enjeux liés à cette réduction annoncée de l’offre locative privée. Les solutions d’accompagnement existantes sont jugées insuffisantes au vu du volume de passoires thermiques à rénover, et la massification nécessaire de la rénovation thermique des logements apparaît difficile à mettre en œuvre. 

D’autres freins à une rénovation significative du parc locatif privé sont évoqués : capacité des propriétaires à réaliser des travaux  -par manque de ressources financières ou difficultés à se lancer dans des travaux-, difficultés à faire voter les travaux dans les copropriétés, absence de budget suffisant dans les collectivités pour accompagner financièrement cette rénovation par le biais de subventions complémentaires de celles de l’Etat.

Sans possibilité de réaliser les travaux nécessaires pour continuer à louer leur bien, les propriétaires-bailleurs pourraient adopter différentes stratégies : la mise  en vente de leur logement, qui interroge la capacité de l’acquéreur à réaliser les travaux et fait donc peser un risque de voir augmenter le nombre de propriétaires-occupants en précarité énergétique ; le report vers la location touristique du bien, le parc touristique n’étant pas concerné par l’interdiction de mise en location ; la mise en vacance du bien, par un désengagement du propriétaire qui ne souhaite ni vendre, ni réaliser de travaux ; le non-respect de l’interdiction et la mise en location du bien auprès de ménages précaires. 

La sortie massive de logements du parc locatif privé pourrait également avoir des répercussions sociales. Les passoires thermiques du parc privé sont souvent des logements occupés par des ménages relativement modestes. La faible qualité thermique de ces logements  maintient leurs loyers à des niveaux plus accessibles, ce qui confère à ce parc un rôle de parc social « de fait ». Dans ce contexte, la contraction du parc locatif privé pourrait accentuer les difficultés de logement de ménages modestes, qui se reporteront vers le parc social, contribuant à en accentuer la tension.

Globalement, la réduction probable de l’offre locative privée du fait de rénovations thermiques  insuffisantes, pourrait accentuer la tension sur les marchés locatifs. Dans un contexte de sobriété foncière, le développement d’une offre dans le neuf suffisante pour combler le retrait des passoires thermiques du parc n’est toutefois pas une solution envisageable. Ainsi, afin de maintenir une offre locative à la hauteur des besoins, les territoires n’ont d’autres choix que d’identifier des  leviers pour agir sur les passoires thermiques.

Divers leviers mobilisables et re-mobilisables par les territoires pour agir sur les passoires thermiques

Lors des groupes de travail, les acteurs mobilisés ont, au travers de leurs retours d’expériences, mis en avant plusieurs leviers pour agir sur les passoires thermiques. 

Premier levier, planifier, pour intégrer la rénovation énergétique dans des stratégies territoriales globales : les stratégies de lutte contre les passoires thermiques développées par les territoires nécessitent, pour plus d’efficacité et de cohérence avec l’ensemble des politiques du territoire dans un contexte de sobriété foncière, d’être inscrites dans les différents documents d’urbanisme (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal, Programme Local de l’Habitat…) afin d’avoir une vision territorialisée de la rénovation et de cadencer celle-ci dans le temps. Ces démarches de rénovation peuvent aussi s’inscrire dans des stratégies plus globales de revitalisation des territoires (Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain…), notamment dans les secteurs plus ruraux, pas toujours dotés de documents d’urbanisme.

Deuxième levier, inciter et accompagner la rénovation énergétique par un appui à des dispositifs d’accompagnement complets (financier, technique et administratif) à destination des particuliers, mais également des professionnels de l’immobilier. 

Troisième levier, contraindre, pour remobiliser des biens et enclencher une dynamique de rénovation énergétique : des outils tels que le permis de louer [6] ou la taxe sur les logements vacants,  au-delà de leur caractère coercitif, sont avant tout des portes d’entrées pour enclencher auprès des propriétaires de logements énergivores une dynamique de rénovation énergétique, voire anticiper des situations de dégradation.

Plus globalement, un besoin d’améliorer la connaissance des logements en situation de passoires thermiques pour développer des outils adaptés est également apparu : l’ensemble des acteurs fait le constat de l’existence d’une multitude de sources de données et d’outils, rendant la connaissance du phénomène peu lisible et peu précise. Ils soulignent ainsi l’intérêt de disposer d’un outil harmonisé de connaissance des passoires thermiques pour proposer des solutions de rénovation adaptées aux caractéristiques de chaque territoire. 

Si ces différents leviers ne sont pas mobilisables de la même manière par l’ensemble des territoires – les territoires ruraux par exemple n’étant pas tous dotés de documents d’urbanisme leur permettant de planifier la rénovation – tous mettent en avant la nécessité de s’appuyer sur une stratégie globale et un écosystème d’acteurs pour mettre en œuvre une rénovation efficiente, à la hauteur des enjeux soulevés par l’interdiction de mise en location des passoires thermiques.

Unir les efforts pour lutter contre la rénovation énergétique paraît ainsi une nécessité.

La recré-action fait son chemin, en reconsidérant la place du vivant dans la fabrique urbaine

Réintroduire le vivant dans les cours d’écoles

La cour de l’école primaire de Châteaugay a constitué le premier arrêt de cette balade. A cette occasion, Thomas Weibel, conseiller délégué à la ville de Clermont-Ferrand en charge de la végétalisation des cours d’école et Elodie Sauzède, chargée de mission Nature en ville à la ville de Clermont-Ferrand ont présenté à deux voix le projet “Respire la récré” qui consiste à redonner une place à la nature dans les cours d’école clermontoises. 

Issu d’une promesse électorale forte, ce projet hérite du constat selon lequel les cours d’école sont inadaptées aux besoins des enfants, tant en termes de développement social, humain et cognitif qu’en termes de motricité. Réintroduire le vivant dans ces espaces a des effets très positifs pour le développement des compétences motrices des enfants, la pratique de l’activité physique mais aussi pour le confort de tous, en rafraîchissant les espaces extérieurs. Deux dimensions de projets et d’enveloppes budgétaires qui y sont consacrées ont été prévues. Dans le cas des projets les plus modestes, la co-construction avec l’ensemble des personnes fréquentant les établissements concernés, principe opérationnel général, se double de leur participation active. Enseignants, animateurs périscolaires, parents d’élèves et élèves sont invités à contribuer aux travaux, aux plantations et aux transformations des espaces. La transformation progressive des cours d’école donne des résultats très positifs et le projet gagne, suite à des premières expériences, en fluidité et en capacité d’essaimage. 

Mieux comprendre les arbres pour en faire nos alliés face au changement climatique

Dans un second temps, Thierry Ameglio, directeur de recherche à l’UMR PIAF, a présenté le travail de son laboratoire de recherche sur la “Physique et Physiologie Intégrative de l’Arbre en environnement Fluctuant” (PIAF) au groupe rassemblé dans le parc Jay. Spécialisé depuis plusieurs années sur la question de la végétation en ville, les travaux de ce laboratoire s’intéressent aux effets sur tous types d’arbre des conditions environnementales particulièrement contraintes que les environnements urbains proposent aux sujets : sol limité, chaleur émanant des bâtiments… Le PIAF participe ainsi actuellement à plusieurs expérimentations destinées à éclairer les choix d’avenir pour les plantations nouvelles au regard du contexte climatique et de la résistance connue des espèces végétales. Thierry Ameglio a partagé avec le groupe l’exemple de l’observation en cours sur les arbres du quartier Saint-Jacques à Clermont, exposés à de nouvelles conditions de vie suite à la destruction de la “Muraille”. Une instrumentation permet de suivre, par des capteurs positionnés sur les sujets observés, le bien-être et le niveau de stress hydrique auquel ils sont confrontés. Thierry Ameglio a ainsi fait remarquer qu’une suite de jours chauds sans précipitations avait permis d’observer une réduction du diamètre des branches de ces arbres. 

Se mettre à la place des arbres, une manière de sortir d’une approche utilitariste ?

En guise de transition vers le moment de la séance consacrée à la balade sensible, Stéphane Cordobes, directeur de l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central a noté le maintien d’une vision très utilitariste des végétaux dans les présentations proposées : les arbres sont considérés pour leur intérêt pour le confort des humains et utilisés pour les apports en matière de qualité de vie induits. La transformation culturelle importante que le contexte d’urgence écologique, climatique et sociale impose impliquerait cependant davantage de lier de nouvelles relations avec la végétation et les animaux en redéfinissant la nature de nos cohabitations, de nos liens et du partage des ressources nécessaires aux besoins du vivant, toutes espèces confondues. 

