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>> Lire la publication : Étude de marché pour une résidence universitaire sur le territoire de Vichy Communauté » <<

1 Note d’information du SIES 23.11, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, décembre 2023.
2 Taux de scolarisation par âge, INSEE données de 2000 à 2021.
3 Note d’information du SIES 23.03, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, mars 2023.
4 Repères conditions de vie 2023, Observatoire national de la vie étudiante
5 CNOUS, Rapport d’activités 2022.
6 Repères conditions de vie 2023, Observatoire national de la vie étudiante.
7 Ces structures associatives sont dédiées en priorité à l’hébergement de jeunes actifs ou apprentis âgés de 16 à 25 ans, leur public socle au regard du caractère social de leurs missions. Ils ne peuvent accueillir plus de 35 % d’autres publics (jeunes de 26 à 30 ans, étudiants non-salariés ou lycéens, apprentis de moins de 16 ans). Un ratio de 30 % a été appliqué à chaque résidence pour estimer le nombre de logements pouvant être occupés par un étudiant.
8 Source : INSEE RP 2020 – traitements AUCM
9 Estimations ANIL, à partir des données du Groupe SeLoger et de leboncoin – Carte des loyers 2023

illustration : Etudiants dans les Jardins de la Maison de l’étudiant à Vichy.

Loger les étudiants ou comment favoriser l’accès à l’autonomie et la réussite scolaire par le développement d’une offre dédiée abordable

Par Amélie Leroux, Chargée d'études Habitat et Observatoire Local des Loyers - 24.09.2024

Avec 2,93 millions d’inscriptions enregistrées dans l’enseignement supérieur à la rentrée 2022-2023 [1] en France, le nombre d’étudiants n’a jamais été aussi élevé et ne cesse de croître (+9.1 % sur les cinq dernières années). Cet accroissement de la population estudiantine s’accompagne d’un allongement de la durée d’études (le taux de scolarisation à 23 ans est passé de 24,7 % en 2010 à 31,4 % en 2021 [2]) et d’une plus grande mobilité géographique des néo-bacheliers entrant dans l’enseignement supérieur depuis la mise en place de Parcoursup (23 % des étudiants de 2021 quittent  leur académie d’origine pour faire leurs études supérieures contre 18 % en 2010 [3]). Dans ce contexte, la question des conditions de logement des étudiants devient un sujet dont s’emparent de plus en plus de territoires notamment s’ils souhaitent attirer des étudiants et développer leur offre de formation. Avec 3 087 étudiants inscrits à la rentrée 2023-2024 et une croissance des effectifs de +11 % en trois ans, Vichy Communauté est un pôle d’enseignement supérieur de l’Académie de Clermont-Ferrand en développement. De nouvelles offres de formations sont en projet et l’objectif des 4 000 étudiants en 2035 affiché dans le projet d’agglomération incite la collectivité à souhaiter aujourd’hui l’implantation d’une résidence CROUS sur son territoire. Afin d’objectiver le besoin en logement de ses étudiants et d’éclairer l’opportunité de la création d’une résidence étudiante CROUS sur son territoire, Vichy Communauté a confié la réalisation d’une étude de marché pour une résidence universitaire CROUS à l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central.

Le logement étudiant : entre contraintes financières et enjeu d’accès à l’autonomie

L’entrée en  études supérieures constitue un moment clé dans la vie des jeunes, marqué pour les deux tiers des étudiants par l’accession à leur premier logement en dehors du domicile parental. Cet accès à l’autonomie résidentielle constitue le démarrage de leur parcours résidentiel et parfois le début des difficultés. La décohabitation du domicile parental peut s’avérer en effet compliquée pour certains étudiants qui peinent à trouver leur logement et à le financer tout au long de leurs études. En France, le logement représente le principal poste de dépenses des étudiants avec en moyenne 528 €/mois qui y sont consacrés [4].

Les ressources des étudiants, de l’ordre de 1 129 €/mois en moyenne à l’échelle nationale, reposent sur les aides familiales (41 %), les revenus d’activités (27 %) et les aides publiques (bourses, allocations logement ou familiales, 25 %). L’autonomie des étudiants est ainsi relative car même s’ils accèdent à leur propre logement, ils restent, selon leurs milieu d’origine, dans une situation de semi-dépendance vis-à-vis de leur famille ou des aides publiques et sont parfois contraints de travailler en parallèle de leurs études avec le risque d’impacter leur réussite scolaire. Pour les plus précaires, l’autonomie résidentielle se paye aussi au prix d’économie sur la nourriture ou le renoncement aux soins. 35 % des étudiants vichyssois bénéficient d’une aide au logement de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) et 24 % d’une bourse du CROUS. 8 % des étudiants bénéficient de ces deux aides.

