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[1]  Près de 29 millions de français (43%) habitent dans les aires d’attraction des villes de plus de 200 000 hab. hors Paris – source : INSEE Focus En France, neuf personnes sur dix vivent dans l’aire d’attraction d’une ville https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806694

[2]  Cette étude est une réflexion sur le “schéma directeur de l’étoile ferroviaire clermontoise”. Elle vise à cerner les potentiels de développement du trafic ferroviaire du bassin clermontois et les coûts de modernisation de l’infrastructure liés à l’instauration d’un « Service Express Métropolitain », qui serait une déclinaison du concept de Réseau Express Régional déployé dès 1960 / 1970 en Ile-de-France. Elle est réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de SNCF Réseau, l’Etat, la Région-Auvergne-Rhône-Alpes et le Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne.

[3]  Syndicat Mixte des Transports en Commun de l’agglomération clermontoise

Vers un RER dans le bassin de Clermont-Ferrand ? Un défi soutenu par le Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne

Par Sébastien Reilles, Chargé d’études Mobilités - 17.03.2023

Près de la moitié des français vivent dans l’aire d’attraction des grandes métropoles de Province [1]. Actuellement la desserte par les transports collectifs (trains et/ou cars) de ces espaces est dans bien des cas limitée à quelques services principalement aux heures de pointe, laissant toute leur place aux déplacements en voiture. Les engagements pour le climat et l’environnement, mais aussi les enjeux de vulnérabilité économique des personnes dépendantes de longs trajets domicile-travail imposent de repenser le modèle de mobilité et d’inventer de nouveaux “outils”.

La loi d’Orientation des Mobilités (2019) a impulsé le développement du ferroviaire dans les zones périurbaines. Plusieurs territoires portent des réflexions ou ont déjà développé de nouveaux services pour répondre aux besoins croissants aux abords des grandes métropoles. L’actualité récente a précisé les objectifs du gouvernement, avec le souhait de doter de RER les grandes agglomérations françaises.

Dans le bassin clermontois, les échanges entre la  métropole de Clermont-Ferrand, ses couronnes périurbaines et le chapelet de villes moyennes environnantes (Issoire, Thiers, Vichy…) conduisent à lancer étude co-portée par le Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne, la Région, l’Etat et la SNCF, en vue de créer un tel système Réseau Express Régional [2].

UNE DYNAMIQUE NATIONALE POUR IMPULSER DES « SYSTÈMES EXPRESS MÉTROPOLITAINS » DANS LES PRINCIPAUX BASSINS URBAINS

la Loi d’Orientation des Mobilités (2019) a pour objectif de favoriser le développement des mobilités les moins polluantes : elle prévoit de doubler la part modale du transport ferroviaire dans les grands pôles urbains.

Projet de Service Express Métropolitain

Dans ce cadre, SNCF Réseau a présenté, fin 2020, une étude intitulée « Étoile ferroviaire et services express métropolitains », qui identifie le potentiel de développement, dans une trentaine de zones urbaines (cf. carte ci-dessus). Le concept s’appuie sur les flux majeurs de TER existants, par exemple Lyon-St-Etienne, Marseille-Toulon, ou encore Clermont-Ferrand-Moulins et envisage de proposer  un service incluant un meilleur cadencement, une multiplication des arrêts, ou encore une intégration de l’offre ferroviaire aux services de transports urbains. En novembre 2022 l’ambition d’exporter le modèle du réseau de trains urbains francilien dans d’autres villes est revenue dans l’actualité, avec pour objectif de faire reculer la prédominance de la voiture pour les transports du quotidien.

D’OÙ PARTONS-NOUS SUR LE BASSIN DE CLERMONT-FERRAND ?

Le territoire clermontois a été identifié comme un site de flux Train Express Régional majeur, sur un axe allant de Vichy à Issoire. L’offre ferroviaire est de fait consistante sur cet axe, avec une trentaine de trains par jour et par sens, soit des valeurs comparables à d’autres axes structurants comme Bordeaux – Arcachon ou encore Nantes – Saint-Nazaire.

Plusieurs gares de cette section Vichy–Issoire accueillent quotidiennement plusieurs milliers de personnes. Ainsi, Vichy ou Riom sont fréquentées par environ 1 million de voyageurs chaque année, les plaçant à des niveaux proches d’Arcachon ou Saint-Nazaire, voire de villes plus importantes comme Bayonne ou Bourges. Issoire, avec une fréquentation de l’ordre du demi-million de voyageurs est également une gare assez importante. Son attraction est semblable à Tarare (Ouest lyonnais) ou encore à des gares de villes moyennes (Albi, Auxerre, Cholet…).