Mentionner, comme l’a fait Thierry Ameglio, l’existence d’un “cri de l’arbre” lorsque celui-ci est soumis à des événements stressants peut-il contribuer à nous relier davantage à ces vivants non humains ? C’est ce que la balade sensible s’est attachée à produire, en invitant les participants à se mettre “dans la peau d’un arbre” et à imaginer ce que les arbres nous diraient s’ils partageaient le même langage que nous. Cette expérimentation a été perturbée par une collision entre un véhicule et un chien à proximité du groupe. Cependant, cette expérience commune a mis l’accent sur plusieurs notions telles que la fragilité du vivant et l’insécurité et la conflictualité des espaces urbains. L’acceptabilité sociale, qui préoccupe les acteurs du territoire, a également constitué un fil rouge de cette séance. Entre des riverains qui s’opposent parfois à laisser davantage d’espace aux végétaux, la pression foncière, des demandes toujours croissantes d’espaces à urbaniser et les limites des outils réglementaires et de leur application, les élus ont exprimé un certain découragement quant à leur capacité à protéger les végétaux et à contribuer à la transformation des imaginaires et au développement de nouvelles formes de relations et d’interactions avec la végétation et les animaux. 

En conclusion, les participants ont exprimé une volonté de transformer les manières de travailler et d’être au monde, notamment en partant du PLU de la Métropole, non comme un document figé mais comme un lieu de réflexion et de mise en oeuvre susceptible de recevoir des ajustements et nécessitant, de ce fait, un travail collaboratif en continu à maintenir sur la durée de son exécution.

Un marché locatif privé de l’agglomération clermontoise encore accessible mais amené à se tendre dans les années à venir ?

Un marché locatif privé local abordable et dynamique en comparaison des OLL du réseau

Avec un niveau de loyers hors charges observé de 9,3 €/m² tous types de logements confondus en 2022, l’agglomération clermontoise fait partie des territoires où les niveaux de loyers sont les moins élevés : vingtième niveau de loyer le plus bas sur les 54 territoires observés par le réseau [4]. L’agglomération clermontoise est ainsi parmi les territoires les plus abordables comparativement aux autres territoires couverts par un OLL. Pour autant, son marché locatif privé connaît un dynamisme à la relocation : il est constaté un écart moyen de +0,7 €/m² entre les logements loués dans l’année et l’ensemble des logements loués du parc privé, proche de la moyenne nationale. Dans les marchés les moins dynamiques, cet écart est inférieur à 0,5 €/m² et supérieur à 0,8 €/m² pour les marchés les plus dynamiques. Ces résultats confirment les tendances observées lors des précédentes enquêtes.

Néanmoins, ces loyers sont aussi à apprécier au regard des capacités des ménages à les payer. De ce point de vue, le marché locatif privé clermontois est accessible, au regard des revenus des ménages du territoire et des niveaux de loyers pratiqués, et proche du marché locatif privé nancéien [5] : les revenus annuels médians des locataires [6], de l’ordre de 19 900€, permettent d’accéder sans trop de difficulté à des logements loués autour de 9,8€/m². Du fait de revenus annuels médians disponibles moins élevés (16 900€) pour des niveaux de loyers équivalents, le marché locatif nîmois est en comparaison plus tendu. Parmi les autres marchés comparables au marché clermontois, le marché locatif privé tourangeau est lui aussi équilibré mais à des niveaux de loyers et de revenus disponibles plus élevés (10,4 €/m² et 20 700€), quand le marché stéphanois se caractérise par des niveaux de loyers et des revenus disponibles beaucoup plus bas (7,4 €/m² et 17 400€).

Les disparités de loyers observées sur le territoire de l’agglomération clermontoise

Les niveaux de loyers [7] observés au sein de l’agglomération clermontoise sont très différenciés au regard des caractéristiques des logements, dont certaines sont à même de faire croître le loyer. Ainsi, la localisation, la taille, la période de construction, le type du logement sont autant de critères qui font qu’un bien est plus ou moins recherché, et son montant de loyer plus ou moins élevé.

Caractéristiques du logement impactant à la hausse le montant du loyer au sein du Grand Clermont

Caractéristiques du logement Impact sur le montant du loyer
Localisation +2 €/m² pour un logement situé à Clermont-Ferrand comparativement à un bien situé en dehors de la métropole
Taille du logement +2,7 €/m² pour un T1 comparativement à un T2
Type d’habitat +1,4 €/m² pour un appartement par rapport à une maison
Epoque de construction +1,8 €/m² pour un logement construit après 2005, par rapport à un logement de la période 1946-1970

Les logements récents ont par exemple une consommation énergétique moindre, qui se traduit souvent par des montants de loyer plus élevés pour ces biens. De la même façon, les loyers des petits logements sont relativement plus élevés car ils correspondent à la demande majoritaire des jeunes ménages actifs en emploi (55 %) ou des étudiants (19 %), vivants seuls (62 %), à proximité des zones d’études ou d’emplois : cette adéquation avec les besoins des locataires joue sur l’attractivité des T1 et T2 et donc sur le montant de leur loyer.

Si les niveaux de loyers en €/m² sont les plus élevés au centre de Clermont-Ferrand, c’est en dehors de la métropole que le coût du logement est le plus élevé pour les ménages locataires du parc privé. En effet, le parc locatif dans cette zone est composé essentiellement de grands logements (46 % de T4 ou +) et de maisons (50 %). La taille des logements étant plus importante (55 m² en moyenne au centre contre 78 m² hors métropole), le loyer médian en euros y est finalement plus élevé. Ainsi, un locataire en dehors de la métropole paie un loyer médian de 540 € contre 486 € pour un locataire dans Clermont-Ferrand.

Un parc locatif privé plus difficile d’accès dans la métropole clermontoise et la ville-centre

Dans la plupart des EPCI du Grand Clermont, le parc locatif privé est facilement accessible [8] aux ménages du territoire : 70 % des ménages ont accès à plus de 90 % du parc locatif privé. Pour autant, cette accessibilité est plus restreinte à Clermont-Ferrand où seulement la moitié des ménages ont accès à 90 % ou plus du parc locatif privé. Dans la ville-centre, les ménages les plus modestes n’ont d’ailleurs accès qu’à 10 à 25 % du parc locatif privé.

Accéder à un logement locatif est une chose, pouvoir supporter les augmentations de loyer en est une autre. De 2016 à 2020 [9], le revenu médian des locataires du parc privé de Clermont Auvergne Métropole a augmenté de 4,8 %, là où les niveaux de loyers avaient augmenté de 3,9 %. Sur cette période, l’augmentation des revenus des locataires du parc privé leur permet donc de supporter le coût de leur loyer et leur augmentation. Pour autant, à Clermont-Ferrand, le revenu médian des locataires du parc privé a connu une augmentation de 4,2 % sur cette période tandis que les niveaux de loyers avaient augmenté de 4,4 %. Dans la ville-centre, le marché locatif privé est ainsi plus tendu, les loyers ayant augmenté plus rapidement que les revenus des locataires du parc privé.

Entre 2016 et 2022, les niveaux de loyers sont passés de 8,6 €/m² à 9,6 €/m², soit une hausse de 0,7 €/m² à l’échelle de l’agglomération clermontoise, dont + 0,3 €/m² entre 2020 et 2022, signe d’une accélération de cette tendance à la hausse. Cette augmentation a été plus importante à Clermont-Ferrand, où les loyers ont augmenté de 0,9 €/m² sur la période 2016-2022. Le contexte estudiantin de la ville corrélée à, la forte présence de petits logements dans le parc locatif privé (60 % de T1 et de T2), et l’importante mobilité des locataires (36 % des locataires clermontois ont emménagé il y a moins d’un an) sont en effet plus à même de faire augmenter rapidement les niveaux de loyers.

Un marché locatif privé qui pourrait se tendre ?

Les niveaux de loyer du marché locatif privé de l’agglomération clermontoise pourrait continuer à augmenter, avec pour conséquences des difficultés plus importantes pour se loger, notamment à Clermont-Ferrand et pour les plus modestes. Pour autant, ce risque devrait être limité pour les locataires en place, au moins jusqu’à la fin du 1er trimestre 2024, le gouvernement ayant décidé de plafonner l’IRL [10] à 3,5 % jusqu’à cette date en raison de l’inflation.

