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[1] – The limits to growth – Dennis MEADOWS, Donella MEADOWS, Jorgen RANDERS, William BEHRENS, 1972. 

[2] – Le Club de Rome est un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, économistes, fonctionnaires nationaux et internationaux et des dirigeants industriels de 52 pays. 

[3] – L’étude menée par l’AUCM en 2023 a permis de recenser 20 Maisons de la nature en France (aux dénominations et statuts différents) et de répertorier leurs actions. Si ce recensement n’est pas exhaustif, il a permis d’identifier 4 grands profils de MNE. 

[4] – La transition écologique est le passage, à l’échelle d’une société, à des modes d’habiter et des systèmes productifs plus durables. D’un point de vue géographique, la problématique sous-jacente à la transition écologique est celle des recompositions spatiales pour une meilleure cohabitation entre l’ensemble des vivants, humains et non-humains, qui peuplent les milieux terrestres. Elle invite à un certain renouvellement des cadres d’analyse, au-delà de la dichotomie société/environnement, pour mettre l’accent sur les relations d’interdépendance qui tissent les milieux habités (source : Géoconfluences). 

[5] – 1 000 m² pour la maison bourgeoise, répartis sur deux niveaux, 850 m² pour l’ancien couvent et 420 m² pour l’ancienne ferme. 

[6] – La SPL Clermont-Auvergne est un outil d’aménagement opérationnel au service des collectivités locales qui composent son actionnariat : Clermont Auvergne Métropole, la Ville de Clermont-Ferrand, Vichy Communauté, la Ville de Vichy et Riom Limagne et Volcans. 

[7] – Landestini est une organisation à but non lucratif créée en 2019 par Henri LANDES et Fanny AGOSTINI et basée à Boisset (Haute-Loire). Sa mission : donner envie de se reconnecter à la terre, à la nature et à la ruralité, et de contribuer à la préservation du vivant, à travers des programmes pédagogiques et liés à l’entrepreneuriat rural visant à promouvoir une alimentation saine et une agriculture durable, tout en apprenant comment et pourquoi prendre soin de la biodiversité et réenchanter les campagnes. 

Mozac : imaginer une Maison de la nature et de l’environnement (MNE) pour accompagner les transitions de manière solidaire

Par Jérémy Papin, Chargé d'études Stratégies territoriales, urbaines et transitions - 04.12.2024

Apparues en France à la fin des années 1970, les Maisons de la nature ont vu le jour dans un contexte de prise de conscience grandissante des enjeux environnementaux, tant au niveau national que local. Leur essor s’est poursuivi dans les années 1980 et 1990, à travers des formes variées et des appellations multiples. Initialement centrées sur la préservation et la valorisation de l’environnement, ces structures doivent désormais adapter leurs missions pour répondre aux défis du changement global. Comment repenser leur modèle autour des notions de transition écologique et de solidarité territoriale ? Focus sur la Maison de la nature et de l’environnement (MNE) de Mozac, dans le Puy-de-Dôme.

Du développement durable à la transition écologique

L’historique des Maisons de la nature en France nous éclaire sur l’évolution du rapport au vivant et les modalités envisagées en matière de médiation à la nature.

En 1972, le rapport « Les Limites à la croissance (dans un monde fini) » [1], commandé par le Club de Rome [2], alerte sur l’épuisement des ressources et les impacts écologiques de la croissance économique et démographique. Cette même année, la première conférence des Nations unies sur l’environnement se tient à Stockholm, marquant le début d’une prise de conscience mondiale. En France, le premier Ministère de l’environnement est créé un an plus tôt, en 1971.

Les premières Maisons de la nature s’inscrivent dans cette dynamique des années 1970. La plus ancienne recensée dans l’étude de l’AUCM [3] est la Maison régionale de l’environnement et des solidarités (MRES) de Lille, fondée en 1978. Ce réseau associatif regroupe aujourd’hui 117 associations et 47 000 adhérents, œuvrant pour la protection de la nature, l’éducation au développement durable et pour la promotion des droits humains et de la citoyenneté.

En 1980, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) introduit le terme « sustainable development », traduit en français par « développement durable ». Ce concept, officialisé lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, devient un principe-clé pour concilier développement économique et protection de l’environnement. L’Education à l’environnement pour un développement durable (EEDD) se déploie en France, renforçant les actions environnementales dans les politiques publiques locales. Dès les années 1980-1990, les Maisons de la nature accompagnent ce mouvement en s’appuyant sur un écosystème associatif dédié à l’EEDD et à la préservation de l’environnement. On passe peu à peu de la notion de nature à celle d’environnement, puis de développement durable, et de celle d’animation à celle d’éducation.

