1 / Bidet-Mayer Thibaut, « Les enjeux de formation pour l’industrie du futur », Millénaire 3, mars 2017,
2 / Association Française pour le Développement de l’Enseignement Technique (AFDET), « Une stratégie rénovée pour une relation plus efficace entre Écoles et Entreprises : Un état des lieux et des propositions pour des relations écoles entreprises plus efficientes », Rapport, décembre 2024,
3 / Université Clermont Auvergne Métropole, Master Automatique, robotique
4 / Vichy Economie, Le Salon SMILE pour découvrir l’industrie autrement, 17 janvier 2024,
5 / Lluansi Olivier, enseignant à l’Ecole des Mines de Paris et expert dans le domaine de l’industrie, avait préparé et mis en place l’initiative « Territoire d’Industrie » en 2019
6 / Belle-Larant François, Bouvart Coline, Claeys Grégory, Fotso Ruben, Gérardin Maxime, Zbalah Nassim, « Réindustrialisation de la France à horizon 2035 : besoins, contraintes et effets potentiels », Document de travail n°2024-02, France Stratégie, juillet 2024,
7 / Commission des affaires économiques, Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École des Mines de Paris et auteur d’un rapport sur la réindustrialisation de la France à l’horizon 2035, janvier 2035,
8 / Assaiante Coline, De Lauretis Simona, Di Bono Philippe, Dubois Annouck Le Du Marc, Léonard Cédric ; Rious Vincent, Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, RTE, Rapport complet, février 2022
9 / ADEME, DECARB FLASH 2025-2027
10 / ADEME, DECARB IND 25
11 / Ministère Aménagement du territoire transition écologique, Le Fonds vert : fonds d’accélération de la transition écologique des territoires, « Axe 3 : Territoires d’industrie en transition écologique », mars 2025, lire le pdf
Club Industrie du Futur Clermont Vichy Auvergne : une dynamique territoriale en faveur des projets industriels
Le Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne a fait de l’industrie du futur un défi prioritaire à relever. La sensibilité des collectivités qui y adhèrent, dont toutes, à l’exception de Billom Communauté, ont été labellisées Territoire d’Industrie dans le Temps 2 du programme (2023-2027) n’y est sans doute pas étrangère. Mais au-delà, le souci d’assurer la résilience, le renforcement et la soutenabilité du tissu productif local entre évidemment aussi en ligne de compte. Celui-ci ne saurait ignorer la « déclinaison de la révolution numérique au champ industriel[1] » par la digitalisation et la numérisation des activités.
Certains sujets des plans d’actions, comme le foncier économique stratégique, les actions de formation ou encore l’accompagnement des entreprises industrielles aux transitions, dépassent le périmètre des territoires d’industrie. Il est apparu nécessaire, en complément de l’accompagnement à l’échelle nationale, de structurer la démarche localement en considérant les spécificités du Pôle métropolitain. Le club local Industrie du Futur Clermont Vichy Auvergne vient jouer ce rôle de scène d’échanges et de mise en synergie dans le cadre d’une animation de réseau territoriale, s’adressant tant aux élus qu’aux techniciens.
Le club Industrie du Futur Clermont Vichy Auvergne a ainsi abordé, depuis son lancement en 2024, la façon de remédier localement et collectivement, aux principaux obstacles à la réindustrialisation. Il a questionné les défis relatifs au foncier économique, à la formation et aux ressources humaines, puis à l’énergie.
1 / Foncier à vocation productive : sortir de la concurrence pour Enrichir l’écosystème industriel
Produire autrement demande de mener une politique industrielle cohérente et solidaire, tant dans le parcours des entreprises que dans la mobilisation des ressources. L’un des engagements du Pôle métropolitain en faveur des transitions industrielles vise à anticiper l’accueil et le développement des projets industriels, tout en prenant soin de s’inscrire dans une dynamique de sobriété foncière.
- Concilier besoins des entreprises et contraintes d’aménagement
Le Pôle métropolitain dispose de plusieurs atouts majeurs comme la centralité de son positionnement géographique, sa population estudiantine ou encore la diversité de son tissu industriel. Mais les besoins des projets industriels, avoisinant a minima 10 ha, entrent en tension avec la disponibilité foncière réelle. La sélection des projets devient alors plus exigeante, au risque d’exclure des activités essentielles pour le fonctionnement économique du territoire mais jugées non stratégiques dans les politiques d’accueil. Attirer des projets industriels ne se résume plus à proposer du terrain ; encore faut-il être capable de proposer des sites « prêts à l’emploi » pour les porteurs de projets.
- Allier réindustrialisation et urbanité
L’ancienne friche militaire de Montpertuis-Palazol à Bellerive sur Allier, labélisée « site clé en main 2030 », incarne une nouvelle manière de penser l’industrialisation. Tout en affirmant une ambition industrielle, elle s’inscrit à la fois dans une dynamique de recyclage foncier, de respect environnemental et d’intégration paysagère. Ses 125 ha d’un seul tenant permettent de proposer des tènements fonciers de grandes dimensions, susceptibles d’accueillir des projets exogènes. Ce futur campus industriel à haute qualité environnementale s’articulerait autour d’une locomotive industrielle, d’une polarité de services et d’un espace dédié à l’innovation, la formation et la recherche. Par la volonté de conserver la maîtrise foncière, la mémoire du lieu et l’armature infrastructurelle et paysagère existante, le projet rompt avec le modèle d’aménagement classique des zones d’activités périphériques.