Avec 62 % des étudiants décohabitants, l’accession à un logement autonome est un enjeu pour les étudiants du pôle vichyssois. Selon les filières, l’origine géographique des étudiants est locale (ex : 79 % des étudiants inscrits en première année à l’UFR STAPS sont originaires de l’Académie de Clermont-Ferrand) ou nationale pour les filières plus spécialisées ou rares (ex : 11 % des étudiants de l’ISRP sont originaires de l’Académie de Clermont-Ferrand) avec un impact sur la  décohabitation puisqu’elle sera moins nécessaire si le domicile parental est proche du lieu d’études. Au regard du rythme des formations proposées à Vichy Communauté plus de 70 % des étudiants vichyssois ont besoin d’un logement de septembre à juin, soit pour l’ensemble de l’année universitaire et non pas pour une année complète.

Des étudiants locataires du parc privé, à proximité de leurs lieux d’études

A l’échelle nationale, l’offre publique de logements dédiée aux étudiants est la plus abordable financièrement mais reste limitée. Les 173 000 logements[5] des résidences universitaires du CROUS, permettent de loger environ 5,9 % des étudiants. Prioritairement attribués aux étudiants boursiers, ils présentent l’intérêt d’être abordables et incluent généralement les charges locatives, l’eau, l’électricité et l’accès à internet, permettant une meilleure maîtrise du budget pour les étudiants. De plus, ces résidences proposent majoritairement des logements de qualité, ayant fait l’objet d’une réhabilitation ou devant l’être prochainement ainsi que de nombreux services recherchés par les étudiants (laverie, local vélo, salle commune, conciergerie). Dans l’Académie de Clermont-Ferrand, la totalité des 3 995 logements des résidences du CROUS a fait l’objet d’une réhabilitation entre 2012 et 2021.

Mais cette offre dédiée étant limitée, les étudiants n’ont souvent d’autre choix que de se loger dans le parc locatif privé : 44 % des étudiants [6] à l’échelle nationale. Ce parc, de par son offre conséquente et la diversité de ses produits (T1 à louer seul ou T5 et + en colocation ; location vide ou meublée ; résidences services privées) est attrayant pour les étudiants mais tous ne peuvent se le payer. Leurs ressources limitées et l’exigence de gagner trois fois le montant du loyer et/ou d’avoir un garant restent des contraintes auxquelles se heurtent de nombreux étudiants, d’autant plus sur des produits chers car recherchés par tous :  logements de petites tailles (T1 ou T2) situés à proximité des établissements d’enseignement et des services. Par ailleurs, sur cette offre locative privée non réservée, les étudiants subissent la concurrence d’autres publics souvent préférés par les propriétaires-bailleurs car plus solvables et s’engageant pour des baux plus longs. Le cumul de ces difficultés poussent souvent les étudiants vers les logements moins décents du parc locatif privé.

A Vichy Communauté, 45 % des étudiants décohabitants, soit 1 249 étudiants, sont logés dans le  parc locatif privé, un logement loué vide pour 749 étudiants (27 %) ou meublé pour 500 étudiants (18 %). Avec, seulement 83 logements au sein de deux résidences gérées par le bailleur social Vichy Habitat, l’offre de logement dédiée abordable est actuellement limitée sur le territoire vichyssois. A cette offre peut s’ajouter un potentiel de 39 logements au sein des deux foyers jeunes travailleurs de la ville, pour autant bien qu’abordable, cette offre n’est pas exclusivement dédiée aux étudiants [7]. Du côté du parc locatif privé, 3 339 logements sont potentiellement adaptés pour des étudiants car composés d’une ou deux pièces et situés à Vichy [8] à proximité des établissements d’enseignement supérieur. Pour autant, bien que conséquente, cette offre est loin d’être bon marché et accessible financièrement pour tous les étudiants. Un appartement de type T1-T2 de 37 m² s’y loue 12,3 €/m² charges comprises en location vide [9], là où un logement au sein des résidences de Vichy Habitat se loue entre 9,3 €/m² à 11,2€/m² pour des logements semi-équipés et de 18,45 €/m² à 20,07 €/m² pour des logements meublés pour lesquels les frais sont inclus (électricité, eau chaude, chauffage et internet), ce qui n’est pas le cas au sein du parc locatif privé où il faut ajouter ces dépenses au montant du loyer.

Bien loger les étudiants est aujourd’hui une volonté partagée par de nombreux territoires car porteuse de réussites pour demain : capacité à attirer et implanter localement des forces vives formées, capacité à réguler et diversifier les marchés immobiliers, capacité à dynamiser des centres-villes… Proposer une offre de logements abordables et de qualité contribue à consolider l’autonomie des jeunes, à favoriser leur réussite scolaire et leur entrée dans la vie active. La proximité des lieux d’études, l’absence de difficulté pour le maintien dans le logement, ne pas être contraint d’avoir un job étudiant sont autant de facteurs de réussite, qu’une offre de logements abordables peut favoriser. Dans le cas de Vichy Communauté, l’implantation d’une résidence étudiante CROUS permettrait de répondre à ces besoins en logements des étudiants les plus modestes, besoins amenés à s’accroître avec la croissance à venir de l’effectif étudiant et où l’offre actuelle dédiée abordable ne permet déjà pas de loger l’ensemble de ce public.