Cependant, au tournant des années 2000, la notion de « développement durable » est critiquée pour son flou et son appropriation marketing, diluant son ambition initiale de transformation profonde des sociétés et de changement de modèle économique et social. Le concept de « transition écologique » [4] remplace progressivement celui de « développement durable » dans les années 2010.

Un panorama des Maisons de la nature en France

L’étude comparative de l’AUCM a permis d’identifier une vingtaine de Maisons de la nature en France (liste non exhaustive), présentant des statuts, des portages et des modes de financements différents. Parmi celles-ci, 9 ont un statut associatif (incluant Lyon, Dunkerque et Lille), 5 sont gérées par des municipalités (comme Balma et Nice), deux ont un statut métropolitain ou intercommunal (Bordeaux et Angers), deux ont un statut départemental, et deux sont soutenues par la Région.

L’étude met en avant deux exemples intéressants de Maisons de la nature inscrites dans de nouvelles dynamiques : la Maison municipale de l’environnement de Balma, inaugurée en mars 2023, et la Maison de l’environnement d’Angers Loire Métropole. L’accent est désormais mis sur les enjeux de justice sociale, avec l’objectif d’impliquer davantage les citoyens à travers des actions concrètes et des expérimentations.
A Balma (Haute-Garonne), la Maison municipale vise à sensibiliser les citoyens à la transition écologique (énergie, mobilités, gestion des déchets, alimentation, nature, biodiversité, etc.) via un Espace Info Énergie et l’organisation d’ateliers, de conférences, de ciné-débats et d’expositions.
De son côté, la Maison de l’environnement d’Angers Loire Métropole, fondée en 1990, réunit 70 partenaires publics, privés et associatifs. Il s’agit avant tout d’un lieu de sensibilisation et d’éducation à l’écologie, proposant des événements toute l’année (ateliers, jeux, visites, etc.) et disposant d’un jardin de 4 000 m². Récemment, une réflexion a été lancée pour repenser sa stratégie autour d’un programme d’activités variées permettant de mieux faire comprendre les enjeux du climat et de la biodiversité, d’accompagner les citoyens au quotidien dans la transition écologique et développer un réseau de sites au sein de l’agglomération.

Bien qu’il n’existe pas de définition officielle des Maisons de la nature, 4 grands profils ont été identifiés par l’AUCM au regard des domaines d’intervention des structures répertoriées. Tout d’abord, un profil « éco-citoyen », qui fédère les acteurs locaux, avec des MNE qui jouent un rôle central en regroupant et mettant en réseau les associations et structures de l’Économie sociale et solidaire (ESS). Celui-ci vise à favoriser la coopération locale et à renforcer l’engagement citoyen en matière d’écologie et de développement durable. Un second profil « éducation à l’environnement » davantage axé sur la sensibilisation des publics, avec des MNE qui placent l’éducation à l’environnement au cœur de leurs missions, autour d’ateliers, d’animations et de projets pédagogiques s’adressant à tous les publics, des enfants aux adultes, avec pour objets la sensibilisation à l’écologie et l’encouragement des pratiques durables au quotidien. Un troisième profil « services publics » avec des structures qui remplissent un rôle d’accompagnement, de facilitation, en offrant des informations et des conseils aux citoyens liés à la transition écologique. Enfin, un profil « entreprises » pour accompagner l’innovation et la formation, avec des espaces tels que des incubateurs et des pépinières, qui soutiennent l’entrepreneuriat local. Ce profil propose également des actions de formation, contribuant à renforcer les compétences nécessaires à l’économie verte et solidaire.

Réalisation : AUCM, 2024

La Maison de la nature et de l’environnement (MNE) de Mozac : un site à valoriser et à faire évoluer

Mozac est une commune du Puy-de-Dôme, proche de Riom, située à 15 km au nord de Clermont-Ferrand. En 2023, l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central (AUCM) a été missionnée pour accompagner la Communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans (RLV) dans la définition d’un projet de transformation de la MNE, créée en 2021 sur le site du Carmel, anciennement propriété de la CCI du Puy-de-Dôme, avec pour objectif de faire de ce site un lieu emblématique regroupant différents acteurs de l’environnement et conçu comme un espace d’échange et de formation, accessible à tout public.

Située à proximité de la coulée verte de l’Ambène (cheminement paysager aménagé le long du ruisseau de l’Ambène), la MNE accueille depuis 2022 le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) Auvergne et le Réseau éducation environnement Auvergne (REEA). Une quarantaine de personnes travaillent actuellement sur ce site, composé d’une maison dite « bourgeoise », d’un couvent construit dans les années 1970, d’un ancien pigeonnier, d’une ferme, d’un verger et d’un espace arboré [5]. Actuellement, seule la maison bourgeoise est occupée par les associations.

