La revue

Au bénéfice de la santé de ses habitants, Clermont Auvergne Métropole étend sa Zone à Faibles Emissions de polluants

Par Sébastien Reilles, Chargé d"études Mobilités - 18.12.2024

Au 1er janvier  2025, à la suite du vote du conseil métropolitain, la Zone à Faibles Emissions – mobilité (ZFE – m) de Clermont-Ferrand concernera l’ensemble du périmètre métropolitain. Dès lors, les véhicules professionnels – camions et véhicules utilitaires légers- les plus âgés (véhicules d’au moins 23 ans) ne pourront plus circuler au sein de l’agglomération clermontoise : un bouleversement dans les pratiques de mobilité des artisans et des professionnels.   

Quels effets entraînerait plus précisément cette mesure ? Pour préparer ce changement et aider à la prise de décision politique, Clermont Auvergne Métropole a missionné l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central pour estimer les impacts socio-économiques de l’extension du périmètre de la ZFE-m. En complément, le Cerema et Atmo Auvergne Rhône-Alpes ont réalisé une étude sur les bénéfices en termes de qualité de l’air.  

La pollution de l’air reste une préoccupation majeure de santé publique

La nécessité de lutter contre la pollution de l’air a conduit il y a près de trente ans à la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (Loi LAURE, 1996), avec une mesure phare dans le domaine des mobilités : l’instauration des Plans de Déplacements Urbains dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. En incitant au développement d’alternatives à la voiture, ces plans ont participé à l’amélioration de la qualité de l’air. Ainsi, depuis 2000, des baisses notables d’émissions de polluants et notamment les concentrations en oxydes d’azote (-60%), principalement produites par le trafic routier, sont constatées [1]. Néanmoins, la qualité de l’air dans les grandes agglomérations peut encore être améliorée au bénéfice de la santé des habitants. La pollution atmosphérique reste responsable d’environ 40 000 décès par an à l’échelle nationale [2] et un grand nombre de villes ont des teneurs en polluants régulièrement supérieurs aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, celles-ci étant nettement plus basses que les seuils en vigueur au niveau de l’Union Européenne. À titre d’exemple, sur les dioxydes d’azote, les valeurs limites européennes actuelles sont de 40 microgrammes par mètre cube (µg/m³) alors que la recommandation de l’OMS est de 10 µg/m³.  

Les lois d’orientation des mobilités (2019) et “Climat et Résilience” (2021) poursuivent cet objectif d’amélioration de la qualité de l’air à travers le déploiement d’un nouvel outil, les Zones à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m), rendues obligatoires dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, dont celle de Clermont-Ferrand.  

Objectifs des ZFE-m : Clermont Auvergne Métropole opte pour la lisibilité

Une Zone à Faibles Emissions – mobilité est un secteur géographique où la circulation des véhicules les plus polluants est restreinte afin de diminuer les émissions de polluants atmosphériques, améliorer la qualité de l’air locale, et ainsi réduire les impacts de la pollution sur la santé des habitants et des autres usagers séjournant au sein du secteur concerné. Chaque collectivité est libre de définir le périmètre d’application (territoire plus ou moins étendu), les périodes de mise en œuvre (en permanence ou « en journée » seulement) et les véhicules concernés (tous véhicules ou seulement les camions et les véhicules utilitaires légers). Cette adaptabilité des mesures de restriction de circulation à chaque agglomération doit permettre une meilleure efficacité et acceptabilité locale de la mesure.  

Au regard des obligations de la loi “Climat et Résilience”, le périmètre de l’actuelle ZFE-m mis en place depuis juillet 2023 sur une partie de la commune de Clermont-Ferrand doit s’étendre à un périmètre couvrant au moins la moitié de la population de l’agglomération à compter du 1er janvier 2025. Afin de “gagner en lisibilité”, les élus métropolitains ont porté l’extension de ce périmètre à l’ensemble de la métropole. Les véhicules concernés restent par ailleurs inchangés : seuls les camions, fourgons et fourgonnettes « non classés » (soit des véhicules âgés d’au moins 23 ans) sont concernés par la mesure. A noter que dans certains cas, ces véhicules pourront bénéficier de dérogations temporaires pour permettre une meilleure adaptation des acteurs économiques du territoire au nouveau dispositif.  

Si l’objectif de santé publique est largement partagé, la perspective d’une restriction de circulation sur l’ensemble de la métropole clermontoise pour les professionnels équipés de véhicules anciens suscite des inquiétudes que l’étude sur les impacts socio-économiques a tenté d’analyser.  

