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[1] Voir PLU de la Métropole : Une occasion d’aborder, avec les élus, l’urgence d’agir face aux enjeux écologiques et sociaux

[2]  Vice-présidente chargée de l’urbanisme, de la planification urbaine, de la stratégie foncière et des grands projets métropolitains urbains de Clermont Auvergne Métropole et Maire d’Aulnat

[3] présentation du CAUE du Puy-de-Dôme

[4] https://www.caue63.com/images/documentations/docs/230111_PAVILLONNAIRE-WEB-BD-V.pdf

[5] présentation de Villes Vivantes

[6] BAMBA et BIMBY https://lagrandeplaine.fr/

La Récré-Action continue ! Deuxième rencontre : Nos héritages, ou comment faire l’habitat en partant de l’existant ?

Par Violaine Colonna d'Istria, Chargée d’études Vulnérabilités Urbaines - 07.04.2023

Dans le cadre de l’élaboration du PLU de la Métropole clermontoise, l’Agence d’urbanisme anime un cycle intitulé :
« L’urbanisme métropolitain face à l’urgence écologique et sociale ». Cette formation-action expérimentale recrée du sens et encourage l’adoption de bonnes pratiques. Nous avions conçu ce cycle Recré-action en connaissance de cause : la remise en question des ethos, c’est-à-dire de nos habitudes et manières d’être, complexifie la mission déjà ardue des élus et techniciens des collectivités territoriales. D’un côté s’imposent des règlements encadrant l’aménagement, le Zéro Artificialisation Nette par exemple ; de l’autre des revendications d’administrés fondées sur nos héritages : dépendance à l’automobile et désir de la maison pavillonnaire individuelle. Le tout formant des contradictions, avec lesquelles il convient de jongler.

QUESTIONNER NOS HÉRITAGES

Le 27 février 2023, une trentaine d’élus et de techniciens des communes du territoire métropolitain et de la métropole clermontoise ont ainsi bénéficié de retours d’expériences, d’éclairages d’experts, et d’une mise en mouvement sous forme d’un jeu de débat. Ce dont nous héritons, nos rapports au logement, les choix en matière d’habitat et la soutenabilité de modèles existants ont été questionnés au regard des défis de transition écologique et de sobriété foncière.

Les propos introductifs de Christine Mandon (2) , ont invité les participants à “prendre à bras le corps” l’urgence climatique et sociale, en convoquant créativité et pouvoir d’agir.

Interroger la pertinence des modèles passés et actuels en matière d’habitat et d’aménagement des espaces répond à cet objectif : il est nécessaire de repenser les tissus urbains dont nous héritons, mais aussi de faire évoluer les attentes des habitants.

L’HÉRITAGE URBAIN DE LA MÉTROPOLE : CONTRAINTE OU OPPORTUNITÉ ?

La moitié du tissu urbain métropolitain existant est constitué de maisons individuelles, composées en diverses formes: du pavillonnaire diffus aux lotissements structurés, en passant par des cités jardins. Ce mode d’aménagement, dont nous héritons, atteint aujourd’hui des limites. Il consomme du foncier de manière excessive et éloigne les publics les moins aisés des centres urbains.

En ce sens, Diane Deboaisne (3) a présenté une étude réalisée par le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement du Puy-de-Dôme intitulée “(P)réparer les tissus pavillonnaires” (4) pour inciter les participants à considérer les différentes typologies de parcellaires engendrées par les développements urbains liés à la construction de maisons individuelles. Sur le territoire d’Aubière, 5 typologies ont ainsi été repérées : les tissus en cours de densification, l’étalement linéaire, les lotissements, le comblement diffus et l’étalement en nappe. Finalement, les tissus pavillonnaires ont aussi des qualités à préserver et mettre en valeur : proximité de la nature, zone de tranquillité, îlots de fraîcheur, potentiel pour une vie sociale de qualité.