Afin d’assurer cette dynamique des échanges par la voie ferroviaire, plusieurs actions ont été menées ces trente dernières années :

–   le renforcement des dessertes ferroviaires des différents axes au départ de Clermont-Ferrand, même si dans la période la plus récente le nombre de circulations a eu tendance à baisser ;

–   la création de nouvelles gares à Clermont-La Pardieu, Clermont-La Rotonde ou Aulnat-aéroport et réaménagement des gares du Cendre ou de Pont-du-Château ;

– la transformation des gares principales (Clermont-Ferrand, Riom, Vichy) en Pôles d’Échanges Intermodaux ;

– l’aménagement des terminus partiels à Durtol, Vertaizon et Vic-le-Comte pour intensifier les dessertes dans les secteurs les plus proches de Clermont-Ferrand.

QUELLE POURRAIT ÊTRE L’AMBITION D’UN SYSTÈME RER CLERMONTOIS ?

Le concept de « Service Express Métropolitain », autrement appelé RER, vise à proposer une offre  plus intense et plus attractive, avec plus de trains, sur une amplitude horaire large, avec des fréquences rapprochées aux heures de pointe. Mais ce système a également pour objectif d’être pleinement intégré avec les offres de transports locales, urbaines comme périurbaines.

Il s’agit d’assurer rabattements et correspondances des transports locaux vers le train, et d’associer à ce service un titre de transport unique, que ce soit pour prendre le train, le tramway, un bus urbain ou un car inter-urbain.

Enfin, les gares et leur quartier environnant sont requalifiés, à la fois pour donner accès à une desserte ferroviaire (stationnement, éclairage, espaces d’attente, accessibilité personnes à mobilité réduite) et pour qu’ils deviennent des lieux de vie attractifs, pour habiter, travailler, trouver des services.

Au regard des objectifs visés par la création d’une desserte de type RER sur le bassin clermontois, les élus du Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne ont rassemblé leurs attendus dans une contribution commune.

D’une part, il est attendu un service ferroviaire renforcé et fiable. Il s’agit de disposer aux heures de pointe d’une desserte toutes les 15 à 30 minutes pour répondre en priorité aux déplacements contraints (domicile – travail / école). Une attention particulière sera portée à la possibilité d’aller dans les villes moyennes du territoire (Issoire, Riom, Thiers, Vichy) et d’en revenir dans la journée / la demie-journée.

D’autre part, il conviendra de mettre en valeur les gares, en augmentant la desserte des haltes ferroviaires périphériques (La Pardieu, Aulnat-aéroport…), avec plus de dessertes “diamétralisées” sur les axes Vichy – Issoire et Volvic – Thiers. En parallèle, l’aménagement des quartiers de gares devrait être repensé pour les rendre plus attractifs. A plus long terme, une réflexion sur la pertinence de nouvelles gares pourrait être conduite.

Enfin, l’intermodalité devra progresser, afin de disposer d’une offre unifiée entre le train et les autres services de transport, grâce à des correspondances pratiques entre trains et bus, une tarification unique entre le train et les autres offres de mobilités, ou encore  des facilités pour poursuivre son trajet à vélo à la descente du train.

UN PROJET DE RER COMPLÉMENTAIRE D’INSPIRE, DU SCHÉMA CYCLABLE ET DE LA STRATÉGIE EN TERMES DE CIRCULATION ET STATIONNEMENT

Les actions développées conjointement par la Métropole et le SMTC [3] portent notamment sur la réalisation du projet InspiRe : création de 2 lignes de Bus à Haut Niveau de Service et requalification des espaces traversés, restructuration du réseau de transports en commun, développement d’un schéma cyclable métropolitain (360 km d’aménagements d’ici 2026), nouvelle stratégie en termes de circulation et de stationnement. Cet ensemble de mesures vise à réduire notablement la part des déplacements automobiles au sein de la Métropole. En effet, le Plan de Déplacements Urbains (adopté en 2019) prévoit une réduction de la part des déplacements réalisés en voiture de 61% à 50% d’ici 2030.

L’opportunité de doter le territoire d’un projet RER pourrait concourir à cet objectif de moindre usage de la voiture au sein de la Métropole, notamment sur des trajets où le train est compétitif (ex : Clermont-Ferrand – Le Cendre).