- Garantir le parcours résidentiel des entreprises
L’exemple des laboratoires OST Développement illustre l’importance de penser le foncier comme un parcours, pas comme une simple implantation. Contrainte de quitter ses locaux, l’entreprise a pu poursuivre son activité au Biopôle Clermont-Limagne grâce à une offre adaptée et au soutien des acteurs publics. Ce transfert a permis à l’entreprise de conserver le savoir-faire de ses salariés et d’augmenter sa capacité de production. Les zones d’activités ne doivent plus être perçues comme des enclaves, mais comme des lieux vivants, connectés, propices à l’émulation et à la coopération. L’intégration dans un écosystème économique et intellectuel dynamique s’avère essentiel pour le développement de l’entreprise. OST Développement bénéficie de synergies précieuses avec le monde académique, l’innovation et d’autres entreprises.
2 / Ressources humaines : se Réconcilier avec l’industrie
Marginalisée par l’économie de la connaissance et la tertiarisation de l’économie, l’industrie joue pourtant un rôle d’impulsion majeur en termes de formation, de recherche et d’innovation. Il importe encore de consolider son ancrage territorial pour s’affirmer en ce sens. L’Association Française pour le Développement de l’Enseignement Technique (AFDET) appelle à des partenariats simplifiés, lisibles, et ancrés localement pour favoriser la mise en relation avec les structures d’enseignement existantes, souvent difficile à assumer pour les entreprises seules[2].
- Former aux besoins concrets des entreprises
Le parcours « Industrie 4.0 » du « Master 2 Automatique, Robotique »[3] illustre la capacité à créer des formations sur mesure. Lancée à l’initiative d’un groupe d’industriels soutenus par l’Agglo Pays d’Issoire, cette formation en alternance présente la spécificité d’aborder toutes les matières relatives à l’industrie 4.0 en mêlant informatique, automatique, robotique, programmation ou encore data sciences. Ces profils susceptibles de construire et de piloter une stratégie de transformation digitale de l’outil industriel s’avèrent difficiles à trouver. Avec 97 % de réussite et 90 % d’insertion professionnelle, ce type d’initiative illustre la capacité à répondre aux besoins en compétences du tissu industriel.
- Attirer les jeunes vers les métiers industriels
Les difficultés de recrutement dans l’industrie se constatent dès le stade du choix de formation des jeunes. L’enjeu réside alors moins dans l’ouverture de nouveaux cursus que dans la recherche de candidats pour les formations existantes. Faute de visibilité, l’industrie reste une inconnue pour beaucoup de jeunes et leur entourage. Les élèves qui s’y projettent présentent souvent un lien personnel ou familial avec le secteur. Les jeunes attirés par les formations industrielles se distinguent par leur désir de manipuler du matériel, leur attraction pour le concret et la possibilité de concevoir et de réaliser par soi-même. A l’inverse, ceux qui sont orientés par défaut en lycée professionnel n’y restent pas.
- Donner à voir l’industrie de l’intérieur
Changer le regard sur l’industrie passe aussi par des événements immersifs. Afin de sensibiliser les collégiens à l’intérêt et à la diversité des métiers de l’industrie, le Territoire d’Industrie Riom-Vichy a organisé en janvier 2024 le salon des métiers industriels et de l’entreprise (SMILE). Au travers de la reconstitution d’une entreprise, il donne à voir aux collégiens, parents et demandeurs d’emplois toute la diversité des métiers dans l’industrie, les conditions dans lesquels ils s’exercent ainsi que les formations pour y parvenir[4]. Donner à voir les carrières et les passerelles possibles par un échange avec des professionnels en situation constitue un véritable levier pour faire évoluer les représentations.
- Accompagner la montée en compétence
Lorsque les formations ne répondent pas à leurs besoins spécifiques, les entreprises prennent les devants. Le groupe ambertois Omerin, spécialisé dans la conception et la production de fils, câbles et gaines isolantes, a ainsi anticipé les besoins en formation et en recrutement induits par l’ouverture de sa nouvelle usine sur le Parc d’activités intercommunal Entre Dore et Allier. L’entreprise a d’abord ciblé les recrutements stratégiques, notamment celui de la responsable qualité, et positionné un noyau dur d’une vingtaine d’opérateurs exerçant sur le site du siège, qui se déplaceront à terme sur le nouveau site et seront susceptibles de former les futurs collaborateurs. En l’absence d’école de câblerie, cette solution pragmatique a permis à Omerin de développer depuis 4 ans un programme de formations internes s’appuyant sur le transfert d’expérience et la structuration des compétences par des référents techniques spécialistes des métiers.