En 2023, RLV a souhaité élargir les missions de la MNE en attirant de nouveaux publics et en proposant de nouveaux services aux habitants. L’ambition : créer un lieu d’information, d’exposition, de formation accessible au public et aussi dédié aux entreprises et aux jeunes entrepreneurs dans le domaine de la transition écologique. Le projet doit également s’articuler avec la création d’un nouveau quartier comprenant environ 90 logements, porté par l’opérateur Polygone.

L’analyse AFOM (atouts, faiblesses, opportunités et menaces) de la MNE, réalisée par l’AUCM par le biais de plusieurs ateliers réunissant les élus et les services de RLV et via des entretiens avec les associations locales (REEA, CEN, CPIE et LPO), a mis en évidence les nombreuses qualités du site. Sa localisation stratégique, à proximité de la gare de Riom (via la coulée verte de l’Ambène) et des équipements culturels et touristiques majeurs, s’ajoute à la qualité intrinsèque du lieu : une forte valeur environnementale et patrimoniale, et des espaces extérieurs propices aux expérimentations et à l’organisation d’ateliers. Le site offre un fort potentiel en termes de réhabilitation pour accueillir de nouvelles activités et peut s’appuyer sur les initiatives du REEA et du CEN pour dynamiser son animation tout au long de l’année.

Une nouvelle stratégie en faveur de la préservation du vivant et de modèles économiques plus performants, résilients et écologiques

Dès lors, quels leviers activer pour élargir le champ d’action de la MNE et répondre aux défis du changement global ? Comment faire évoluer ses missions et tisser de nouveaux partenariats avec les acteurs locaux ? Quelles vocations privilégier pour faire vivre la MNE tout au long de l’année et accueillir tout type de public ?

L’étude de l’AUCM a abouti à la définition de 6 vocations autour desquelles construire une nouvelle stratégie pour la MNE en faveur de la préservation du vivant et de la biodiversité et permettant d’inventer de nouveaux modèles économiques plus performants, résilients et écologiques, et répondant aux besoins du territoire. Parmi ceux-ci on relève :

  • Un lieu référent pour les actions de la collectivité en matière de transition écologique : information sur les actions mises en œuvre par RLV (PLUi, PCAET, ENR, mobilités, etc.), conseil et formation auprès des élus et techniciens
  • Un guichet unique d’information et d’accompagnement à la transition écologique (conseils pour les particuliers et les entreprises) : espace conseil (sur l’énergie, les déchets, l’eau, l’alimentation, la rénovation du bâti, etc.), permanences d’organismes partenaires (CAUE, Aduhme, ADIL, etc.)
  • Un espace d’accueil pour les entreprises spécialisées dans l’environnement : location de bureaux et locaux pour des entreprises, location de salle de réunions et de séminaires
  • Un tiers-lieu environnemental et éco-citoyen : organisation de rencontres, débats, conférences, expositions, ateliers pratiques et pédagogiques
  • Un pôle d’éducation à la nature et à l’environnement à destination des scolaires et d’autres publics spécifiques
  • Un lieu d’accueil et de mise en réseau des acteurs associatifs : CEN et REEA (déjà installés dans les locaux) et à terme d’autres structures associatives (avec équipements mutualisés)

Afin de structurer la stratégie de la MNE, 3 scénarios de développement ont été envisagés : une MNE axée sur l’environnement et les services publics ; une MNE centrée sur les relations avec les entreprises ; une MNE au profil hybride combinant environnement, services publics et entreprises.

RLV a fait le choix du troisième scénario, un profil mixte qui permet de répondre aux besoins des différents acteurs à travers : un incubateur d’entreprises intervenant dans les domaines de l’innovation et de la transition écologique, une pépinière d’entreprise, des actions d’accompagnement et de sensibilisation à la transition écologique, pour faire de ce site un véritable tiers-lieu environnemental.

Réalisation : AUCM, 2024

La MNE de Mozac, comme d’autres Maisons de la nature en France, cherche à élargir son public et ses domaines d’intervention pour répondre aux enjeux multiples de la transition écologique. Comment réinventer cet outil au service du territoire pour répondre aux besoins des différents acteurs locaux (associations, entreprises, citoyens, etc.) et en faire un levier et un site démonstrateur pour les actions de la collectivité en faveur de l’environnement ? C’est le défi que souhaite relever RLV.

Suite à l’étude de préfiguration menée par l’AUCM, une mission d’AMO a été confiée à la SPL Clermont-Auvergne [6] pour la programmation des travaux de réhabilitation des différents bâtiments (démarrage prévisionnel fin 2025). Parallèlement, un partenariat avec l’association Landestini [7] a été engagé fin 2024 pour développer un incubateur dédié à l’innovation au service de la transition écologique et accompagner des entrepreneurs souhaitant exercer un métier porteur de sens et qui contribue à une économie à fort impact écologique sur le territoire de l’agglomération et au-delà.