De plus, pour les habitants vivant dans les zones périurbaines, l’amélioration significative du service ferroviaire peut modifier les usages en faisant renoncer à des trajets en voiture. Si, dans la structure des mobilités, les déplacements entre les couronnes périurbaines et la Métropole sont bien moins nombreux que les déplacements internes à la Métropole (200 à 250 000 déplacements quotidiens contre plus de 1 million), ils représentent des kilomètres parcourus assez proches, du fait de déplacements unitaires nettement plus longs (en moyenne de l’ordre de 4 km en interne à la Métropole et plus de 20 km pour les déplacements d’échanges). Ainsi, au regard des enjeux de limitation du réchauffement climatique, d’égalité sociale, de sobriété énergétique ou encore de pouvoir d’achat, le report d’automobilistes sur un système RER est stratégique.

DES TERRITOIRES INSPIRANTS DÉJÀ ENGAGÉS DANS DES OFFRES FERROVIAIRES PERFORMANTES

Strasbourg : une offre ferroviaire revalorisée

Depuis décembre 2022, le bassin de Strasbourg est doté d’un Réseau Express Métropolitain Européen (REME), qui vise à faciliter les déplacements en train entre Strasbourg et des polarités situées à 30 / 50 km (Haguenau, Saverne, Sélestat…). Malgré des difficultés à son lancement, un véritable « choc d’offres » permet désormais de proposer a minima 1 train toutes les 30 min de 5h à 22h dans toutes les gares sur les lignes Saverne – Sélestat, Strasbourg-Haguenau et Strasbourg – Molsheim. A plus long terme, les axes vers Lauterbourg et Offenburg seront eux aussi revalorisés.

Ainsi le schéma ci-dessous met en évidence une évolution modérée du nombre de trains pour les gares principales (Haguenau, Saverne, Molsheim, Sélestat), mais les gares intermédiaires voient leurs dessertes progresser plus nettement. Pour exemple, l’offre à destination de la gare de Molsheim augmente de 35%, alors que l’offre à destination des 5 gares intermédiaires entre Strasbourg et Molsheim progresse de 65%.

Evolution de la desserte ferroviaire strasbourgeoise avec la mise en service du Réseau Express Métropolitain Européen

Lille : une tarification ferroviaire intégrée avec métros, trams, bus

A l’instar d’autres agglomérations comme Caen, Grenoble, ou Nevers par exemple, Lille a développé l’intégration tarifaire entre les services de transports urbains et les TER.

Concrètement, des conventions ont été signées entre Métropole et Région pour que le voyageur puisse utiliser les tickets et abonnements des transports urbains sur les trains à l’intérieur du périmètre de la métropole lilloise. Au-delà de proposer des trajets parfois mal couverts par le réseau urbain, cette mesure booste l’usage occasionnel du train : un prix forfaitaire est plus avantageux que la tarification kilométrique de la SNCF. Par exemple, entre Tourcoing et Lille, le tarif SNCF est de 3,30€. L’usage d’un ticket urbain permet de ramener ce prix à 1,80€.

Périgueux : des gares aménagées et réparties sur le territoire

En juillet 2022, l’agglomération de Périgueux s’est dotée d’une navette ferroviaire, dont le service est plutôt modeste (1 train toutes les 30 minutes aux heures de pointe). Pour autant, une valorisation de l’ensemble des neuf gares a été entreprise pour améliorer leur intégration urbaine et faciliter les échanges intermodaux.

Ainsi, la gare principale de Périgueux fait l’objet d’une transformation en Pôle d’Échange Intermodal (6,6 millions d’euros) – livraison prévue en 2023. Deux gares nouvelles ont été créées à Boulazac et Marsac pour un coût de l’ordre de 4 millions d’euros par gare. Cela a porté sur la création de quais pour l’accès au train, d’une passerelle dotés d’ascenseurs et la réalisation d’aménagements pour faciliter l’intermodalité : parking, abri vélo, quais pour les bus. Enfin, les autres gares ont fait l’objet d’une modification des espaces publics pour faciliter les échanges entre les différents modes.

Ces exemples de réseaux express locaux montrent l’intérêt d’un service ferroviaire renforcé, cadencé et fiable, à même d’augmenter l’attractivité des transports publics. Ils montrent également la volonté des territoires d’inscrire le développement urbain en lien avec les étoiles ferroviaires et leurs gares connectées, ce qui pourrait constituer ainsi une colonne vertébrale du développement territorial du grand bassin métropolitain clermontois, en cohérence avec les enjeux climatiques et écologiques globaux.