3 / Transition énergétique : décarboner l’industrie
Olivier Lluansi [5], ingénieur enseignant à l’École des Mines de Paris, auteur d’un rapport sur la réindustrialisation de la France à l’horizon 2035[6], souligne que l’objectif de réindustrialisation [7], ne saurait être réaliste sans un accès suffisant à l’énergie. Ce constat pose la question de l’accès à une énergie, notamment décarbonée, à un coût compétitif pour l’industrie, mais aussi celle de la réduction des besoins en énergie dans l’industrie afin de remédier à cette difficulté structurelle. Ces perspectives s’inscrivent dans l’objectif européen de neutralité carbone à horizon 2050.
- Renforcer et transformer le système électrique
La région Auvergne Rhône-Alpes, leader de l’électricité décarbonée, doit adapter son réseau à la montée des usages industriels et à la sortie des énergies fossiles. L’enjeu consiste à acheminer l’électricité en continu de la production vers les réseaux distributeurs pour les consommateurs et d’équilibrer en permanence la production et la consommation [8]. Mais doubler la part de l’électricité dans la consommation finale d’ici 2050, tout en réduisant de 40 % la consommation d’énergie globale implique le renforcement du réseau à très haute tension, le raccordement de nouvelles installations bas-carbone, et le renouvellement des infrastructures. Cet objectif de transition énergétique revêt une dimension stratégique tant de réindustrialisation que de souveraineté nationale.
- Valoriser les gaz décarbonés
Face aux besoins élevés de chaleur ou de production de vapeur de certaines industries, le gaz renouvelable se développe et constitue déjà une réalité. Il présente l’avantage de s’appuyer sur un maillage géographique local et de valoriser des infrastructures existantes, appartenant aux collectivités et déjà amorties. Les maillages géographiques sont locaux avec une production de proximité. 70 sites injectent déjà du gaz renouvelable sur le réseau en Auvergne-Rhône-Alpes dont près du tiers en Auvergne. Le gaz renouvelable apporte des débouchés sur la gestion des déchets et effluents comme les eaux usées ou des résidus de coproduits pour les industriels valorisés en énergie par des méthaniseurs sans impliquer de changement de process. Cette solution, en apportant flexibilité, pilotage et capacité de stockage, sécurise l’approvisionnement énergétique et vient ainsi renforcer la cohérence et la complémentarité avec le réseau électrique.
- Adopter une vision énergétique de long terme
À Thiers, l’industriel agroalimentaire Brüggen a déployé une stratégie énergétique ambitieuse, mêlant efficacité et production d’énergie. Une feuille de route du fonctionnement de l’entreprise est établie chaque année avec l’identification de points d’amélioration travaillé collectivement au titre desquels figure l’énergie. Plusieurs sujets ont fait l’objet de mesures ciblées comme la centralisation du froid avec récupération de la chaleur, l’isolation des circuits thermiques, la récupération des condensats ou encore la supervision de la consommation par des capteurs. L’entreprise a ainsi réalisé environ 10 % d’économie d’énergie. En parallèle de ces investissements qui s’orientent vers une meilleure utilisation de l’énergie fossile, l’entreprise a fait le choix d’installer une installation photovoltaïque permettant de couvrir 13 % de sa consommation électrique dès 2026. Cette stratégie itérative menée sans subvention illustre la manière dont une meilleure performance énergétique vient appuyer la compétitivité de l’entreprise.
- Accompagner les entreprises vers les outils et dispositifs existants
Si les grands comptes se positionnent directement sur des dispositifs d’investissements et d’innovation, les PME et TPE manquent souvent de lisibilité et de moyens pour enclencher seules leur transformation énergétique. La Chambre de Commerce et d’Industrie, dans le cadre d’un conventionnement avec l’ADEME, propose des diagnostics gratuits et sert de porte d’entrée pour les orienter vers les dispositifs adaptés. L’ADEME propose par ailleurs deux dispositifs s’adressant plus particulièrement aux acteurs productifs et industriels, DECARB FLASH 2025-2027 [9] et DECARB IND 25 [10], qui financent des actions concrètes de réduction des émissions. La décarbonation et la réindustrialisation impliquent également des changements de technologie et de nouveaux marchés à adresser. L’ADEME propose dans le cadre du Fonds Vert un dispositif visant à soutenir l’industrie dans les nouvelles activités poussées par la transition : Territoire d’industrie en transition écologique [11].
Conclusion
Dans un contexte de concurrence exacerbée à l’échelle mondiale et de succession de crises économiques, sanitaires, environnementales et énergétiques, maintenir et développer l’attractivité industrielle constitue un enjeu de taille. Le futur territorial de l’industrie nécessite de jouer collectif par une mise en mouvement et en stratégie de tous les acteurs impliqués pour anticiper, s’adapter et rediriger les modèles productifs à l’aune des grandes mutations contemporaines. Le club Industrie du Futur Clermont Vichy Auvergne du Pôle métropolitain permet d’appréhender de façon concertée les défis qui s’imposent à l’industrie.
Concomitamment à cette dynamique collective, le Manifeste pour une stratégie industrielle territoriale continue de rassembler des signataires pour constituer une communauté d’acteurs engagés susceptibles d’affirmer l’identité industrielle du Pôle métropolitain et de favoriser l’accueil et le déploiement de projets industriels.