L’interdiction progressive de mise en location des “passoires thermiques” [11] pourrait également entraîner une contraction du parc locatif privé, avec pour conséquence des difficultés prégnantes d’accès au logement locatif privé pour les ménages modestes souvent occupants de ces logements. Les logements construits avant les premières réformes thermiques, insuffisamment isolés au regard des exigences actuelles représentent un peu plus de deux logements sur cinq dans le parc locatif privé de l’agglomération clermontoise. Localement, il est estimé que 19 % des logements du parc locatif privé du Grand Clermont, toutes époques de construction confondues, sont des « passoires thermiques » (DPE F et G) [12]. Le volume de logements mis en location pourrait ainsi se réduire dès 2025 si les propriétaires n’engagent pas de travaux de rénovation énergétique.

Enfin, le développement du parc des locations meublées pourrait également contribuer à tendre le marché locatif privé clermontois. Ces dernières années, les locations meublées connaissent un essor important sur le territoire, marqueur du développement du marché de la location étudiante sur la métropole. Leur volume a fortement augmenté entre 2013 et 2019, passant de 6 315 logements à 8 220 logements à l’échelle du Grand Clermont. La majorité de ces locations meublées se situent à proximité des lieux d’études, 80 % des meublés du parc locatif privé du Grand Clermont se situant à Clermont-Ferrand. Une location meublée se louant plus chère qu’une location vide (+2, 7 €/m² pour un T1 meublé par rapport à T1 loué nu), les propriétaires bailleurs sont attirés par ce mode de location, et pourraient l’être de plus en plus puisque les locations meublées ne sont pas concernées par l’interdiction de location des passoires thermiques.

L’augmentation des loyers observée, bien qu’encore supportable par les ménages locataires du parc privé, la possible contraction de l’offre locative privée liée à l’interdiction de mise en location des passoires thermiques et la part de plus en plus conséquente de logements meublés aux loyers plus élevés sont autant de facteurs qui pourraient amener le marché locatif privé de l’agglomération clermontoise à se tendre. Les difficultés d’accès au parc locatif privé pourraient notamment s’accentuer à Clermont-Ferrand où les étudiants et les jeunes ménages, dont les revenus sont souvent modestes, représentent une proportion importante des locataires.

La « Tournée des popotes » : une contribution à l’évolution d’un système (d’aide) alimentaire à bout de souffle

La lutte contre la précarité alimentaire : un secteur exsangue où le Puy-de-Dôme ne fait pas figure d’exception

L’année 2020 et les désordres occasionnés par les confinements ont mis certaines difficultés sociales sur le devant de la scène, au premier rang desquelles l’accès à l’alimentation des personnes en situation de précarité. A l’échelle nationale, les associations d’aide alimentaire n’ont eu de cesse depuis, de tirer la sonnette d’alarme [1] en raison des difficultés qu’elles rencontrent : diminution des denrées disponibles, augmentation du nombre de demandeurs, injustice perçue relative à la dégradation des dons de la grande et moyenne distribution, ….

Les effets de la crise (inflation, hausse des coûts de l’énergie) impactent directement les familles les plus précaires. La situation est grave : les associations insistent sur l’arrivée de nouveaux demandeurs qui, jusqu’ici, parvenaient à s’en sortir et à se stabiliser de manière autonome malgré des situations pécuniaires limites. Aujourd’hui, cet équilibre ne se fait plus, et les nouveaux demandeurs affluent alors même que les associations peinent à recevoir la quantité de denrées dont elles disposaient à l’époque où le champ de la lutte contre le gaspillage alimentaire n’était pas concurrentiel. L’ouverture de ce champ à d’autres acteurs (plateforme de lutte anti-gaspillage du type « too good to go », rayons -30% dans les supermarchés [2], …) a directement impacté les associations distributrices d’aide alimentaire qui recevaient par les ramasses hebdomadaires ou quotidiennes, les invendus des supermarchés locaux. Les quantités de dons lors des collectes annuelles diminuent également.

Ainsi le représentant de la Banque alimentaire d’Auvergne indique, lors d’une « popote » dédiée aux questions d’approvisionnement, qu’en novembre 2023, « il nous manque 30 tonnes de denrées pour finir l’année [3]». Le Secours populaire d’Issoire confirme avoir, au mois de septembre 2023, distribué autant de denrées et de colis que sur l’année 2022 entière. Et l’ensemble des associations locales s’accorde sur cet état de faits.

Une transition non maîtrisée vers un nouveau système

Si le problème est simple à comprendre, les solutions pour y répondre sont complexes à trouver. La première réponse apportée ou recherchée est souvent financière : davantage d’argent disponible pour les associations leur permet effectivement de compenser la diminution des denrées reçues ou l’absence de certaines denrées, notamment en produits frais.

Face au manque de denrées collectées, le recours à l’achat à partir de leurs fonds propres ou grâce à des subventions augmente. D’un système de redistribution d’excédents de production ou de denrées en voie de péremption afin de lutter contre le gaspillage alimentaire tout en contribuant à nourrir les familles les plus précaires, les acteurs de l’aide alimentaire deviennent progressivement, par leur mission de solidarité, un des acheteurs principaux des Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) locales. Elles se tournent alors vers les institutions locales pour combler le déficit financier conséquent. 

Certaines associations mentionnent des dépenses de plusieurs dizaines de milliers d’euros hebdomadaires auprès des supermarchés locaux. Ce phénomène fait, au-delà de leur mission de redistribution d’un existant, des associations d’aide alimentaire un acteur à part entière du système alimentaire et des choix territoriaux qui peuvent être faits. Les acteurs sont conscients de cette évolution et notent, avec tristesse et regret, la disparition d’une certaine forme de solidarité : « Il nous faudrait revoir notre conception du don ». Cependant, ils n’interrogent pas encore leur positionnement en tant que premier consommateur auprès de la grande distribution. Leur force de plaidoyer est essentiellement orientée aujourd’hui pour maintenir le système de redistribution et du don tel qu’il a été historiquement conçu.

Or, si l’aide alimentaire a été créée dans un contexte d’augmentation de la précarité des ménages et de surproduction alimentaire à l’échelle européenne, la réalité est aujourd’hui autre [4]. La « Tournée des popotes » vient interroger ce phénomène en inscrivant la réflexion dans le contexte actuel de globalisation, qui conduit chaque individu à dépendre de territoires de plus en plus grands, y compris pour le besoin quotidien qu’est l’alimentation. Les “popotes” vont jusqu’à questionner, au-delà de l’augmentation de la précarité des ménages, les enjeux de résilience collective et de sécurité alimentaire à plus long terme. Il y a en effet un sujet de temporalité à travailler, entre l’urgence de donner un plat chaud aux personnes démunies qui ont faim aujourd’hui, et celle d’anticiper les effets des actions conduites au quotidien sur le système alimentaire dont dépendront les générations futures.

L’achat de denrées n’est heureusement pas la seule solution aujourd’hui retenue. D’autres initiatives plus créatives ont été repérées à l’occasion de la « Tournée des popotes » : les associations d’aide alimentaire développent en effet des trésors d’ingéniosité pour faciliter l’accès aux excédents des jardins de particuliers en milieu rural, pour cultiver elles-mêmes leurs propres jardins, pour rencontrer et développer des partenariats avec les agriculteurs locaux… Mais ces initiatives, encore embryonnaires, se heurtent à de nombreux obstacles, parmi lesquels : la disponibilité du foncier, l’identification de producteurs locaux pouvant contribuer, la capacité à maintenir des prix justes pour les consommateurs en situation précaire, les associations et les producteurs. Ces nouvelles actions mais aussi l’irrégularité des dons ou des produits proposés par les partenaires obligent par ailleurs les associations à disposer de toujours plus de compétences logistiques et de capacité de stockage, voire de traitement et de transformation.

Comme dans le même temps, les associations ont toujours à accueillir les familles, organiser les ramasses à l’aube, redistribuer des produits de plus en plus aléatoires et gérer des conflits entre les familles que cela peut créer, la question du maintien du modèle du bénévolat est posée, d’autant plus s’il faut produire des rapports d’activité quasi-professionnels pour pouvoir prétendre aux subventions.

