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Enquête sur les territoires du Massif central en transition : analyse des besoins en ingénierie et fonctionnalités d’un réseau
Former une communauté d’acteurs pour répondre aux enjeux des transitions sur les territoires du Massif central
Le Massif central, marqué par son caractère à la fois montagneux et rural, est particulièrement exposé et vulnérable aux impacts du changement climatique. S’engager dans des démarches de transition constitue désormais une nécessité et implique de repenser nos manières d’habiter, d’aménager et de coopérer à l’échelle du massif. Répondre à ces défis suppose d’inventer de nouveaux cadres d’action, une ingénierie adaptée, ancrée dans les réalités de terrain. C’est dans cette perspective que l’Agence d’urbanisme Clermont Massif central (AUCM) a engagé une enquête exploratoire pour identifier les besoins des territoires en ingénierie de la transition et préfigurer un réseau des acteurs au service d’une dynamique collective et apprenante. Cette initiative s’inscrit dans le prolongement du Plan stratégique d’adaptation au changement climatique du Massif central, avec l’ambition de forger une culture commune de compréhension et d’adaptation au changement global entre tous les acteurs du massif.
Comment accompagner les collectivités du massif vers une ingénierie à la fois pointue, locale et pérenne, capable de concevoir et de porter des projets face aux défis du changement global ?
De l’enquête de terrain à la structuration d’un réseau d’acteurs de la transition
Une enquête en deux volets
La démarche menée par l’AUCM s’est articulée en deux temps :
- Un questionnaire diffusé aux collectivités du Massif central pour cerner leurs besoins en matière d’ingénierie de la transition ;
- Des entretiens avec des réseaux existants, afin d’identifier les bonnes pratiques, les écueils et les leviers pour la constitution d’un réseau territorial adapté.
Les résultats de l’enquête ont été complétés par ceux émanant des rapports nationaux au sujet des besoins en ingénierie des territoires ruraux. Les enseignements de l’enquête ont été, par ailleurs, mis en débat avec les membres du Comité de massif, afin de valider collectivement les orientations et dégager des pistes concrètes d’action.
Ce que révèle l’enquête : des difficultés partagées
A travers le questionnaire proposé aux collectivités du Massif central, élus et techniciens ont avant tout souligné leurs difficultés à obtenir des financements disponibles pour mettre en place des projets en lien avec les transitions. Le foisonnement d’offres de financements et d’outils freine les collectivités dans la mobilisation de ces aides. S’ajoute à cela la complexité administrative dans la constitution des dossiers, véritable défi pour certaines collectivités dont les moyens sont limités. Un des freins majeurs à l’engagement des collectivités dans ces démarches de transition est également le manque de compétences spécifiques sur des thématiques nouvelles et parfois pointues. L’enquête révèle une forte attente des collectivités en matière de formation et d’acculturation. Enfin, mutualiser les expériences, valoriser ces actions et créer des collaborations apparaissent comme des leviers essentiels pour engager tous les acteurs et accélérer les actions en faveur des transitions.
L’identification de ces besoins ont permis de dégager huit leviers structurants pour une ingénierie territoriale de la transition territoriale :
- Définir, pour construire un diagnostic partagé du territoire : lors de la phase de définition d’un projet, l’enquête a mis en avant le besoin de connaitre les réalités du terrain pour comprendre précisément les enjeux du territoire et prioriser les actions à mettre en place. La stratégie doit, dans ce cadre, s’appuyer sur des méthodes ajustées aux territoires qui prennent en compte ses réalités socio-économiques et ses capacités réelles.
- Se projeter, en pensant le territoire dans sa globalité avec pragmatisme : les projets de transition, faisant appel à des registres très variés, nécessitent une approche large pour disposer d’une vision d’ensemble prenant en compte les multiples impacts du changement global. Il s’agit bien de penser le territoire dans sa complexité et sa globalité, en croisant les approches sectorielles (air, énergie, climat, déchets, mais aussi eau, sol, biodiversité, mobilité…), ainsi que les échelles de temps et d’espaces (exemple : logique amont-aval) sans pour autant perdre de vue la nécessité d’agir.
- Trouver des ressources locales indispensables pour répondre au mieux aux enjeux tels qu’ils se posent localement : le manque de moyens alloués en termes de financements et de compétences constitue un frein majeur soulevé dans l’enquête par les collectivités. Les programmes, appels à projets ou appels à manifestation d’intérêt sont très nombreux, mais il est souvent difficile pour les collectivités de s’en saisir. Favoriser l’accès à ces financements et améliorer les compétences sont donc une clé de réussite.
- S’assurer de la réalité des transformations à engager par une conception et un management de projet orientés vers l’action : La phase de pilotage et d’animation d’un projet nécessite un pilotage pour activer la prise de décision et passer d’une stratégie porteuse de sens à des actions concrètes en déclinaison. La présence d’un chargé de mission dédié à cette étape peut faciliter sa mise en œuvre.
- Valoriser les retours d’expérience, pour apprendre de ses pairs : la valorisation est un besoin essentiel, car elle permet à la fois de mettre en avant des projets inspirants et l’implication motivante des collectivités, mais aussi de capitaliser sur les méthodes et les connaissances et de favoriser l’essaimage.
