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Article paru dans la revue Urbanisme n°79,
reproduit avec l’aimable autorisation de la revue Urbanisme.

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https://aucm.fr/publication/hors-serie-urbanisme-n79/

Illustration : Vue depuis le plateau de Gergovie © Stéphane Cordobes

Le SCoT solidaire du Grand Clermont

Par Bruno Valladier, vice-président du Grand Clermont en charge du SCoT - 20.05.2024

Propos recueillis par Christel Griffoul, directrice d’études,
et Jérémy Papin, chargé d’études Stratégies territoriales, urbaines et transitions, AUCM

En quoi la révision du SCoT, dans un contexte de changement global, passe-t-elle par un changement culturel dans la manière de penser le territoire, son développement, le rapport à l’espace et à la vulnérabilité ? Entretien avec Bruno Valladier, vice-président du Grand Clermont en charge du SCoT.

Le SCoT (schéma de cohérence territoriale) du Grand Clermont couvre 104 communes et 4 EPCI
(établissements publics de coopération intercommunale), pour une superficie de 1 300 km2, et compte 430 000 habitants. Près de 50 % du territoire se situe dans l’un des deux parcs naturels régionaux (PNR) : le PNR des Volcans d’Auvergne, à l’ouest, et celui du Livradois-Forez, à l’est. Le SCoT du Grand Clermont, approuvé en 2011, est entré en révision en 2022.

Pourquoi avoir lancé la révision du SCoT du Grand Clermont fin 2022 ? Quels sont les objectifs de cette révision ?
C’est tout d’abord pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires. Le SCoT actuel a été approuvé en 2011, l’agence d’urbanisme Clermont Massif central a réalisé l’évaluation du SCoT à n+12 ans en 2023, et la question qui se pose aujourd’hui est celle de la mise en conformité du SCoT avec un certain nombre de lois (ALUR, ELAN, climat et résilience, etc.). Le deuxième objectif, éminemment plus politique et presque existentiel, vise à engager une refonte de notre vision en termes d’attractivité et de développement du territoire. Les crises sanitaires, les changements de mentalités et de modes de vie nous invitent à reconsidérer notre manière de
penser l’aménagement du territoire.

Afin d’engager cette révision, le Grand Clermont a organisé en 2023, avec l’appui de l’AUCM, une série de trois ateliers avec les élus des 4 EPCI membres du PETR (pôle d’équilibre territorial et rural). Ces ateliers ont mis en avant la nécessité de construire un SCoT « solidaire » à l’horizon 2050. Pourquoi cette notion est-elle importante ?
C’est une notion qui a émergé au fil des différents ateliers, car nous avons vu que nos territoires sont en réalité complémentaires, à l’inverse d’une vision qui opposerait le coeur métropolitain (autour de Clermont-Ferrand et de Riom), les pôles de vie et les territoires périurbains. Cette complémentarité se manifeste notamment dans l’organisation en archipel qui vise à consolider
les polarités en y développant des services de proximité. Mais la solidarité mérite d’être renforcée, notamment sur la question des mobilités. Le territoire est composé de deux zones majoritairement rurales, à l’est et à l’ouest, et d’un axe central métropolitain, et il nous semble indispensable de veiller à un développement harmonieux sur l’ensemble du territoire en plaçant au coeur du projet les solidarités ville-campagne, entre EPCI, mais aussi entre territoires de SCoT, pour éviter d’accentuer certains déséquilibres.

Par exemple, le projet alimentaire territorial (PAT) du Grand Clermont vise 50 % d’autosuffisance alimentaire en 2050. C’est une ambition forte en termes de complémentarité entre territoires qui doit se traduire dans le SCoT, notamment sur la question de la ressource en eau et de la place de l’agriculture, en vue d’accéder à une alimentation de qualité. La solidarité est aussi sociale, car les projections de l’Insee montrent que la population est amenée à vieillir et nous devons anticiper ces changements.

