La vacance de logement : Un levier pour les politiques d’habitat

Par Aurélie Teil, Chargée d'études Habitat et Foncier - 16.03.2022

La vacance des logements est un phénomène régulièrement évoqué dans les médias. En effet, pour satisfaire les besoins en logement dans les territoires, l’intervention sur le parc existant apparaît de plus en plus comme un levier majeur d’action. Dans ce but, les collectivités sont amenées à se questionner pour mieux identifier le phénomène, le localiser, le qualifier et mesurer son impact sur le marché. Au-delà de la production d’une offre nouvelle, ou de la revitalisation de certains quartiers, la remise sur le marché de logements vacants contribue aussi à renforcer l’attractivité des territoires.  En 2021, la question de la vacance est même devenue un enjeu national avec la mise en œuvre du Plan national de lutte contre les logements vacants. Celui-ci a pour objectif la remise sur le marché des logements durablement vacants en développant des solutions incitatives.

LA VACANCE DE LOGEMENT DANS LE PUY-DE-DÔME :
UN PHÉNOMÈNE RÉVÉLÉ PAR LE SCHÉMA DÉPARTEMENTAL DE L’HABITAT

Dans le Puy-de-Dôme, une problématique importante de vacance des logements a été révélée dans le cadre du Schéma départemental de l’Habitat, qui fixe les orientations et les actions départementales pour la période 2019-2024 (SDH). Une fiche-action est dédiée à la lutte contre la vacance dont les objectifs sont notamment la remise sur le marché de biens en centres-bourgs, la valorisation, le patrimoine bâti constitutif de l’identité territoriale, ou la production d’une offre de logements très sociaux. Afin d’alimenter les objectifs du SDH en la matière, l’agence d’urbanisme a été mandatée pour réaliser un travail de repérage, de qualification et d’aide à la mobilisation du logement vacant. Cette mission se décompose en 4 grandes phases : la réalisation d’un état des lieux de la vacance [1], l’organisation d’une matinée de sensibilisation, l’élaboration d’un guide méthodologique et l’accompagnement de 2 EPCI tests dans une phase préopérationnelle.

LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE MENÉE PAR L’AGENCE D’URBANISME
ET DE DÉVELOPPEMENT DE CLERMONT MÉTROPOLE

En 2021, le département du Puy-de-Dôme compte 31 500 logements vacants depuis plus de 2 ans, soit un taux de vacance structurelle de 8%, largement supérieur au taux national de 3,5%. Mais le volume et le taux de vacance du département apparaissent plutôt stable depuis 2015.  En volume, la vacance concerne en premier lieu les centres-villes et les centres-bourgs, un quart concerne la Métropole. Mais en proportion, elle apparait plus élevée dans les territoires ruraux et de montagne. A titre d’exemple les EPCI de Chavanon Combrailles et Volcans, Ambert Livradois Forez, ou Pays de Saint-Eloy, Thiers Dore et Montagne affichent des taux entre 13 % et 22 % (contre 5% pour Clermont Auvergne Métropole).

La durée de vacance est plutôt longue : 40 % des logements sont inoccupés depuis 6 ans ou plus. Elle concerne une majorité de maisons, pour l’essentiel de logements anciens, souvent inconfortables (73% datent d’avant 1950 – contre 40 % pour l’ensemble des logements). La majorité des propriétaires résident à moins de 100 km de leur(s) bien(s) vacant(s) et la moitié d’entre eux ont plus de 65 ans. Dans leur grande majorité, les propriétaires ne détiennent qu’un ou deux logements vacants depuis plus de 2 ans sur le département (80%). Cet éparpillement entre de nombreux propriétaires privés rend plus difficile la compréhension du phénomène et le déploiement d’actions efficaces (par exemple intervention sur un ou des immeubles de plusieurs logements aux mains d’un seul propriétaire).