- Evaluer pour progresser : le projet ne s’arrête pas à la mise en œuvre des actions : les expérimentations réalisées doivent être évaluées à plus ou moins long terme. Cette phase nécessite de définir des indicateurs adaptés permettant de suivre et de mesurer de manière dynamique les effets des projets mis en place. Il s’agit pour les collectivités de tirer les enseignements des retours d’expérience, mais aussi d’être soucieuses de l’efficience de leurs actions.
- Acculturer pour se préparer collectivement : l’enquête met en avant des besoins en termes de sensibilisation, de formation et d’apprentissages collectifs entre acteurs et territoires. Il s’agit de s’entrainer ensemble pour être prêts face aux aléas.
- Mobiliser les acteurs : les démarches territoriales en faveur des transitions doivent s’inscrire dans des logiques de dialogue et de synergie en toutes les parties prenantes, de manière à créer de la confiance, dépasser les situations de blocage, faciliter les coopérations et les partenariats.
Cette ingénierie d’accompagnement couvre les trois phases de montage des projets de transition : la phase amont de conception (leviers 1 et 2), la phase opérationnelle de montage et de mise en œuvre du projet (leviers 3 et 4) et la phase de capitalisation (leviers 5 et 6), complétées par 2 leviers transversaux indispensables (leviers 7 et 8).
Vers un « Réseau des territoires du Massif central en transition »
L’offre d’ingénierie existe sur les territoires. Le « réseau des territoires du Massif central en transition » doit prendre en compte cette diversité d’acteurs pour mettre en place des dispositifs complémentaires. Une des fonctionnalités du futur réseau est d’animer les coopérations et les échanges pour favoriser le partage d’expériences et l’acquisition de savoir-faire, et trouver des solutions collectives aux freins existants à la mise en place de projets de transition. Il est également attendu pour proposer une veille informationnelle sur les outils et acteurs existants, et sur les opportunités de financement. Il s’agira surtout de traduire ces opportunités pour permettre à tous les territoires de s’en saisir. Générer de l’envie est primordial pour assurer le fonctionnement du réseau et sa pérennité. Ce travail de veille sera donc complété par la capitalisation des ressources, outils, acteurs et projets existants pour valoriser l’engagement actuel des territoires et favoriser leur implication future.
Un fonctionnement horizontal permettra d’impliquer davantage les parties prenantes. Les formats doivent être fréquents pour maintenir la dynamique. Les objectifs fixés par le réseau doivent être clairs et les réflexions basées sur des cas concrets, opérationnels, adaptés aux contextes territoriaux du Massif central.
A partir des réponses au questionnaire, des entretiens avec des réseaux existants, des recherches bibliographiques, l’AUCM propose de faire travailler le réseau sur 4 fonctionnalités :
- Monter en stratégie collectivement, à travers un partage sur des retours d’expériences et l’acquisition de savoir-faire.
- Activer les opportunités, à travers de la veille informationnelle sur les AMI, les opportunités de financements, les programmes, ….
- Animer les coopérations, à travers la mise en place de scènes d’échanges, de club, en faisant du lobbying territorial, en faisant vivre la « communauté apprenante ».
- Intégrer collectivement des savoirs nécessaires, en mettant à disposition des espaces ressources et des boites à outils, en faisant notamment une cartographie des acteurs et des projets.
Un tel réseau devra fonctionner selon des modalités souples et horizontales, s’appuyer sur des formats concrets, ancrés dans les réalités locales, et générer une dynamique d’entraînement collectif, pour donner envie d’agir et d’apprendre ensemble.
Conclusion : Vers une ingénierie de proximité, lisible et partagée
L’enquête menée par l’AUCM s’inscrit pleinement dans les constats du rapport interministériel de juin 2025 sur la rationalisation de l’ingénierie territoriale. Celui-ci pointe notamment :
- Le manque de lisibilité, de disponibilité et d’accessibilité de l’offre actuelle d’ingénierie territoriale pour les élus avec des opérateurs fonctionnant en silo, qui déploient une offre qui peut apparaître redondante, peu coordonnée, voire concurrente dans le cadre d’AP/AMI.
- La difficulté des territoires à accéder à une ingénierie de qualité, adaptée à leurs besoins spécifiques.
- La sous-utilisation des ressources locales déjà présentes avec des programmes nationaux qui prennent trop rarement en compte les ingénieries locales existantes, voire parfois foisonnantes.
- Le besoin urgent de renforcer l’ingénierie de proximité, notamment en milieu rural où les moyens humains disponibles sont souvent très faibles.
- L’importance de respecter le principe de subsidiarité et de complémentarité pour garantir un équilibre de l’offre, mais également éviter les effets d’aubaine.
Dans ce contexte, la démarche engagée dans le Massif central ouvre une voie prometteuse : celle d’une ingénierie coopérative, en réseau, à l’écoute des territoires. Loin d’être une simple couche technique, l’ingénierie devient un outil de transformation, à condition qu’elle soit lisible, mobilisable et fondée sur la confiance entre acteurs.
Créer une communauté apprenante, c’est doter les territoires d’un pouvoir d’agir partagé, face aux défis du climat, mais aussi des transitions économiques, sociales et démographiques.
C’est ce pari que porte aujourd’hui l’AUCM, avec ses partenaires, pour faire du Massif central un territoire d’innovation collective et d’adaptation solidaire.


