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Lire la publication : https://aucm.fr/publication/udccas-agir-sur-la-sante-de-la-population-locale/

[1] La littératie en santé représente la capacité d’accéder à l’information, de la comprendre, de l’évaluer et de la communiquer ; ceci afin de promouvoir, maintenir et améliorer sa santé dans divers milieux et tout au long de sa vie.

[2] https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/263-guide-isadora-une-demarche-d-accompagnement-a-l-integration-de-la-sante-dans-les-operations-d-amenagement-urbain-le.html

[3] Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne Rhône Alpes

[4] 7 réunions ont été menées sur l’ensemble du département du Puy-de-Dôme en juin 2023. Elles ont été accueillies par les communes ou intercommunalités d’Ambert, Aigueperse, Murol, Aubière, Saint-Eloy-les-Mines, Puy-Guillaume et Plauzat

[5] Centres Intercommunaux d’Action Sociale

[6] https://www.calameo.com/read/00530798972cc2bc6c989

La santé, une question d’urbanisme et d’aménagement

Par Violaine Colonna d'Istria, Chargée d’études Vulnérabilités Urbaines - 01.12.2023

Parmi les déterminants influençant notre santé, l’impact de l’environnement et du contexte de vie est souvent minimisé. Les messages et informations qui constituent le socle de la littératie publique[1] troublent la capacité d’estimer cet impact, en insistant sur la composante comportementale de la santé : promotion de l’activité physique, d’une alimentation saine, etc. Or, les guides récents[2] confirment que l’environnement et le contexte social et économique influencent à hauteur de 70% l’état de santé des populations. C’est pourquoi la santé traverse pleinement les missions d’une agence d’urbanisme.

En partenariat avec l’Agence Régionale de Santé et la Dreal[3], le réseau des agences d’urbanisme Urba4, l’Union Départementale des CCAS 63, Clermont Auvergne Métropole et la commune d’Aulnat, l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central a fait de l’urbanisme favorable à la santé l’un des fils conducteurs de son programme 2023.

Sensibilisation des acteurs du Puy-de-Dôme en partenariat avec l’UDCCAS, accompagnement de la commune d’Aulnat à la mise en place d’une démarche d’urbanisme favorable à la santé, programmation d’une séance de Recré’Action autour du Plan Local d’Urbanisme de la Métropole sur la thématique de la santé sont autant d’actions inscrites pour favoriser une acculturation collective aux enjeux et outils de l’urbanisme favorable à la santé et l’émergence de projets et d’initiatives contribuant à améliorer la santé des habitants de nos territoires.

L’humain du 21e siècle et son environnement : malades l’un de l’autre

L’épisode pandémique récent de la Covid-19 a fait redécouvrir, non seulement l’extrême vulnérabilité humaine, mais également les liens intrinsèques entre cadre de vie et santé. Révélant des fragilités qui préexistaient, la crise sanitaire a contribué à les amplifier : place de la nature en ville et de la biodiversité, densité des métropoles, urbanisation galopante et son empiétement sur les biotopes d’autres espèces vivantes. Les liens s’en trouvent renforcés entre urbanisme et santé.

Pour basculer vers l’urbanisme favorable à la santé, accepter deux constats est nécessaire. En premier lieu, que le début du XXIe siècle est marqué par des « épidémies » de maladies non transmissibles : cancers, maladies cardio-vasculaires, diabètes de type 2, asthme et allergies, stress, etc. En second lieu, il s’agit de reconnaître que l’environnement, sa dégradation causée par les activités humaines, et les choix d’aménagement de l’espace et des structures sociales dans lesquelles nous évoluons sont directement responsables de l’augmentation de la prévalence de ces maladies.

Ainsi, l’exemple de la sédentarité, corrélée aux troubles cardio-vasculaires et à l’obésité notamment, est parlant. La sédentarité d’habitants d’un territoire est dûe à une diversité de facteurs : conséquence directe de l’étalement urbain, dépendance des territoires à l’automobile, absence d’équipements sportifs, augmentation des emplois mobilisant peu d’activité physique, éloignement des espaces naturels, ou encore l’accélération des rythmes de vie. Pour enfoncer le clou, dans nombre de centre-bourgs, la minéralisation induite par les besoins perçus en stationnement ou la perception des enjeux de propreté se traduit par la production d’espaces inhospitaliers pour le piéton toute l’année, et particulièrement en été lors des fortes chaleurs devenues la norme estivale. Le tout renforce la sédentarité. Au nombre des facteurs et déterminants qui influencent la sédentarité des habitants, plusieurs concernent ainsi directement les aménagements et équipements des territoires.

Explorer les options alternatives, les mesures correctives envisageables, les redirections des modes de vie constituent quelques-uns des enjeux de l’urbanisme favorable à la santé.

Au cœur d’un urbanisme favorable à la santé : le croisement des acteurs locaux et des disciplines

Agir pour un aménagement favorable à la santé implique de mettre autour de la table des personnes d’horizons divers : professionnels de santé, écologues, agriculteurs, élus locaux, associations, citoyens… Les projets d’urbanisme favorable à la santé se distinguent par leur capacité à fédérer ces personnes d’horizons divers malgré des points de vue différents et à produire des complémentarités bénéfiques. L’objectif est de favoriser les rencontres interdisciplinaires et de construire des méthodes de travail collaboratives et des projets communs.