Est-ce que cette notion centrale de solidarité doit nous inviter, collectivement, à réinterroger le processus de métropolisation ? L’organisation du Grand Clermont en archipel doit-elle être renforcée ?
La première question à se poser est, en effet, celle de la redéfinition de l’armature territoriale, en modifiant nos critères et en intégrant ou non de nouveaux pôles de vie. Sur la métropolisation, une des craintes serait la gentrification progressive des campagnes rurales proches, avec a contrario une concentration des ménages les plus modestes dans le coeur métropolitain. Cela interroge nos priorités en matière de création d’emplois, par exemple : les activités artisanales, industrielles et commerciales doivent pouvoir se développer en dehors de la métropole, ce qui permet aussi de réduire les mobilités domicile-travail entre la métropole et les territoires périphériques. Seuls 12 % de nos trajets sont liés au travail et on peut donc s’interroger sur la notion d’immobilité. A-t-on besoin de se transporter physiquement pour être moderne, dynamique et efficace ? On peut trouver du bonheur dans une relation forte avec un territoire de 2 000 habitants et un accès facilité aux services de proximité, en réservant la mobilité à l’accès aux services et loisirs de niveau métropolitain.

De la même manière, faut-il penser autrement l’attractivité territoriale ?
Historiquement, on pouvait penser qu’on était attractifs parce qu’on avait un territoire avec beaucoup d’emplois et de nombreuses aménités, mais aujourd’hui, pour rester attractifs, il faut faire évoluer le modèle, car celui-ci est dépassé. Ce qui prime aujourd’hui, et surtout primera demain, c’est l’habitabilité, l’adaptabilité, la sérénité, la rencontre humaine, le relationnel, mais aussi le fait de pouvoir se nourrir correctement. On va devoir revenir aux fondamentaux. Il est probable aussi, qu’avec le changement climatique, les modèles alimentaires évolueront, on s’appuiera davantage sur les produits panifiés et on devra réduire notre alimentation carnée. Une certaine partie de la population a bien conscience de ces enjeux, mais elle n’est pas encore majoritaire. On doit notamment embarquer les jeunes générations dans cette réflexion et ce changement de modèle, les amener à se projeter en 2050 ! Enfin, nous savons que le processus de métropolisation n’a pas toujours apporté les résultats escomptés. Par exemple, nous pouvons questionner la notion d’attractivité dans un contexte de dépopulation, en s’interrogeant dans le SCoT sur notre capacité à anticiper à la fois le vieillissement des ménages,
les effets des migrations climatiques, mais aussi la transformation de l’emploi dans un contexte de relocalisation, d’accès limité aux ressources et de développement de l’intelligence artificielle.

Les études récentes montrent que le territoire du Grand Clermont est très vulnérable face au changement climatique (+ 2,5 °C en moyenne entre 1953 et 2021). L’État fixe
un objectif de « zéro émission nette » (ZEN) de CO2 d’ici à 2050. Comment intégrer
davantage les enjeux énergie-climat dans le SCoT pour respecter les objectifs du ZEN ?
Au-delà de l’obligation réglementaire, c’est aussi une obligation de survie. Sur la production d’énergies décarbonées, la question doit se poser dans le SCoT en identifiant les secteurs les
plus adaptés. L’autre question abordée lors des ateliers conduits par l’agence d’urbanisme est : a-t-on besoin de produire et de consommer autant d’énergie ? Cela rejoint la question des mobilités évoquée précédemment. A-t-on besoin de se déplacer autant ? Donc, l’objectif premier serait de réduire drastiquement nos déplacements pour limiter nos consommations d’énergies fossiles. Enfin, on doit s’interroger, à l’échelle de l’habitation, sur nos besoins en matière de chauffage et de climatisation. Les changements à engager à travers le SCoT touchent directement nos modes de vie, que ce soit sur l’eau, l’alimentation, l’énergie, les déplacements, etc. La question de la sobriété et de son acceptation sera centrale dans la révision du SCoT.

En tant que médecin, quelle place souhaitez-vous donner à la santé dans le SCoT ?
Les enjeux liés à la santé peuvent venir éclairer nos choix en matière d’aménagement et constituer un fil rouge pour la révision du SCoT. Le SCoT doit, en effet, contribuer à l’amélioration globale du cadre de vie et de la tranquillité des habitants. Par exemple, face à une sursollicitation de nos cerveaux, il est important de disposer de zones de calme, de répit, même sur des espaces réduits, où l’on peut se reposer, se ressourcer, se déconnecter. Ces espaces refuges (cérébraux, climatiques, pacifiés sont à inventer dans nos documents d’urbanisme, à travers des OAP [orientations d’aménagement et de programmation] multithématiques par exemple, qui peuvent mettre l’accent sur le cadre de vie et le bien-être des habitants : densités adaptées, cheminements doux, accès aux transports, services et commerces de proximité, présence d’espaces verts, etc.