Lire le numéro complet de Traits d’agence FNAU – Juin 2023
1. Rapport n° 013606-01 Mission sur la transparence, l’information
et la participation de tous à la gestion des risques majeurs,
technologiques ou naturels
2. Diagnostic de vulnérabilité de Clermont Auvergne Métropole,
document de travail, 8 décembre 2022
3.https://www.clermontmetropole.eu/preserver-recycler/transition-energetique-et-ecologique/le-schema-de-transition-energetique-et-ecologique/
4. voir page 73 https://www.orcae-auvergne-rhone-alpes.fr/fileadmin/user_upload/mediatheque/orcae/Profils_v1/Profil_246300701.pdf
5. Dictionnaire critique de l’anthropocène, CNRS Editions, 2020
6. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/vulnerabilite
7. Atlas des sols du Puy-de-Dôme
Crédit photo : Escoutoux – incendie 23 juillet 2019 © OLIVIER MARTINET France 3 Auvergne
(Ré)animer une culture territoriale du risque
La culture du risque se nourrit de la mémoire collective des évènements mais aussi d’une connaissance des vulnérabilités du territoire et des aléas qui peuvent y survenir. Acquérir une culture du risque nécessite de développer « une prise de conscience du risque et de l’ensemble des connaissances […] permettant d’anticiper les impacts d’une situation et d’adopter des comportements adaptés en cas de catastrophes » [1] .
Les activités humaines ayant désormais déstabilisé le système Terre, la caractérisation des aléas, des vulnérabilités territoriales et des risques évolue. Alors à l’aune du dérèglement climatique, notre culture du risque serait-elle dépassée ? Le Massif Central, dont la métropole clermontoise est le cœur, est couramment décrit comme vert, et riche de sources d’eau. Cependant, le constat d’une évolution du régime des précipitations, la modification de l’alternance périodes de sécheresse et fortes pluies, la baisse du bilan hydrique et l’élévation des températures des cours d’eau et des lacs a conduit Clermont Auvergne Métropole à engager, au dernier trimestre 2022 une actualisation, en cours, de son Schéma de Transition Énergétique et Écologique pour mieux prendre en compte les vulnérabilités liées à l’eau [2,3].
Derrière l’image d’une nature verdoyante, le département Puy-de-Dôme est aussi concerné par le risque majeur de feux de forêt. Soumis à l’augmentation globale de la température de l’air et à la sécheresse, une évolution du risque a été constatée. Ainsi, le nombre annuel de jours où le risque météorologique de départ et de propagation de feux est important a atteint, en 2015, un niveau inédit. Et la superficie départementale concernée a augmenté de 47,1% entre la période 1959-1988 et la période 1986-2015[4]. Ce qui paraissait être un atout du territoire peut désormais être perçu comme une vulnérabilité.
Si la définition des vulnérabilités territoriales prend en compte des facteurs quantifiables (nombre d’infrastructures, superficie des forêts, etc.), elle en inclut d’autres plus insaisissables, comme le passé d’un territoire ou les comportements sociaux des populations [5]. L’appréhension des risques ne peut échapper à sa dimension territoriale, voire ultra-locale et à la conjugaison d’aspects techniques et sociaux. Or, les vulnérabilités semblent invisibles dans nos paysages quotidiens. Et cette faible perception génère une sous-estimation du risque [6]. Exemple concernant le risque de rupture de production alimentaire : la teneur en acide phosphorique des sols du département varie fortement d’une commune à l’autre, et est par ailleurs peu abondante sous sa forme assimilable par les plantes. Il n’est pas substituable et ne peut être synthétisé, c’est un élément clé pour la production alimentaire [7]. Par ailleurs, il est aussi déterminant pour le stockage du carbone dans le sol donc pour l’atténuation du réchauffement climatique qui impacte le cycle de l’eau et donc la production alimentaire. Soumise à des vulnérabilités territoriales, la rupture de production alimentaire est donc un risque systémique, ce qui le rend particulièrement complexe et difficile à prévoir. Désormais inféodés au contexte global du dépassement des limites planétaires, conséquence des activités humaines, les risques majeurs prennent en plus une dimension systémique : ils ne peuvent pas être réduits en se préoccupant de la seule échelle locale, ni de manière isolée les uns des autres.
La description de nos territoires serait-elle à réinventer pour mieux rendre visibles les vulnérabilités et les aléas susceptibles d’y survenir ? Ne devrait-elle pas sortir du domaine réservé des « experts » ? L’enjeu est ici d’impliquer toute la société afin de permettre une meilleure anticipation, améliorer l’efficacité de la protection, répartir la charge de responsabilité en permettant au plus grand nombre d’en être acteurs ou actrices, inviter à s’attaquer aux causes et non simplement à la gestion des catastrophes. Dans le cadre de la 44ème rencontre des agences d’urbanisme, intitulée « No Cultures No Futures ! Pas de réorientation écologique sans recomposition culturelle des territoires » une journée d’exploration sera consacrée à la culture du risque. Une occasion d’œuvrer collectivement à la réinvention de cette culture indispensable pour habiter l’anthropocène.