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[1]  Organisée par France Stratégie et l’Institut d’Économie pour le climat (I4CE) le 30 janvier 2023

[2] Températures plus élevées sur les crêtes et sommets qu’en plaine https://www.meteovergne.com/inversions

[3] Source https://www.orcae-auvergne-rhone-alpes.fr/analyses-thematiques/climat/impacts-du-changement-climatique

[4] Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat

[5] Projet de recherche AP3C Adaptations des pratiques culturales au changement climatique https://www.sidam-massifcentral.fr/developpement/ap3c/

L’adaptation au changement climatique, un concept global pour des enjeux locaux

Par Julia Angeletti, Chargée d’études Urbanisme et transitions environnementales - 06.06.2023

Lors de la conférence « Adaptation au changement climatique dans les territoire », experts et élus ont échangé sur les scénarios et stratégies locales d’adaptation, avec un message central : « la question n’est plus de savoir s’il faut s’adapter mais comment le faire ». L’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central revient sur les enjeux de l’adaptation au changement climatique sur le territoire clermontois.

MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX LOCAUX DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Il est des territoires où la variabilité spatiale du climat est marquée, et le bassin clermontois en fait partie. Les reliefs de la Chaîne des Puys et des contreforts du Livradois induisent des différences dans la répartition des températures, mais aussi des précipitations, plus prononcées sur les massifs volcaniques que sur la plaine de la Limagne. Les inversions de températures sont fréquentes [2], conduisant notamment à la stagnation de masses d’air froid en fond de vallée et accentuant en ville les phénomènes de pollutions atmosphériques. Ces caractéristiques climatiques pourraient évoluer avec le changement climatique. Les relevés météorologiques effectués entre 1962 et 2021 démontrent déjà une élévation des températures annuelles en tout point de la région Auvergne-Rhône-Alpes [3]. Comment le climat va-t-il évoluer à l’échelle locale ? La Limagne va-t-elle devenir une terre aride ? Les stations de ski auvergnates appartiennent-elles au passé ? L’Auvergne est-elle toujours le “château d’eau de la France” ?

Pour répondre aux enjeux du changement climatique, deux types de politiques sont menées conjointement : l’atténuation, qui s’attaque aux causes du changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et l’adaptation, qui en limite les conséquences négatives par la réduction de la vulnérabilité et l’exposition aux aléas. Comme le rappelle Cédric Audenis, Commissaire Général Adjoint à France Stratégie, si les politiques de réduction ont un objectif qui est très clair -la neutralité carbone en 2050 – les politiques d’adaptation sont plus complexes à mener car il réside une incertitude sur les effets locaux du changement climatique.

DES PROJECTIONS CLIMATIQUES LOCALES, POUR UNE MEILLEURE ADAPTATION

Le GIEC [4] analyse depuis 1988 les évolutions du climat, leurs causes, leurs impacts, et les solutions pour y répondre. Trois grands types de scénarios sont posés à l’horizon 2100 : un premier qui entrevoit un réchauffement climatique contenu à +1.5°C/+2°C avec des impacts que l’on est en mesure d’appréhender ; un scénario intermédiaire avec un réchauffement à +2°C environ ; un scénario à +4°C, qui comporte nombre d’incertitudes.

Ainsi, lors de cette même conférence, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a insisté sur le risque de mal-adaptation induit par la prise en compte de scénarios “trop  optimistes” : « Penser qu’on va rester sur une trajectoire à +2°C alors que des hypothèses à +4°C existent nécessite qu’on modélise cette trajectoire et que l’on ait donc deux scénarios dans notre stratégie d’adaptation ».

En ce sens, les projections climatiques à l’échelon local permettent de mieux appréhender les changements climatiques à anticiper. Les scientifiques travaillent généralement à partir d’un modèle climatique mondial, décliné à l’échelle de grandes régions, puis emploient des outils statistiques pour corriger les biais. Sur le territoire du Massif central, l’AP3C [5] a conçu des projections climatiques locales de nature statistique (elles ne proviennent donc pas d’un modèle climatique global).  Celles-ci  mettent en évidence pour 2050 une nette hausse des températures en hiver et au printemps, ainsi qu’un cumul de pluviométrie en baisse au printemps, particulièrement sur la plaine de la Limagne.

Si les scénarios pour demain varient en fonction des modèles employés et des périodes de référence étudiées, ils confirment tous un emballement des dérèglements climatiques, avec des températures à la hausse, une modification dans la répartition des pluies (même à l’échelle locale), une accentuation des périodes de canicule, et des évènements climatiques plus soudains et intenses. Les conséquences sont multiples : sur les écosystèmes, la disponibilité en eau, l’économie, le tourisme (de montagne notamment), la santé, le coût des assurances etc.

VERS UN  “RÉFLEXE ADAPTATION CHEZ TOUS LES ACTEURS “

Malgré ces connaissances, le changement climatique reste un concept abstrait dans notre quotidien. Notre mémoire des évènements climatiques (quand elle n’est pas traumatique) est volatile, et l’augmentation des températures est complexe à appréhender. Après tout, un ou deux degrés de plus, qu’est-ce que cela changera dans notre quotidien ? Or, l’analogie est à faire avec le corps humain. Si notre température corporelle augmente de 1°C seulement, c’est tout l’équilibre qui est menacé. Alors faut-il envisager le scénario du pire pour nous projeter dans un futur proche ? Par exemple, la Ville de Paris a récemment voté la création d’une mission intitulée « Paris à 50°C », qui vise à mettre en place un plan d’actions pragmatiques à activer lors d’épisodes de températures extrêmes.

Selon Morgane Nicol, directrice du Programme Territoires à I4CE « pour avancer, la première chose à faire c’est de mettre en place un réflexe d’adaptation chez tous les acteurs, pour que systématiquement se pose la question des conséquences du climat futur sur chaque politique ou investissement fait aujourd’hui ».

Alors atténuation, adaptation, l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central investit pleinement ces enjeux dans le cadre de son programme de travail  : culture du risque, vulnérabilité de la ressource en eau, observation des transitions environnementales, renaturation… autant de sujets qui sont au cœur des travaux de l’équipe en 2023 et pour les années à venir.