Favoriser les rencontres des forces-vives locales pour s’outiller face aux enjeux communs

« Portée à plusieurs, la charge est moins lourde », ce dicton populaire résume parfaitement les objectifs et l’intérêt de la « Tournée des popotes », prise comme action d’interconnaissance et d’échange de bonnes pratiques. Etre ensemble est un premier pas pour faciliter la conception de projets innovants, la mutualisation des actions, la réduction des coûts pour chacun ainsi qu’in fine, la pertinence et l’efficacité des actions publiques et la cohérence de leur mise en œuvre par les associations.

L’Agence d’urbanisme a construit la « Tournée des popotes » comme un lieu de réflexion ouvert pour aborder les principaux enjeux [5] auxquels sont confrontés les acteurs de l’aide alimentaire au regard des objectifs de justice alimentaire et d’adaptation au changement climatique :

  • l’offre de services à destination des publics précaires et sa couverture sur le territoire,
  • la qualité des denrées et de l’alimentation des publics précaires et l’accès à une alimentation suffisante et de qualité,
  • la capacité des acteurs à accompagner les publics précaires vers une autonomie – entre autres – alimentaire.

A partir de ces trois enjeux, un programme de “popote”a été proposé et monté en partenariat avec des acteurs locaux. Le principe de fabrication de ces rencontres est double : solliciter les acteurs locaux pour qu’ils partagent les actions qu’ils mettent en œuvre et répondre aux sollicitations de certains en organisant des popotes dédiées aux problématiques qui les préoccupent.

La « Tournée des popotes » a donc été menée comme une action engageante, de proximité et de lien avec une diversité d’acteurs, et d’activation de l’envie d’agir et de partager. Pour ce faire, un grand nombre d’entretiens a été réalisé en préambule pour recenser les actions mises en œuvre et les volontés de se questionner localement sur l’un ou l’autre des sujets.

Au total, 5 séances ont pu être montées sur des thématiques en rapport avec le plan d’action. Elles se présentent comme une interrogation des déclinaisons opérationnelles de ce plan ou comme un élargissement de la question, notamment sur le sujet d’un contexte environnemental insuffisamment pris en compte par les acteurs de l’aide alimentaire.

Destinée à l’ensemble des acteurs du Puy-de-Dôme, cette action de mise en réseau des acteurs d’un secteur s’est vite confrontée à la question de la géographie et des territoires. L’option opérationnelle retenue a été de faire avec les acteurs locaux prêts et disposés à recevoir la « Tournée » sur leur territoire ou dans leurs locaux et d’inviter sur le site candidat l’ensemble des acteurs départementaux repérés. La « Tournée » a ainsi inscrit ses rencontres à Issoire, Saint-Eloy-les-Mines, Cournon d’Auvergne, Clermont-Ferrand et Gerzat.

Vers où mènent la rencontre et le dialogue

La « Tournée des popotes » s’intéresse à plusieurs niveaux de rencontre et de dialogue :

  • Entre acteurs d’un même territoire, pour fluidifier et favoriser les actions locales, le partage des enjeux et des problèmes et la mutualisation des solutions à apporter.
  • Entre acteurs de différents lieux, mais possédant des rôles et des fonctions similaires. La mise en lien s’effectue ainsi principalement au niveau des acteurs de l’aide alimentaire, mais peut s’élargir, quand des contacts sont trouvés, au monde agricole, aux acteurs des communes et intercommunalités, …
  • Entre acteurs de terrain et acteurs de la gouvernance. Sur cette dernière, le lancement de groupes de travail interinstitutionnels et quelques rencontres entre acteurs départementaux et acteurs intercommunaux constituent une ébauche de système coordonné de l’alimentation au sein duquel s’intègre la question des publics précaires et de la justice alimentaire.  

Ainsi, l’ambition de la mise en réseau portée par la « Tournée des popotes » vise autant l’élargissement et la diversification des relations des acteurs de terrains que la mise en dialogue du terrain et de l’opérationnel avec la décision politique et le financement.

En 2024, un rapport de recherche-action fera le bilan de ce travail mis en place pour faire se rencontrer et dialoguer les acteurs autour de la notion de justice alimentaire et de la résilience des territoires. Une journée de clôture, à la fois bilan de cette recherche-action et ouverture sur de nouvelles perspectives pourra alors être organisée. Dans l’intervalle, la plateforme en ligne de diffusion [6] des comptes-rendus des « popotes » et d’échanges partenariaux, mise à disposition par l’Agence, est ouverte et peut être saisie et utilisée par tous les acteurs intéressés pour diffuser les évènements qu’ils organisent, commenter les contenus produits ou partager leurs propres travaux.

Le vélo et la marche, des modes de mobilité dominants en 2050 ?

Un horizon favorable aux mobilités actives en 2050

Imaginez ! En 2050, la société française est neutre en carbone. En termes de mobilité, ce résultat est lié au fort usage des modes actifs par lesquels est assurée la moitié des déplacements. Ceci a été permis, d’une part, par un rapprochement des logements avec les lieux de travail, d’études ou d’achats. En effet, la distance parcourue pour les déplacements du quotidien a été réduite de 15 à 20 %[1] par rapport aux années 2020. D’autre part, la mise à disposition d’infrastructures sûres et confortables permet à tous de se déplacer à pied ou à vélo, y compris dans les espaces de faible densité.

Ainsi, Jade, jeune maman de 30 ans qui vit dans une maison de bourg à 15 km d’une ville moyenne, amène à pied ses enfants, l’un à l’école, l’autre à la crèche qui occupe le rez-de-chaussée de l’ancienne gare ferroviaire. De là, elle prend tous les jours le train pour se rendre dans la ville la plus proche pour y travailler. Arrivée à destination, elle va chercher son vélo qui est stationné chaque nuit dans l’ancien parking à voiture de la gare. Elle se rend ainsi très rapidement, et dans un cadre agréable, à son travail qui se trouve à seulement 3 km de la gare. Le soir, après être allée chercher ses enfants et être rentrée au domicile, elle les amène au centre sportif municipal qui se trouve à un peu plus d’un kilomètre de son domicile. Elle enfourche le vélo cargo stationné chez elle.

Dans un petit collectif de ce même village vit Patrick, retraité (85 ans), qui rencontre de plus en plus de difficultés à se mouvoir en autonomie. Pour autant, il n’est pas isolé ni exclu. En effet, il a emménagé dans un habitat intergénérationnel, qui se trouve au cœur du village. Patrick sort de chez lui au quotidien pour aller chercher du pain sur la place centrale du village et fréquente le bus santé qui s’installe en pied d’immeuble tous les vendredis matins. Pour les courses, ses co-résidents se relaient pour lui apporter l’alimentaire ; pour les médicaments, le pharmacien assure une tournée en vélo-cargo deux fois par semaine. Grâce à un casque de réalité virtuelle, il s’évade depuis son salon, à travers diverses expositions en Europe et se rappelle les escapades à bas prix qu’il avait pu effectuer plus jeune, grâce aux lignes aériennes « low cost », qui ont désormais toutes disparu.

Julien, lycéen de 16 ans en alternance, vit avec ses parents dans un de ces pavillons « tendances » des années 2020 isolé à 3 km du centre-bourg. Pour se rendre au lycée les semaines paires, il emprunte son vélo jusqu’à un arrêt de car scolaire. À côté de l’abribus, un espace permettant de ranger trois vélos dans un box sécurisé a été aménagé. Les semaines impaires, il doit se rendre pour son alternance dans une entreprise à 15 km de son domicile. Il utilise un « Karbike », véhicule hybride entre un vélo cargo et une voiture. Sur son itinéraire, il « covoiture » deux fois par semaine avec un collègue sur les dix derniers kilomètres.

Comment parvenir à cet horizon ? Quels blocages constatés et leviers à activer ?

Levier de transformation 1 : Aménager le territoire en favorisant les proximités

Pour une intensification de l’utilisation des modes actifs dans les mobilités du quotidien, il apparaît en premier lieu nécessaire de repenser un aménagement du territoire propice aux proximités. Création de cheminements piétons ou de pistes cyclables capacitaires, partage de l’espace public, stationnement des vélos et intermodalité avec le train… Ceci doit être effectué dans l’ensemble du territoire, notamment dans les zones de montagne et les secteurs peu denses.
Pour accélérer la création des voies cyclables ou d’itinéraires piétons, les gestionnaires de voirie (communes, départements…) pourraient préempter du foncier. Par ailleurs, l’utilisation des modes actifs appelle un rapprochement des commerces et des services, à contre-courant des zones monofonctionnelles (zones d’activités, lotissements résidentiels…) structurant aujourd’hui l’espace et notre manière de nous mouvoir. L’obligation à la mixité des fonctions dans le cadre du réaménagement de friches, la création de lieux de polarité autour des établissements scolaires, l’installation d’entreprises au cœur des villes et des bourgs, le retour des commerces et services de proximité pour permettre à chacun d’y accéder en moins de quinze minutes, le développement des services et commerces ambulants en espaces peu denses… sont autant de pistes de réflexion visant à dépasser cet aménagement trop segmenté qui encourage l’utilisation de la voiture individuelle.