L’occasion d’une telle rencontre a été permise et co-organisée entre l’UDCCAS du Puy-de-Dôme, l’Association des Maires Ruraux de France et l’Agence d’urbanisme[4]. Ces temps d’échanges ont rassemblé élus, techniciens des services municipaux, les CCAS, CIAS[5], des représentants du Conseil Départemental, des Maisons des Solidarités, des Contrats locaux de santé, d’associations diverses. Travailler dans et avec les territoires permet une acculturation et des temps d’échange et d’écoute collective des problématiques spécifiques de chaque territoire, des projets en cours ou des initiatives à envisager. Une centaine de personnes ont participé à ces rencontres et ont réagi sur la présentation d’un état des lieux succinct sur la santé et l’environnement dans le Puy-de-Dôme.

Un accompagnement soutenu pour Aulnat

Auprès d’Aulnat, l’Agence teste une autre forme de rencontre en rassemblant élus et techniciens communaux dans un premier temps afin de partir d’un diagnostic santé-environnement partagé, de faire de la santé un fil conducteur de relecture de l’ensemble des projets portés par la commune et d’identifier et définir ensemble les méthodes de travail en commun existantes ou à développer pour mener des projets favorables à la santé. Un second temps pourra associer à ce groupe resserré d’autres acteurs concernés par l’urbanisme favorable à la santé de cette commune, l’un des objectifs étant de prioriser quelques thématiques opérationnelles et démonstratrices  pour amorcer le travail.

Premiers échos et pistes de travail

Les rencontres menées avec l’UDCCAS 63, ont permis d’identifier un certain nombre d’inquiétudes et de problématiques des représentants des territoires.

L’accès aux soins

A partir de la présentation d’une étude[6] de l’Association des Maires Ruraux de France, qui montre que l’espérance de vie en milieu rural est plus faible qu’en milieu urbain et ce, d’autant plus dans des territoires concernés par un niveau de précarité sociale comme le Puy-de-Dôme, les participants des territoires ont pu exprimer leurs questionnements concernant l’accès au soin. De fait, l’espérance de vie des habitants du Puy-de-Dôme est de 79 ans contre presque 81 pour la moyenne régionale.  Plusieurs formes de non-recours aux soins ont été abordées, avec notamment une culture des aînés les incitant à “supporter” sans soigner, à minimiser leurs besoins de soin mais également un manque de connaissance des symptômes et bien évidemment, des difficultés liées à la couverture médicale.

L’accès aux soins a ainsi été un passage obligatoire de tous les territoires hors de la métropole, avec des spécificités et un degré d’urgence particulièrement marqué sur le territoire d’Ambert-Livradois-Forez. Le découpage des secteurs de santé sur des territoires qui ne recouvrent pas les EPCI ou les périmètres d’intervention des contrats locaux de santé apparaît comme un obstacle, de même que le sentiment d’impuissance des maires à attirer ou retenir de nouveaux praticiens sur leur territoire malgré les avantages matériels souvent proposés : logement mis à disposition, mise en place de conseils territoriaux de santé…

La santé mentale

La santé mentale et les souffrances psychiques sont le second thème qui inquiètent les acteurs de manière quasi-unanime. De fait, dans le Puy-de-Dôme, 1 habitant sur 5 est sous traitement pour un trouble psychologique, tout type de médicament confondu. Certains acteurs ont même contesté ce chiffre qui leur paraissait bas par rapport à leur ressenti. Le Puy-de-Dôme a également fait l’objet d’alerte dans la dernière décennie en raison de son taux de suicide élevé. Deux publics ont été mis en lumière de manière particulière : les enfants et les jeunes d’un côté, dont les vulnérabilités sont perçues en lien avec le contexte d’incertitudes environnementales ; de l’autre côté, les agriculteurs et plus spécifiquement les retraités du monde agricole. La question de la santé mentale laisse pour le moment les acteurs démunis face au constat d’une augmentation des besoins, de grandes lacunes dans les services disponibles et d’une augmentation de situations de mal-être qui ont pour conséquence des comportements agressifs auprès des services des collectivités et des conflits entre habitants.

Santé et bien-être au sein du logement

Sur les thématiques du logement et des déplacements, c’est l’absence de choix qui domine les ressentis des acteurs. Les territoires les plus ruraux font le constat d’une augmentation des prix des logements avec une hausse de l’attractivité de biens qui jusqu’avant la pandémie restaient sur le marché. A tel point qu’ils posent la question de la capacité à loger les habitants endogènes. Quant à ceux qui sont déjà installés, souvent avec le statut de propriétaire, les travaux d’adaptation des logements au vieillissement, à la perte d’autonomie ou encore aux réglementations thermiques se heurtent à nombre de freins, au premier rang desquels la complexité et l’inaccessibilité des systèmes d’aide.

Ces premiers résultats à chaud vont faire l’objet d’un travail de synthèse des leçons apprises, des problématiques identifiées et des projets en cours ou à l’étude qui sera présenté à la fin de l’année 2023 lors d’une réunion à laquelle l’ensemble des invités des différents territoires sera convié.