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Réorientation écologique des territoires : quelles places et responsabilités des acteurs culturels ? Une enquête prospective de l’AUCM

Par Elodie Biétrix, Chargée d’études Massif central, Culture et réorientations écologiques et Stéphane Cordobes, Directeur général AUCM - 13.06.2023

L’AUCM a engagé dans son programme de travail partenarial 2023-2024 une enquête prospective visant à interroger la place des politiques culturelles, et plus généralement des acteurs du secteur culturel, dans la réorientation écologique des territoires. Un premier volet, des entretiens prospectifs, doit permettre d’écouter ceux qui sont déjà engagés sur ces enjeux à l’échelle du Massif central, complété par les analyses d’experts nationaux. Un second volet associera au sein d’un groupe de travail, une vingtaine d’acteurs locaux, porteurs de projets artistiques, d’actions culturelles, responsables de structures, en charge ou experts des politiques culturelles pour imaginer avec eux les scénarios d’évolution possible de leurs activités permettant de faire face au défi du changement global et de la bifurcation. Cette enquête devra courant 2024 au travers d’un troisième volet permettre d’interroger les politiques culturelles mises en œuvre par les adhérents de l’Agence, tester en situation les scénarios qui auront été produits et de préciser les enjeux spécifiques que chaque territoire aura à relever, non seulement pour adapter son activité à la nouvelle donne et la maintenir malgré les contraintes émergentes, mais surtout pour qu’elle constitue un levier à part entière aux transitions encore à mettre en œuvre.

Culture et réorientation écologique des territoires : un rapprochement de raison

Les politiques culturelles et artistiques ont longtemps été épargnées par le rendez-vous anthropocène. C’est incontestablement la Covid, puis la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l’énergie qui ont précipité la prise de conscience de la vulnérabilité des institutions et pratiques concernées : musées qui réduisent leurs heures d’ouverture pour économiser l’énergie, voire qui ferment faute de possibilité de fréquentation publique, festivals d’été et salles d’expositions qui s’inquiètent des pics de chaleurs, grandes institutions et événements populaires qui ne peuvent plus ignorer les coûts carbone de leurs activités liés aux déplacements importants de ceux qui les fréquentent. Les politiques culturelles ne vont pas pouvoir faire l’économie de la vaste réflexion maintenant entamée pour réduire drastiquement leur empreinte écologique, en particulier leur émission carbone, mais également leur impact sur les écosystèmes, leur consommation de ressources… Elles vont devoir s’adapter, gagner en sobriété et tenir compte des vulnérabilités accrues par le changement global afin de poursuivre leurs missions. Cette nécessité vaut d’autant plus que les politiques culturelles pourraient être amenées à jouer un rôle central dans la réorientation écologique elle-même : si l’on admet que celle-ci ne relève pas que de transitions techniques et normatives, mais au contraire nécessite un changement de rapport à nos milieux de vie, on voit mal comment échapper à une profonde acculturation : la réorientation écologique est fondamentalement une question culturelle et éducative qui pourrait donner aux institutions culturelles un nouveau rôle, et aux politiques dédiés, une mission fondamentale dans les prochaines années. Où mieux que dans ces lieux avec ces compétences et ressources, produire de nouveaux imaginaires, construire de nouveaux récits, transmettre les savoirs indispensables, révéler de nouveaux attachements, autrement dit produire la part symbolique et sensible indispensable à la réorientation écologique, les liens essentiels à des fabriques territoriales plongées dans le tumulte anthropocène.

Volet 1 : écouter ce que les acteurs culturels du Massif central – artistes, institutions, experts – ont à nous dire de la réorientation écologique des territoires