Levier de transformation 2 : Changer de système de production

Face à la démocratisation de la voiture électrique et à l’émergence des microvoitures (type Ami de Citroën), la remise en cause de la voiture dans nos mobilités pourrait s’avérer difficile. Pour répondre aux objectifs de transition écologique, l’Etat pourrait mener des politiques volontaristes de réduction de la circulation des voitures en ville ainsi qu’une limitation de leur stationnement afin d’encourager l’émergence des modes actifs. De plus, la suspension de tous les projets de construction de routes dès la décennie 2030 avec réaffectation des dépenses projetées au développement des transports collectifs et des modes actifs permettrait le déploiement de ces derniers. La baisse de l’activité du secteur industriel de l’automobile pourrait ainsi entraîner sa nationalisation et la reconversion des usines pour la production de vélos et véhicules dérivés (pousse-pousse, vélo cargo…). La capacité de la filière vélo française s’en verrait alors renforcée. L’impulsion par l’Etat de la reconversion de l’industrie automobile vers une industrie du cycle permettrait alors à la France d’être un leader mondial dans ce domaine et ainsi de fournir son marché domestique, limitant les importations. Par ailleurs, une filière de recyclage et de réparations pourrait se développer et s’implanter afin de répondre à une demande croissante.

Levier de transformation 3 : S’acculturer pour transformer les modes de vie et les imaginaires des mobilités

Sont mises en avant les difficultés des personnes à changer leurs comportements : attachement supposé des individus à la voiture, grande inertie dans les comportements de mobilité, difficultés à faire émerger de nouveaux imaginaires en termes de mobilité… Placer les modes actifs au cœur des mobilités en 2050 nécessite également une transformation culturelle forte et l’invention de nouveaux imaginaires visant à conduire à la modification de nos modes de pensées et d’agir.
Ainsi, la modification du rapport au travail et son organisation, en généralisant par exemple la semaine de quatre jours ou en encourageant le télétravail, permettrait de réduire le nombre de déplacements s’effectuant actuellement majoritairement en voiture tout en encourageant les mobilités actives pour les déplacements restants. Les employeurs pourraient également restreindre leur zone de recrutement ou bien intégrer les temps de trajet au temps de travail pour les personnes utilisatrices de modes actifs.

Il semble également pertinent de repenser la visibilité accordée à la voiture et sa présence dans notre société : moindre espace dédié à son stationnement, interdiction de publicité sur les automobiles… Il apparaît nécessaire d’encourager de nouvelles formes de mobilité en vélo (pousse-pousse, vélobus…) pour que celles-ci puissent effectivement émerger. Pour encourager un moindre usage de la voiture pour l’ensemble des motifs de déplacements, la démocratisation et la généralisation de l’autopartage apparaît comme un vecteur intéressant dans la mesure où les personnes qui y ont actuellement recours utilisent peu la voiture.

Cette acculturation autour des mobilités s’appuie enfin sur divers acteurs, dont le premier identifié est l’école. Le parcours scolaire semble le lieu et le temps pertinent pour encourager les jeunes générations à utiliser les modes actifs, que ce soit par l’apprentissage ou la mise en pratique, par exemple lors de sorties scolaires. Le rôle des communautés, que l’on retrouve parfois, par exemple, dans un groupe de parents d’élèves, est également un vecteur important d’accompagnement au changement. Les pairs se font en effet à la fois conseillers et ambassadeurs des mobilités actives.

Levier de transformation 4 : Placer la réorientation écologique comme priorité politique absolue

Enfin, afin de permettre aux mobilités actives d’occuper une place centrale dans les déplacements du quotidien en 2050, il semble incontournable que les pouvoirs publics intègrent plus fortement cette question à leurs agendas en plaçant les enjeux de transition écologique comme priorité absolue. Ceci est identifié comme la condition nécessaire conduisant à des réorientations majeures de l’organisation générale du pays : obligation de quantifier l’impact environnemental, social et de santé de chaque décision publique, nouvelle organisation du système productif national pour réduire les émissions de gaz à effet de serre… Concernant plus spécifiquement le champ des mobilités, chaque individu pourrait disposer d’un budget carbone limité ne permettant d’emprunter que très rarement la voiture ou l’avion ; les trajets de moins de cinq kilomètres en voiture pourraient être interdits ; les taxes sur les produits pétroliers et les recharges électriques des voitures pourraient être augmentées et les aides publiques pour l’achat de voiture, même électriques, supprimées.

Pour développer ce système construit autour des modes actifs en tous points du territoire national, il est nécessaire de disposer de nouvelles ressources de financement qui pourraient être obtenues par diverses mesures telles qu’une plus forte taxation de la route, de la voiture et de l’aérien au profit des transports collectifs et des modes actifs. En outre, une partie du financement des infrastructures modes actifs pourrait être assurée par la sécurité sociale au vu des gains sur la santé publique à un plus grand usage de la marche et du vélo.

Retour sur la méthode prospective

Les résultats présentés ci-dessus ont été obtenus lors de l’atelier de prospective « Vous m’faites marcher ! » conçu par l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central (AUCM). En mobilisant la prospective, il s’agissait d’imaginer les trajectoires permettant d’aller vers une situation souhaitable, à savoir la prédominance des modes actifs dans les mobilités de tous les territoires, y compris dans les zones peu denses.

La trentaine de participants (membres de collectivités, acteurs privés, associatifs), répartis en trois groupes de réflexion, ont réalisé un exercice de « backcasting ». Cette méthode consiste à partir de la description d’un avenir souhaitable puis à travailler à rebours pour identifier les obstacles à la réalisation de ce scénario ainsi que les politiques publiques dont la mise en œuvre pourrait mener à sa concrétisation.

L’horizon souhaitable a été présenté sur la base du récit immersif présenté en introduction de séance – et de cet article – et décrivant la situation attendue. Au cours de l’exercice, les participants ont été invités à se départir de leur rôle de représentant d’une institution ou d’un organisme, et à parler à la fois en tant qu’expert d’un domaine et citoyen usager. Le premier temps a été consacré à l’identification individuelle des obstacles se dressant face à la réalisation de l’horizon souhaitable présenté au préalable. Une discussion puis un vote sur les sujets prioritaires à traiter ont succédé à cette première étape. Les obstacles retenus dans les différents groupes sont les suivants : aménagement du territoire, modèle socioéconomique et système industriel, dimension culturelle et place de la réorientation écologique dans les politiques publiques. Un second temps de réflexion, d’abord individuel puis collectif, a quant à lui conduit à considérer les facteurs de dépassement de ces obstacles. Un dernier temps visait à une restitution collective.

Le travail de projection conduit d’ailleurs les participants à interroger, en plus du chemin jusqu’à 2050, l’avenir lui-même et ce à quoi il ressemblera : avec le dérèglement climatique et ses effets (canicule, tempête…), un usage intense des modes actifs sera-t-il réellement envisageable ? Avec le vieillissement de la population et la dégradation générale de l’état de santé de la population, le vélo ou la marche seront-ils accessibles à tous ? Y aura-t-il une crise, une catastrophe qui nous imposera de faire autrement qu’aujourd’hui, sans possibilité de choix ni anticipation ?

Cet exercice d’intelligence collective, testé ici en format court d’une heure trente, a pour objectif non pas d’aboutir à la réalisation d’une liste d’actions concrètes à mettre en œuvre immédiatement mais bien d’ouvrir les esprits afin de s’autoriser à envisager les situations de manière plus globale, plus large, tout en pensant des solutions « hors cadre ». Face au caractère inédit de la situation de changement global à laquelle nous faisons collectivement face, il est en effet nécessaire d’imaginer des dispositifs en mesure d’alimenter les réflexions des acteurs et provoquer le décalage de regard nécessaire au vu des enjeux actuels.

La carte d’intensité, un outil utile pour réinvestir les centres-villes

Dans un premier temps pour “Action coeur de ville”, et désormais pour l’ORT de la métropole clermontoise, l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central a été missionnée pour aider les territoires dans leurs réflexions et la mise en place des différents outils.

