Article paru dans la publication FNAU « TRAITS D’AGENCES N°44 – Été 2024« .
Reproduit avec leur aimable autorisation.
Photo d’illustration du bandeau : Menhir du mont Lozère © S.Cordobes
Apprendre à faire territoire autrement
Ancien de la Datar, Stéphane Cordobes était parvenu au constat que les réponses au défi anthropocène devraient nécessairement être portées par les collectivités locales. C’est pourquoi il a souhaité en 2021 rejoindre le réseau des agences d’urbanisme. Avec une forte ambition de sensibilisation.
Lorsque nous avions brossé pour cette même publication (NLDR : Traits d’agences) le portrait de Grégory Bernard, le président de l’AUCM, celui-ci nous avait confessé avoir « eu la chance de recruter » Stéphane Cordobes comme directeur général. Quelques minutes d’entretien avec ce dernier suffisent à éclairer la confidence.
Stéphane Cordobes est un personnage à l’esprit pluridimensionnel, cultivé d’abord au cours de ses études – de formation philosophique avec un intérêt particulier pour le pragmatisme américain, il a ensuite complété son parcours d’un master en management spécialité « prospective, stratégie et organisation » au conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam) et d’une recherche doctorale de géographie au laboratoire « environnement, villes, sociétés » de l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon – puis durant quinze ans au sein de la Datar, devenue par la suite Commissariat général à l’égalité des territoires et enfin Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). D’où sans doute cette conviction chevillée à sa soif de justice à l’égard du vivant : « Nous parviendrons à faire face au défi de l’adaptation à la condition que nous transformions en profondeur nos manières de cohabiter ».
Mais Stéphane Cordobes n’est pas du genre à lancer des incantations sans se retrousser les manches. Alors, après avoir œuvré au programme de prospective « Territoires 2040, aménager le changement », convaincu logiquement que celui-ci s’opérerait à partir de l’échelle territoriale, il a souhaité prendre la direction d’une agence d’urbanisme, « laquelle se positionne à la juste distance pour une offrir une certaine forme de liberté de réflexion et de dialogue ». Ce sera celle de Clermont Métropole, administrée par des élus très portés sur les enjeux de transition au point de vouloir faire de la réorientation écologique une question culturelle et éducative. De cette approche innovante la FNAU fit d’ailleurs le thème de la 44e Rencontre nationale des agences d’urbanisme, organisée en novembre dernier… à la Comédie de Clermont.
Depuis que Stéphane Cordobes a rangé ses livres au pied des volcans, l’Agence clermontoise a étendu son champ d’activité au Massif central, « espace géographique plus pertinent pour penser l’adaptation » mais également pour acculturer une population et ses représentants à la nécessité d’apprendre à « faire territoire autrement ». La sensibilisation, le partage des connaissances sont des priorités pour celui qui attache également une grande importance à la part émotionnelle, à « ce qui touche les gens dans leur psychologie quand on leur explique que leur vie va être bouleversée ».
C’est ici le philosophe qui parle, influencé par John Dewey, figure centrale du pragmatisme américain de l’entre-deux guerres. Dewey se refusait à dissocier d’un côté le monde et de l’autre la conscience. « Il est nécessaire de considérer l’expérience et de bien saisir sa signification pour surmonter l’impuissance, héritée du passé, à voir ce qu’il faut voir à travers les continuités que manifeste ce qui est en processus et uniquement cela », estimait-il. L’école de l’adaptation en quelque sorte.