INTERVENIR DANS LES TISSUS EXISTANTS : DES MOYENS D’ACTION MAIS AUSSI DES QUESTIONS

Amandine Hernandez, directrice des opérations chez Villes Vivantes et Camille Perez, cheffe de projet Opérations d’aménagement à Clermont Auvergne Métropole ont présenté (5) le projet Bamba (6), expérimentation menée sur le quartier de Champratel. Ce dispositif basé sur un accompagnement sur-mesure des porteurs de projets, futurs habitants, vise à créer des logements abordables à proximité des centres urbains, des transports en commun, commerces et autres aménités. En complément, le dispositif BIMBY, pour Build in my backyard, présenté comme une autre option d’intervention pour compléter une trame urbaine, a pour principe de mobiliser, selon le bon vouloir de leur propriétaire, le potentiel de division foncière de parcelles privées.

Un des leviers d’action favorable aux enjeux climatique et social est de questionner les porteurs de projets à propos de la surface, en mètres carrés, qu’ils estiment nécessaire et qu’ils désirent, dans une perspective de créer des logements plus sobres, tout en assurant les fonctions protectrices, sociales et récréatives attendues d’un espace habité.

Cette manière d’agir a fait réagir les élus et techniciens présents : Bamba comme Bimby introduisent de nouvelles maisons sur des terrains vierges, en foncier privé ou mis à disposition par la collectivité. Les participants se sont interrogés sur la faisabilité de cette expérimentation à différentes échelles de territoire et sur l’inadaptation des outils réglementaires et institutionnels disponibles pour agir dans ce type de tissus morcelés, aux mains de différents propriétaires et dont la mutabilité est lente, fastidieuse, qui nécessite une vision d’ensemble de long terme.

UN TEMPS LUDIQUE CENTRÉ SUR LES ENJEUX DU LOGEMENT

Pour dépasser ces freins et mettre en mouvement élus et techniciens, l’Agence d’urbanisme a proposé un jeu de débat prospectif : “Recré-acteurs d’espaces habitables”, pour discuter des formes de logements sobres et désirables à l’horizon 2040. A partir de trois scénarios démographiques distincts : la déprise, la stabilité et l’accroissement, les participants ont incarné différents rôles, le temps d’une partie : bâtisseurs, habitants, acteurs fonciers ou acteurs de la collectivité. Ils ont également avancé dans le temps, de 2030 à 2040. A travers une réflexion à la fois individuelle et collective, les participants ont ainsi débattu des besoins humains et de leurs évolutions : perte d’autonomie, veuvage, décohabitation, agrandissement des familles, accueil de réfugiés climatiques…

Pour autant, des affirmations n’ont pas été remises en question : le désir des habitants du territoire d’accéder à la propriété, et une préférence pour la maison individuelle resteraient d’actualité, même si les participants s’accordent sur la nécessité de préserver le foncier et de densifier les espaces déjà bâtis.

Il a été par ailleurs souligné que changer de modèle impose de faire évoluer tous les acteurs des chaînes de construction. Comment alors concilier des intérêts divergents entre consommation foncière et logique du moindre coût ? Comment rendre financièrement équilibrées les opérations de reconstruction, démolition ou extension en renouvellement urbain et celles de résorption de la vacance ? Changer de modèles d’habitat, si cela est possible, peut-il être socialement équitable ou se traduirait-il par l’imposition d’une nouvelle norme aux plus précaires tandis que les familles les plus aisées auraient le choix ?

ABORDER LE CHANGEMENT : UN BILAN MITIGÉ POUR LE MOMENT

Le bilan de cette deuxième séance, dont nous invitons à lire la publication compte-rendu, montre des résistances au changement encore bien ancrées et la persistance d’idées préconçues sur l’habitat et les besoins auxquels celui-ci répond. Ainsi, la séance a souligné un paradoxe majeur : il y a à la fois un désir d’indépendance, quitte à s’éloigner des aménités urbaines et un fort besoin de lien social, parfois impacté par ce choix.

Ces contradictions naissant de la diversité d’attentes simultanées seront explorées lors de la troisième rencontre de Recré-action, qui portera sur les transitions et plus particulièrement sur comment guérir de notre addiction à l’automobile. Un programme prévisionnel détaillé est disponible en dernière page du compte-rendu.