Parmi les différentes actions à mener, il fallait notamment pouvoir comprendre le fonctionnement de ces mêmes territoires au travers de multiples entrées : emploi, patrimoine, mobilités, équipements, commerces, etc. Le déploiement d’un atlas cartographique à travailler avec les élus et techniciens aurait pu être réalisé, mais celui-ci aurait très rapidement atteint ses limites en ne permettant pas une vision globale, synthétique et efficace de ces nombreux facteurs.

Mise en place d’un outil cartographique synthétique et accessible

Pour répondre au besoin, l’Agence a donc développé un outil dit “carte d’intensité”. Celui-ci se nourrit bien de l’intégralité des entrées évoquées précédemment, mais au lieu de les balayer une par une pour tenter d’en appréhender la globalité, ce qui devient vite très compliqué pour l’esprit humain sur de grandes étendues spatiales, il permet de le faire sur une seule carte. Pour exemple ci-dessous, la carte d’intensité de la commune de Beaumont.

Carte d’intensité urbaine de la commune de Beaumont – Etude ORT Clermont Auvergne Métropole

Cette carte d’intensité, de type “carte de chaleur”, permet la représentation de toute l’information de façon condensée et continue. Méthodologiquement, chaque composante de la carte (emplois, mobilités, etc) est analysée selon une maille spatiale régulière[1] et traduite en indicateur “faible, moyen, fort”. Ces mêmes composantes sont ensuite sommées pour obtenir la carte finale d’intensité. Visuellement, les zones évaluées comme moins intenses sont représentées par des couleurs froides (bleue pour l’exemple ci-dessus), tandis que les zones dites intenses, c’est-à-dire qui cumulent la présence de plusieurs facteurs (emploi + commerces + etc), sont en couleurs chaudes. Il est, bien entendu, possible de consulter la carte de chaque composante de façon isolée pour comprendre en quoi chacune influe sur la carte finale, mais c’est bien la carte d’intensité qui permet une lecture du territoire tel qu’il est ressenti par les acteurs locaux.

Un support de décision pour élus et techniciens

L’outil a été utilisé aussi bien “positivement” au travers d’une carte d’intensité, que “négativement” au travers d’une carte de déprise, la première cumulant des indicateurs à visée positive tels le nombre d’emplois ou le nombre d’habitants, tandis que la carte de déprise est faite d’indicateurs plutôt négatifs, tels les bas revenus ou le taux de logements vacants.

In fine, ces outils sont une aide à la décision efficace qui permettent de s’extraire, autant que faire se peut, de la complexité de l’analyse de données multiples, qui plus est infracommunales. Ainsi, les décideurs peuvent se focaliser sur ce qui fait l’objet de leur présence en atelier de travail, au travers d’une ou deux cartes maximum : comprendre, se questionner, décider. Dans les cas présents, le tracé des périmètres d’action ORT nécessaire aux différentes démarches et qui doit avoir une précision parcellaire se fait alors, crayon à la main, collégialement, et directement sur la carte d’intensité lors d’un atelier de travail avec les élus : facilitation du processus de réflexion-décision dans un temps souvent très contraint.

 

La santé, une question d’urbanisme et d’aménagement

Sensibilisation des acteurs du Puy-de-Dôme en partenariat avec l’UDCCAS, accompagnement de la commune d’Aulnat à la mise en place d’une démarche d’urbanisme favorable à la santé, programmation d’une séance de Recré’Action autour du Plan Local d’Urbanisme de la Métropole sur la thématique de la santé sont autant d’actions inscrites pour favoriser une acculturation collective aux enjeux et outils de l’urbanisme favorable à la santé et l’émergence de projets et d’initiatives contribuant à améliorer la santé des habitants de nos territoires.

L’humain du 21e siècle et son environnement : malades l’un de l’autre

L’épisode pandémique récent de la Covid-19 a fait redécouvrir, non seulement l’extrême vulnérabilité humaine, mais également les liens intrinsèques entre cadre de vie et santé. Révélant des fragilités qui préexistaient, la crise sanitaire a contribué à les amplifier : place de la nature en ville et de la biodiversité, densité des métropoles, urbanisation galopante et son empiétement sur les biotopes d’autres espèces vivantes. Les liens s’en trouvent renforcés entre urbanisme et santé.

Pour basculer vers l’urbanisme favorable à la santé, accepter deux constats est nécessaire. En premier lieu, que le début du XXIe siècle est marqué par des « épidémies » de maladies non transmissibles : cancers, maladies cardio-vasculaires, diabètes de type 2, asthme et allergies, stress, etc. En second lieu, il s’agit de reconnaître que l’environnement, sa dégradation causée par les activités humaines, et les choix d’aménagement de l’espace et des structures sociales dans lesquelles nous évoluons sont directement responsables de l’augmentation de la prévalence de ces maladies.

Ainsi, l’exemple de la sédentarité, corrélée aux troubles cardio-vasculaires et à l’obésité notamment, est parlant. La sédentarité d’habitants d’un territoire est dûe à une diversité de facteurs : conséquence directe de l’étalement urbain, dépendance des territoires à l’automobile, absence d’équipements sportifs, augmentation des emplois mobilisant peu d’activité physique, éloignement des espaces naturels, ou encore l’accélération des rythmes de vie. Pour enfoncer le clou, dans nombre de centre-bourgs, la minéralisation induite par les besoins perçus en stationnement ou la perception des enjeux de propreté se traduit par la production d’espaces inhospitaliers pour le piéton toute l’année, et particulièrement en été lors des fortes chaleurs devenues la norme estivale. Le tout renforce la sédentarité. Au nombre des facteurs et déterminants qui influencent la sédentarité des habitants, plusieurs concernent ainsi directement les aménagements et équipements des territoires.

Explorer les options alternatives, les mesures correctives envisageables, les redirections des modes de vie constituent quelques-uns des enjeux de l’urbanisme favorable à la santé.

Au cœur d’un urbanisme favorable à la santé : le croisement des acteurs locaux et des disciplines

Agir pour un aménagement favorable à la santé implique de mettre autour de la table des personnes d’horizons divers : professionnels de santé, écologues, agriculteurs, élus locaux, associations, citoyens… Les projets d’urbanisme favorable à la santé se distinguent par leur capacité à fédérer ces personnes d’horizons divers malgré des points de vue différents et à produire des complémentarités bénéfiques. L’objectif est de favoriser les rencontres interdisciplinaires et de construire des méthodes de travail collaboratives et des projets communs.

L’occasion d’une telle rencontre a été permise et co-organisée entre l’UDCCAS du Puy-de-Dôme, l’Association des Maires Ruraux de France et l’Agence d’urbanisme[4]. Ces temps d’échanges ont rassemblé élus, techniciens des services municipaux, les CCAS, CIAS[5], des représentants du Conseil Départemental, des Maisons des Solidarités, des Contrats locaux de santé, d’associations diverses. Travailler dans et avec les territoires permet une acculturation et des temps d’échange et d’écoute collective des problématiques spécifiques de chaque territoire, des projets en cours ou des initiatives à envisager. Une centaine de personnes ont participé à ces rencontres et ont réagi sur la présentation d’un état des lieux succinct sur la santé et l’environnement dans le Puy-de-Dôme.

Un accompagnement soutenu pour Aulnat

Auprès d’Aulnat, l’Agence teste une autre forme de rencontre en rassemblant élus et techniciens communaux dans un premier temps afin de partir d’un diagnostic santé-environnement partagé, de faire de la santé un fil conducteur de relecture de l’ensemble des projets portés par la commune et d’identifier et définir ensemble les méthodes de travail en commun existantes ou à développer pour mener des projets favorables à la santé. Un second temps pourra associer à ce groupe resserré d’autres acteurs concernés par l’urbanisme favorable à la santé de cette commune, l’un des objectifs étant de prioriser quelques thématiques opérationnelles et démonstratrices  pour amorcer le travail.

Premiers échos et pistes de travail

Les rencontres menées avec l’UDCCAS 63, ont permis d’identifier un certain nombre d’inquiétudes et de problématiques des représentants des territoires.