Le premier volet de l’enquête prospective mise en œuvre par l’Agence consiste à se rapprocher des artistes, institutions et opérateurs culturels, spécialistes de l’art, de l’esthétique, de la culture à minima sensibilisés à la réorientation écologique, mieux engagés dans celle-ci pour comprendre comment à l’échelle du Massif central ce public se prépare : il s’agit d’écouter les postures, les pratiques, les envies, d’analyser et de comprendre la position de ces acteurs à l’égard des enjeux écologiques. Assiste-t-on à un repositionnement des productions artistiques au bénéfice d’un art écologique, dédié à la mise en visibilité des vulnérabilités, à la promotion d’un nouveau rapport au vivant, à la production de nouvelles représentations, émotions, relations au sein des territoires de vie, à la promotion de logique d’attention et de soin aux environnements dont nous dépendons ? Les lieux culturels adaptent-ils leurs pratiques, leurs locaux, les modalités d’accueil, leur programmation, leur politique d’actions culturelles et de médiation, d’éducation publique et populaire, d’ancrage local ? Les collectivités s’inscrivent-elles dans un passage en revue de leurs politiques ? Comment ? Avec quels objectifs, renouvellement de leurs missions ? La réorientation écologique va-t-elle conduire à un réagencement du champ artistico-culturel ? Autant de questions que l’enquête doit aborder. Celle-ci très exploratoire ne cherche pas à être représentative et dresser un état des lieux du secteur, mais au contraire à détecter les signaux faibles et faits porteurs d’avenir qui esquissent sa transformation et permettent d’envisager concrètement, en situation, ce que l’art et la culture peuvent faire pour contribuer à la réorientation écologique des territoires. Les entretiens réalisés vont donner lieu à une diffusion in itinere dans la revue de l’Agence pour rendre compte et témoigner des pratiques actuelles et animer le débat public avant de nourrir un rapport de synthèse.

Volet 2 : élaborer des scénarios de réorientation écologique des politiques culturelles territoriales

Le deuxième volet de l’enquête prospective vise à imaginer, toujours de manière exploratoire, des scénarios d’évolution des politiques culturelles pour qu’elles s’inscrivent dans la réorientation écologique des territoires. Le protocole de travail repose ici sur la constitution d’un groupe d’experts des politiques et des actions culturelles locales qui sera mis en situation de production prospective. Quatre séminaires d’une demi-journée permettront de poser les problèmes qui se posent, d’esquisser des horizons souhaitables à 2050, de consolider des hypothèses prospectives par élaboration de trajectoires possibles, d’élaborer des scénarios et de qualifier les enjeux à relever par et pour les politiques concernées. Ils seront complétés par une consolidation, une documentation et du design en back-office. Ce travail se tiendra à l’automne 2023. Il donnera lieu à une publication et des débats publics début 2024. Il doit aussi permettre d’élaborer un kit d’activation territoriale – l’outil indispensable pour rendre la prospective concrète et opérationnelle – qui sera déployé dans les territoires volontaires, à partir de 2024. 

Volet 3 : activer la réorientation écologique culturelle dans les territoires 

En 2024, le kit d’activation de la réorientation écologique culturelle sera déployé avec les partenaires volontaires de l’Agence d’urbanisme au plus près des acteurs et territoires concernés. Plusieurs objectifs à ce troisième volet : pour l’Agence, déployer conformément à son repositionnement stratégique la prospective dans les territoires pour accompagner ses adhérents dans leur réorientation écologique ; tester sur le terrain les hypothèses prospectives issues du groupe d’experts pour affiner les réflexions et surtout, dans la logique pragmatiste qui est la nôtre, en l’éprouvant avec ceux qui agissent pour les consolider ; pour les collectivités et acteurs territoriaux, il s’agira d’entreprendre un travail de sensibilisation à la réorientation écologique et à la place que peuvent y tenir les politiques culturelles ; plus stratégiquement, il s’agira également de tester les politiques et actions culturelles mises en œuvre localement à l’aune des enjeux et des scénarios prospectifs proposés pour, le cas échéant, initier une réflexion visant à reconsidérer les stratégies à mettre en œuvre à moyen terme. Certains partenaires visent par exemple à se lancer dans l’élaboration de projet culturel territorial.

Chaque volet de l’enquête prospective suppose la participation d’un large éventail d’acteurs issus des milieux culturels, scientifiques, publics et politiques. C’est une condition de réussite de cette « coopérative prospective » que l’agence met en place en même temps que sa raison d’être : constituer un public, acculturer, mettre en mouvement, relever les enjeux qui engagent l’avenir des territoires, traduire la réorientation écologique en politiques, stratégies et actions concrètes. Si vous êtes intéressés ou simplement curieux, si vous souhaitez obtenir davantage d’informations sur l’un ou l’autre des protocoles présentés, ou si cette enquête fait directement échos à vos préoccupations et besoins et que vous souhaitez y participer, n’hésitez pas à nous contacter !