Un impact différencié selon les activités, qui dépasse les frontières métropolitaines

La métropole clermontoise constitue le poumon économique du département puisqu’elle concentre 50% des établissements et 60% des emplois du Puy-de-Dôme. En outre, 45% des entreprises du département ont des rayons d’intervention dépassant les 50 km et sont amenées à fréquenter régulièrement le territoire.  

L’instauration de la Zone à Faibles Emissions – mobilité (ZFE-m) sur les 21 communes de Clermont Auvergne Métropole à compter du 1er janvier 2025 interdira possiblement la circulation d’environ 10% du parc des véhicules professionnels (poids lourds et véhicules utilitaires légers). La mesure devrait concerner ainsi environ un millier de véhicules immatriculés dans des entreprises localisées sur le territoire de Clermont Auvergne Métropole (Estimation haute, car utilitaires légers appartenant à des professionnels ou à des particuliers sont difficilement différenciables). Elle touchera par ailleurs les véhicules professionnels non classés d’entreprises extérieures à la métropole. Ainsi, les mesures de régulation de circulation au sein de la métropole, découlant de l’instauration de la ZFE-m, devraient avoir un impact bien au-delà des limites administratives de celle-ci.  

L’étude met cependant en évidence un impact différencié de la mesure selon la nature de l’activité et des véhicules. Ainsi, les activités du transport, de la logistique ou du commerce de gros seront plus sensibles car elles ont besoin de plus de mouvements de marchandises que des entreprises de services.  De la même façon, les secteurs du BTP ou du commerce de gros, qui utilisent des camions et camionnettes, sont potentiellement plus concernés que les entreprises de services ou le commerce de détail qui peuvent recourir à des voitures particulières (non concernées par la ZFE-m), voire des vélos.  

Une tendance au renoncement et des règles du jeu mal connues  

Une enquête en ligne réalisées par les milieux économiques (Chambre de commerce et d’industrie et Chambre des métiers et de l’artisanat) révèle que la moitié des entreprises du département ayant répondu se rendent à Clermont-Ferrand et la périphérie sud-est (Aubière, Cournon…) plusieurs fois par semaine, quel que soit leur domaine d’activité. Les acteurs économiques sont nombreux à penser qu’ils vont connaître des difficultés à s’adapter à la ZFE-m. Dans ce contexte, les entreprises semblent plus enclines à renoncer à un client (43% des sondés envisagent cette possibilité) ou à un fournisseur (35%)   qu’à agir sur leur parc de véhicules (25% des répondants pensent changer de véhicules). Ainsi, l’élargissement de la ZFE-m suscite davantage le renoncement, qu’un effet significatif sur les intentions de renouvellement des véhicules concernés par la mesure.  

Afin d’encourager ces renouvellements, Clermont Auvergne Métropole a mis en place depuis juin 2023 un dispositif d’accompagnement des entreprises afin d’aider les professionnels à changer de véhicules (une aide globale d’environ 60 000 € par an, à raison de 2 000 à 3 000 euros par véhicule), en complément des aides d’Etat. Néanmoins, le dispositif d’aides de la Métropole reste peu connu (seulement 2 véhicules ont bénéficié de subventions en 2023). En outre, les acteurs économiques installés hors de la mMétropole ne peuvent y prétendre, alors que leurs véhicules sont  souvent plus anciens. Enfin, le récent décret n°2024-1084 du 29 novembre 2024 relatif aux aides à l’achat ou à la location de véhicules peu polluants réduit l’incitation en confirmant la suppression totale du bonus écologique pour acquérir des véhicules utilitaires électriques.  

La ZFE-m prévoit également des dérogations en direction des professionnels qui ne pourraient pas renoncer à l’usage de leur véhicule non classé. Cependant, le dispositif semble, là encore, mal connu. Ces dérogations sont par ailleurs temporaires et ciblent des véhicules spécifiques (bétonnière, camion de commerces ambulants, engins de travaux publics…) ou encore les véhicules détenus par le tissu associatif.  

Pour faciliter et accompagner l’adaptation des entreprises à l’extension du périmètre de la ZFE-m et assurer ainsi une meilleure qualité de vie en ville, il apparaît ainsi opportun de mieux faire connaître les aides et les dérogations auprès des acteurs économiques. Plus globalement, il s’agira de susciter chez les professionnels une adaptation plus profonde, basée sur de nouvelles pratiques de mobilité. Les particuliers seront, eux aussi, amenés à modifier leurs pratiques de mobilité au sein de la mmétropole, en lien avec le projet INSPIRE.