L’accès aux soins

A partir de la présentation d’une étude[6] de l’Association des Maires Ruraux de France, qui montre que l’espérance de vie en milieu rural est plus faible qu’en milieu urbain et ce, d’autant plus dans des territoires concernés par un niveau de précarité sociale comme le Puy-de-Dôme, les participants des territoires ont pu exprimer leurs questionnements concernant l’accès au soin. De fait, l’espérance de vie des habitants du Puy-de-Dôme est de 79 ans contre presque 81 pour la moyenne régionale.  Plusieurs formes de non-recours aux soins ont été abordées, avec notamment une culture des aînés les incitant à “supporter” sans soigner, à minimiser leurs besoins de soin mais également un manque de connaissance des symptômes et bien évidemment, des difficultés liées à la couverture médicale.

L’accès aux soins a ainsi été un passage obligatoire de tous les territoires hors de la métropole, avec des spécificités et un degré d’urgence particulièrement marqué sur le territoire d’Ambert-Livradois-Forez. Le découpage des secteurs de santé sur des territoires qui ne recouvrent pas les EPCI ou les périmètres d’intervention des contrats locaux de santé apparaît comme un obstacle, de même que le sentiment d’impuissance des maires à attirer ou retenir de nouveaux praticiens sur leur territoire malgré les avantages matériels souvent proposés : logement mis à disposition, mise en place de conseils territoriaux de santé…

La santé mentale

La santé mentale et les souffrances psychiques sont le second thème qui inquiètent les acteurs de manière quasi-unanime. De fait, dans le Puy-de-Dôme, 1 habitant sur 5 est sous traitement pour un trouble psychologique, tout type de médicament confondu. Certains acteurs ont même contesté ce chiffre qui leur paraissait bas par rapport à leur ressenti. Le Puy-de-Dôme a également fait l’objet d’alerte dans la dernière décennie en raison de son taux de suicide élevé. Deux publics ont été mis en lumière de manière particulière : les enfants et les jeunes d’un côté, dont les vulnérabilités sont perçues en lien avec le contexte d’incertitudes environnementales ; de l’autre côté, les agriculteurs et plus spécifiquement les retraités du monde agricole. La question de la santé mentale laisse pour le moment les acteurs démunis face au constat d’une augmentation des besoins, de grandes lacunes dans les services disponibles et d’une augmentation de situations de mal-être qui ont pour conséquence des comportements agressifs auprès des services des collectivités et des conflits entre habitants.

Santé et bien-être au sein du logement

Sur les thématiques du logement et des déplacements, c’est l’absence de choix qui domine les ressentis des acteurs. Les territoires les plus ruraux font le constat d’une augmentation des prix des logements avec une hausse de l’attractivité de biens qui jusqu’avant la pandémie restaient sur le marché. A tel point qu’ils posent la question de la capacité à loger les habitants endogènes. Quant à ceux qui sont déjà installés, souvent avec le statut de propriétaire, les travaux d’adaptation des logements au vieillissement, à la perte d’autonomie ou encore aux réglementations thermiques se heurtent à nombre de freins, au premier rang desquels la complexité et l’inaccessibilité des systèmes d’aide.

Ces premiers résultats à chaud vont faire l’objet d’un travail de synthèse des leçons apprises, des problématiques identifiées et des projets en cours ou à l’étude qui sera présenté à la fin de l’année 2023 lors d’une réunion à laquelle l’ensemble des invités des différents territoires sera convié.

Les industries culturelles et créatives, levier de redirection écologique pour le Massif central

Les Industries culturelles et créatives (ICC) dans le Massif central

Concept né au Royaume-Uni dans les années 90, les industries culturelles et créatives ont rapidement occupé une place de prédilection dans des métropoles en quête d’attractivité au point de devenir une « pensée magique » de la compétitivité territoriale. Sont-elles pour autant condamnées à rester des vitrines économiques de territoires hyper-urbains privilégiés ? Dans le contexte anthropocène actuel et les crises qui s’y rapportent, les industries culturelles et créatives ne pourraient-elles pas constituer un formidable outil de recomposition culturelle et de transitions pour une multitude de systèmes territoriaux ? L’hypothèse est intéressante à explorer, particulièrement dans un territoire comme celui de Clermont-Ferrand et du Massif central déjà engagé dans une dynamisation collective de ce secteur d’activité.

Le Massif central [2] compte 13 200 établissements culturels, ce qui représente 3 % de son tissu économique. 15 % des emplois relevant des activités du secteur culturel à l’échelle du Massif central se concentrent dans la métropole clermontoise. Les professions créatives, et parmi elles les artistes eux-mêmes, restent au cœur des activités de la culture et de la création. Pour autant, ils exercent également en-dehors des activités considérées comme le cœur de cette économie. Parmi les 24 225 actifs occupés relevant des professions créatives, près de la moitié exerce hors établissements du secteur culturel et créatif. 

Les ICC dans les projets de Capitale européenne de la Culture

Le dispositif « Capitale européenne de la Culture » vise cinq objectifs [3] : un renforcement du rayonnement international des villes sélectionnées, la valorisation de l’image de la ville auprès des citoyens, le renforcement des capacités et de la visibilité de leur secteur culturel, une sensibilisation et un accès à la culture favorisés et la stimulation du tourisme culturel.  Les activités culturelles et créatives constitutives des industries de la création trouvent aisément leur place dans plusieurs d’entre eux.  Les projets de Clermont-Ferrand, Bourges, Montpellier et Rouen, les quatre villes présélectionnées pour l’obtention du label Capitale européenne de la Culture 2028, les évoquent ainsi directement. Les quatre compétitrices concentrent toutes au sein de leur intercommunalité plus de la moitié des emplois dans le secteur culturel et créatif de leur département, avec 3 430 emplois pour Clermont Auvergne Métropole, 690 pour Bourges Plus, 7 980 pour Montpellier Méditerranée Métropole et 3 830 pour la Métropole Rouen Normandie, une concentration accrue pour la métropole clermontoise avec 70 % des emplois du secteur. 

Les ICC et la réorientation écologique des territoires

Si elles sont généralement plébiscitées pour leur caractère non délocalisable et les changements qu’elles peuvent apporter dans l’économie, notamment par l’impulsion créative qu’elles sont susceptibles d’apporter dans des secteurs d’activités diverses, les industries culturelles et créatives se situent également aux avant-postes de la réorientation écologique par leur capacité à impacter nos imaginaires. Elles sont amenées à se réinventer au regard d’évolutions socioculturelles elles-mêmes bouleversées par une crise écologique matrice d’un renouvellement de nos représentations du désirable. Et si elles conservent leur ancrage majoritairement urbain, le positionnement d’acteurs des industries culturelles et créatives à l’échelle du Massif central et la conscience de certains d’entre eux dans le rôle social, économique mais aussi environnemental qu’ils peuvent jouer sur le territoire témoignent d’un renversement du modèle d’impact.

 

44e rencontre nationale des agences d’urbanisme : « NO CULTURES NO FUTURES »

 » NO CULTURES NO FUTURES ! PAS DE REORIENTATION ECOLOGIQUE SANS RECOMPOSITION CULTURELLE DES TERRITOIRES « 

Au déni succède le vertige. Au refus de voir le monde s’effondrer – avec un climat qui s’emballe, le vivant qui s’étiole, des ressources qui s’épuisent et des inégalités qui se creusent – s’ensuit la désorientation. Redevenue vulnérable et privée  des repères forgés par la modernité, l’humanité va devoir réinventer ses manières de vivre sur terre.

Le changement global n’est pas une crise passagère. Des ajustements techniques, économiques ou sociaux isolés ne suffiront pas à retrouver « les équilibres d’antan » comme les discours sur les transitions et la résilience le laissent parfois supposer. La situation est vertigineuse parce que la réorientation écologique indispensable pour sauver l’habitation humaine de la planète promet d’être un moment historique de reconception des mondes et de réinvention de nos territoires.

C’est une profonde recomposition culturelle qu’il faut engager, si l’on entend par culture, l’ensemble des représentations et des récits, des codes et des pratiques, des valeurs et des attachements qui lient les collectifs humains à leurs milieux de vie. Cette recomposition culturelle est heureusement déjà perceptible si l’on prête attention à ses signaux faibles en matière d’agriculture, d’alimentation, de production, d’énergie, d’habitat, de mobilité, d’aménagement et d’urbanisme, de démocratie, de relations au vivant, etc.

Du côté des sciences et de l’art, ce sont de nouvelles pensées, de nouveaux savoirs, de nouveaux récits, de nouveaux imaginaires, de nouvelles sensibilités, de nouvelles émotions, de nouvelles relations entre humains, mais aussi non humains, de nouvelles expériences de vie et de cohabitation qui sont mises en scène. D’aucuns n’hésitent pas à parler de véritable Renaissance.