SENSIBILISER ET MOBILISER LES ACTEURS DÉPARTEMENTAUX DE LA LUTTE CONTRE LA VACANCE DANS UN CONTEXTE DE LUTTE CONTRE L’ARTIFICIALISATION

Afin de partager cet état des lieux avec les 14 EPCI du département, acteurs de la lutte contre la vacance, et d’élargir les perspectives sur le sujet de la lutte contre la vacance, l’agence d’urbanisme a coorganisé, avec le Département, un webinaire le 11 janvier 2022. Les rencontres du réseau d’acteurs ont été mises en œuvre dans le cadre du Schéma départemental de l’Habitat afin de « penser et agir collectivement pour l’avenir». L’idée est de faire régulièrement le point sur l’actualité des recherches et des travaux en matière d’urbanisme et d’habitat, de favoriser les partages d’expériences entre les territoires, et d’approfondir les sujets en fonction des besoins exprimés par les élus et les techniciens. En savoir plus : Réseau des acteurs – Puy-de-Dôme 

Cette rencontre a permis de valoriser le retour d’expériences de territoires sur le traitement de la vacance, comme l’Eurométropole de Strasbourg ou le département de la Meuse, et de décrypter les préconisations concernant la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols de la loi Climat et Résilience.

PARTAGER ET RÉFLÉCHIR À DES EXPÉRIENCES MENÉES EN DEHORS DU DÉPARTEMENT POUR ÉLARGIR L’ANALYSE

Karine DELIGNE, cheffe de projet “Logement vacant” à l’Euro métropole de Strasbourg et coordinatrice du Réseau National des Collectivités contre le Logement Vacant (RNCLV) a présenté le Réseau, le plan national contre le logement vacant (perspectives, outils), ainsi que les actions de lutte contre le logement vacant de l’Euro métropole de Strasbourg. L’Eurométropole de Strasbourg est mobilisée depuis 2015 dans la lutte contre le logement vacant. Après avoir finement repéré et analysé la vacance sur son territoire, elle a choisi de développer un dispositif spécifique « Mieux relouer mon logement vacant » visant à accompagner les propriétaires dans la mobilisation de leurs logements vacants. L’objectif est de remettre 100 logements vacants par an sur le marché. Pour cela des moyens humains ont été mis en place (1 cheffe de projet lutte contre le logement vacant), et une boite à outils a été déployée pour accompagner les communes et les propriétaires (fourniture et analyse des données vacance, modèles de courriers de mobilisation des propriétaires, mise en relation avec les partenaires adaptés, soutien et suivi des projets des propriétaires). Grâce à ce dispositif, 305 logements vacants ont été remis en location en 5 ans (60% de l’objectif).

Etienne FERNANDEZ, Référent Habitat au Conseil départemental de la Meuse, a présenté la démarche de lutte contre la vacance des logements privés sur les centralités du département de la Meuse. La Meuse est un département rural où le taux de vacance s’avère particulièrement élevé (12% selon l’INSEE) dans un marché immobilier globalement détendu. De fait, la lutte contre la vacance s’est imposée comme une mesure importante du Plan départemental de l’Habitat (2016-2021). L’action s’est concentrée sur les centres-villes et les centres bourgs, en apportant de l’ingénierie à ces communes pour leur permettre de diagnostiquer les besoins et définir les outils adaptés (analyse statistique, enquête, etc.). En parallèle le Département a renforcé la communication sur les aides aux travaux et lancé un dispositif de financement spécifique sur les restructurations/fusions d’immeubles sur les centres-bourgs et cœurs de ville.

Thierry BONNABRY, adjoint au service Prospective Aménagement Risques à la DDT 63 a explicité les dispositions relatives à la lutte contre l’artificialisation des sols de la loi Climat et Résilience : définition et observation de l’artificialisation, conséquences et obligations pour les documents de planification, et dispositions d’accompagnement des territoires.

L’ÉLABORATION D’UN GUIDE MÉTHODOLOGIQUE POUR CAPITALISER
SUR SES SAVOIRS ET FAVORISER LE PASSAGE À L’ACTION

Ces exemples pourront sans aucun doute nourrir des pistes de réflexion pour le département du Puy-de-Dôme et alimenter le guide méthodologique à destination des territoires.

Un guide méthodologique est en effet en cours d’élaboration pour accompagner les collectivités dans le repérage et la mobilisation du logement vacant.

Ce guide permettra :

  •  D’identifier les bases de données disponibles et les indicateurs clés à suivre et identifier ;
  •  D’aider à l’élaboration d’une stratégie d’intervention (vérification terrain, acteurs à associer, secteurs prioritaires d’intervention) ;
  •  De proposer une boite à outils pour passer à l’action (dispositifs et outils opérationnels) ;
  •  De donner à voir un certain nombre de bons exemples développés sur d’autres territoires.