L’objet de cette 44e Rencontre des agences d’urbanisme est d’aborder la réorientation écologique des territoires au travers de cette recomposition culturelle. Pendant trois jours, du mercredi 15 au vendredi 17 novembre 2023, la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale  sera notre refuge pour écouter, apprendre et discuter, pour enquêter, expérimenter et atterrir, pour partager et nous émouvoir, littéralement  « nous mettre en mouvement ». Conférences, débats, performances, expositions, explorations, dégustations, danse : c’est à une joyeuse expérience d’émulation « punk » et de co-habitation anthropocène au cœur du Massif central que nous vous convions.

La soirée de gala de la 44ème rencontre des agences d’urbanisme : un métissage culinaire


Un menu cosmopolite concocté avec des chefs et des producteurs locaux

  • Soupe d’orge perlé réalisée par Jérôme Bru du restaurant Le Smørrebrød à Clermont-Ferrand
  • Caldo Verde d’Auvernha par Fred Pinto, chef aux Grandes Tables de La Comédie. 
  • Biryani d’Ejazz Houdijne, du restaurant le Jaiïpur à Clermont-Ferrand
  • Méchouia – oeuf poché de Sofien Habibi de l’Association du TerTerter au Terroir
  • Brochette de poitrine de porc laquée de Simon Deguirard du restaurant le 589-Bay. à Clermont-Ferrand
  • Chou farci par Lucas Texeraud de la Boucherie Durif
  • Fourme de Rochefort et Bleu d’Auvergne affinés par Olivier Nivesse, fromager
  • Croque en bouche par Martial Ray, pâtissier au Cendres
  • Pompe aux pommes d’Hervé Durif, la boulangerie Le Pistore. 

L’alimentation comme propos culturel

Par Eric Roux, L’Étonnant Festin [1]

La cuisine, et de manière plus globale, notre alimentation, offrent un formidable objet d’observation de ce que sont les respirations, tout comme les aspirations, de la manière dont veulent évoluer nos sociétés. Contraintes par un grand nombre de déterminants économiques, sociaux, religieux, juridiques et moraux, elles sont un espace de créations, d’expérimentations, et de dynamiques. En cela, nos pratiques de cuisine du quotidien, et nos manières de construire nos alimentations, sont le miroir et la rythmique de nos désirs de nourriture qui font culture. Oui, elles sont un fait social total. Et placer l’alimentation à l’intersection créative de regards multiples et divers, c’est admettre que “produire, transformer, conserver, distribuer et manger” sont avant tout un propos culturel. 

Une alimentation du droit du sol

Le dîner de gala du 16 novembre à la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale est conçu comme un voyage dans la cuisine actuelle d’Auvergne où cuisiniers et producteurs sont convoqués pour élaborer un menu, racontent une alimentation « du droit du sol ». Notre alimentation du quotidien s’enrichit de tous les apports, de plats, de façons de faire, mais aussi des produits, cuisinés et proposés par ceux qui ont choisi de venir travailler et vivre ici.

Ainsi, biryani, “caldo verde d’Auvernha”, méchouia, aux origines indienne, portugaise, maghrébine, racontent l’adoption, et la transformation de nos alimentations. Même si le riz vient d’ailleurs, la garniture aromatique du biryani et le fait qu’il soit cuisiné par Ejaz Houdijne, cuisinier du restaurant Jaipur, nous dévoile l’histoire de vie d’un pakistanais ancré dans le paysage auvergnat. Tout comme la soupe portugaise, le caldo verde, proche parente de la plus auvergnate des soupes au chou, joue une forme de créolité culinaire distillée par la très forte communauté portugaise d’Auvergne. Pour l’anecdote, les repousses de choux qui peuvent être à la base de cette préparation, appelées « grelos » au Portugal, se nomment « grelons » en occitan d’Auvergne et signent un cousinage alimentaire. Enfin, la méchouia, nous raconte aussi que poivrons et tomates, si éloignés de la tradition d’ici, sont aujourd’hui disponibles auprès des marchands au panier, jardiniers offrant le surplus de leur production familiale aux mangeurs sur les marchés clermontois.

Repenser les traditions culinaire à l’aune du changement global

Mais s’ouvrir au monde n’exclut en rien le fait que nous soyons tous « des transformateurs fidèles » de la tradition. La soupe d’orge perlé et le chou farci sont bien des marqueurs de notre mémoire alimentaire en Auvergne. Pourtant, notre mémoire du goût et les contraintes d’aujourd’hui nous engagent à remodeler et conjuguer au présent ces madeleines d’identité. Le chou, légume hivernal central d’une cuisine « pauvre et paysanne », s’il n’est plus la base de l’alimentation, permet bien de composer une nourriture plus frugale et végétarienne de notre cuisine d’aujourd’hui. L’orge perlé, orge débarrassé de son son, qui fut une des productions caractéristique des plateaux volcaniques du sud de l’Auvergne, retrouve une place dans la production et la cuisine d’aujourd’hui où céréales et légumes secs sont une solution où le carné doit laisser plus de place au végétal. 

Il faut goûter les paysages et imaginer des sources alimentaires plus inscrites dans la proximité et le local. Ce manger local est un enjeu majeur et favorise le soutien à l’économie de ceux qui élèvent, cultivent à proximité mais aussi de tous ceux qui exercent leur métier d’artisans de bouche en proposant charcuterie, fromages, conserves, valorisant productions et surtout savoir-faire locaux. La difficulté inhérente à une telle injonction se trouve dans la définition apportée au terme de proximité. Celle d’un produit brut, légumes, fruits ou viandes, est avant tout contrainte par la distance sur laquelle il peut être transporté dans les meilleures conditions et surtout au moindre coût, environnemental et pécuniaire. C’est une proximité, courte et rapide, réduisant le nombre d’intermédiaires. De manière différente, certaines productions, élaborées pour être conservées, et dont la technique d’élaboration permet de reporter leur consommation, ont vocation à s’inscrire dans une proximité plus élargie et aux distances de circulation plus importantes. 

Les fourmes de Rochefort et bleu d’Auvergne, fermiers et au lait cru, proposés pour le dîner de gala, sont une technique pour mettre en attente et transporter un lait toujours trop abondant pour être consommé frais. Fourme et bleu ne sont pas qu’une transformation au goût remarquable, ils sont aussi la possibilité d’allonger les distances de consommation et de partager un imaginaire gustatif.

Une cuisine populaire née de la nécessité du quotidien

En jouant sur des desserts de formes et d’histoires très différentes nous racontons bien l’importance de cette cuisine populaire qui puise son inspiration dans les nécessités du quotidien à varier nos alimentations et exploiter un répertoire nourri de la richesse des cuisines paysannes et des cuisines plus académiques. Une pompe, en occitan, désigne une sorte de brioche réalisée sur la base d’une pâte à pain enrichie d’oeufs, de crème et de matière grasse et pouvant s’agrémenter de tome, d’huile parfumée de noix, de grattons, résidus croustillant de la fabrication du saindoux ou bien évidemment de fruits. La pomme fut un des fruits les plus produits en Auvergne avec des variétés comme la feuillou, la blanche de Biozat ou l’armoise qui pourraient offrir un renouveau de l’arboriculture locale. Quant aux croques en bouche, ils sont bien une balise des repas de famille, de fêtes, de ce repas gastronomique des français labellisé par l’Unesco. 

En cela « La cuisine, fait social total », permet de percevoir tous les enjeux, toutes les évolutions et transformations sociales que nécessite une pratique au fil des jours et qui cherche à être en accord à toutes nos attentes et espoirs. Si elle est « bonne à penser avant d’être bonne à manger » c’est bien qu’elle est contrainte par ce qui nous fabrique culturellement, collectant un grand nombre de déterminants économiques, sociaux, religieux, juridiques et moraux. Cette cuisine populaire, cette alimentation pour tous, donne à imaginer et à expérimenter les enjeux du local, de l’ouverture au monde, de contraintes économiques satisfaisantes pour les producteurs et pour les mangeurs, tout en étant saine pour notre santé et en préservant écologiquement les espaces de production.

S’intéresser à notre alimentation comme un fait culturel et non comme une simple technique culinaire, permet ainsi d’embrasser l’ensemble des contraintes et des aspirations qu’elle déploie au quotidien dans les changements nécessaires de nos sociétés.